🛬 Une page de l’aviation se tourne avec la fin de la production du Boeing 747

🛬 Une page de l’aviation se tourne avec la fin de la production du Boeing 747

L’avionneur américain Boeing livre, ce mardi 31 janvier, son ultime 747. Cinquante-quatre ans après son premier vol, le « Jumbo Jet » tire sa révérence petit à petit. S’il est aujourd’hui supplanté par d’autres modèles, le Boeing 747 conservera une place à part dans l’histoire de l’aviation civile. C’est l’avion qui a démocratisé le transport aérien auprès des classes moyennes.

Avec sa taille démesurée, il s’est longtemps distingué dans la flotte des avions civils. Ce n’est pas pour rien qu’il a été surnommé « Jumbo Jet » ou encore « Queen of the skies » (« Reine des cieux »). Il a aussi été le fleuron de Boeing, l’avion qui lui a assuré une renommée mondiale. Et après plus d’un demi-siècle, le voilà qui amorce pour de bon sa descente.

Le 747, mythique avion de ligne, est livré pour la dernière fois ce 31 janvier. L’appareil est remis à la compagnie Atlas Air. C’est le 1 574e et dernier Boeing 747 construit. Le groupe américain avait annoncé, en juillet 2020, la fin de production du long-courrier.

Le moment est venu. Le 747 ne va certes pas disparaître avant un moment. Que ce soit dans sa version passager ou dans sa version fret, l’avion volera encore pendant quelques décennies. Mais la fin de production marque un tournant dans l’histoire de l’aviation civile. Tout comme fut sa création et surtout sa commercialisation.

Le premier géant des airs

Dans les années 1960, les avionneurs font face à un afflux de voyageurs de plus en plus important. Voir le monde devient populaire et la compagnie Pan American World Airways (Pan American) demande à Boeing de concevoir un avion capable de répondre à cette demande et de transporter des passagers en masse.

L’Association du transport aérien international (IATA) raconte, dans une version qui lui est propre, l’échange à l’issue duquel l’accord aurait été conclu entre Juan Trippe, PDG de Pan American, et Bill Allen, son homologue de Boeing. « Si tu le construis, je l’achète », aurait dit le premier. « Si tu l’achètes, je le construis », aurait répondu le second. En 1967, la production débute.

Pour construire son 747, Boeing doit d’abord se doter d’une usine gigantesque à Everett, dans la banlieue de Seattle (État de Washington). L’endroit demeure, à ce jour, le plus gros bâtiment du monde en volume, avec ses 13,4 millions de m3 et sa superficie s’étendant sur 40 hectares. Quelque 50 000 employés – qui se surnommeront « The Incredibles » (« Les Incroyables ») – sont mobilisés pour construire le premier appareil, assemblé en l’espace de 16 mois.

L’avion est hors norme. Les ingénieurs ont opté pour un modèle large, équipé de quatre réacteurs et deux couloirs. L’objectif est atteint : le 747 peut transporter plus de 600 passagers dans sa configuration la plus importante. Respectant les demandes de la Pan American, il est aussi idéal pour transporter de grosses pièces industrielles. Avec son cockpit installé en hauteur, son nez en forme de bosse et bien sûr ses dimensions, il ne passe pas inaperçu.

Le premier vol a lieu le 9 février 1969. Et le 22 janvier 1970, la Pan American réalise son premier vol commercial avec le 747, entre New York et Londres. Il devait avoir lieu la veille, mais un souci technique a entraîné un report de quelques heures.

Mis hors-jeu par des concurrents moins gourmands

Mastodonte des airs, le Boeing 747 change la donne dans le monde du transport aérien. Ce long-courrier, qui connaîtra des améliorations au fil des années, est la star des avions pendant des années. Avec ses grandes capacités et sa popularité, les prix des billets baissent. Voyager en avion n’est plus réservé à une élite. Les classes moyennes peuvent plus facilement découvrir le monde à leur tour.

Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que son rayonnement décroit. Les compagnies commencent à se tourner vers des appareils plus innovants, moins gourmands en carburant et plus facilement maniables. Le 747 implique en effet que les aéroports disposent d’assez d’espace pour l’accueillir. Le 27 avril 2005, le « Jumbo Jet » perd son titre de plus gros avion de transport de passagers quand l’avionneur européen Airbus réalise le premier vol, à Toulouse en France, du nouvel A380.

Les unes après les autres, les compagnies cessent d’utiliser le 747. Ainsi, cet avion n’a plus volé aux États-Unis depuis 2017, hormis les deux appareils Air Force One, qui forment la flotte des présidents américains depuis 1990. Deux exemplaires 747-8, la dernière version concoctée en 2011 par Boeing, doivent d’ailleurs remplacer ceux actuellement en service.

Le 747, qui aurait transporté plus de 6 milliards de personnes d’après Boeing, restera aussi associé aux deux accidents les plus meurtriers de l’aviation civile. Le 12 août 1985, un appareil mal entretenu s’écrase entre Tokyo et Osaka avec 524 personnes à bord : seulement quatre survivront. Et le 27 mars 1977, à l’aéroport Los Rodeos de Tenerife aux Canaries, deux 747 se percutent sur la piste, après une erreur d’aiguillage et alors qu’un épais brouillard s’était installé : 583 personnes meurent dans cette catastrophe qui a profondément marqué le transport aérien.

Pour Boeing, l’après 747 a déjà commencé. L’avionneur, mis à mal par la pandémie de Covid-19 et par les déboires de son 737 Max, se penche sur l’avion du futur. Il vient de s’associer à la NASA, l’agence spatiale américaine, pour développer un avion de ligne durable, davantage respectueux de l’environnement. Les deux groupes visent une nouvelle révolution technologique et tablent sur un début de production dans les années 2030. Le 747, avec ses allures de grand frère d’un autre temps, devrait alors être encore un peu dans les parages.

RFI