🇷🇺 Sergueï Kobylach, l’homme que Poutine appellera s’il doit bombarder l’Europe un jour

🇷🇺 Sergueï Kobylach, l’homme que Poutine appellera s’il doit bombarder l’Europe un jour

La Cour pénale internationale de La Haye a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de deux hauts gradés de l’armée russe. Événement historique puisque c’est la première fois que des officiers soupçonnés d’avoir perpétré des crimes contre l’humanité en Ukraine sont poursuivis. Parmi eux figure le général de corps d’armée Sergueï Kobylach, âgé de 58 ans, commandant de l’aviation à long rayon d’action de l’armée russe. Quelles sont les actions qui lui sont imputées? Et pourquoi a-t-il été proclamé “Héros de la Russie” après le crash de son avion ?

Ce que Sergei Kobylash a vécu au-dessus de la Géorgie en août 2008 ressemble à l’histoire du baron de Münchhausen. À l’époque, il officiait en tant que pilote de chasse dans un conflit déclenché par Moscou pour “imposer la paix” à l’ancienne république soviétique. Cette prétendue paix se traduisait par l’occupation d’un cinquième du territoire par la Russie et le maintien, encore jusqu’à ce jour, du soutien à deux républiques, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, reconnues par presque personne d’autre que le Kremlin.

Image d’archive de Sergueï Kobylach en tant que pilote de chasse. © Mil.ru

Sergueï Kobylach pilotait un Sukhoi-25 au-dessus de la ville de Tskhinvali, en Ossétie du Sud, lorsque son moteur gauche a été touché par un missile. Alors qu’il tentait de s’échapper, un nouveau nouvelle salve a touché son moteur droit. “J’ai immédiatement réalisé qu’il y avait une ville paisible en dessous de moi et j’ai essayé de détourner mon avion vers un territoire inhabité”, a relaté Serhei Kobylash dans un film paru en 2018, dédié à son acte héroïque, intitulé “Le général et son étoile”.

Sergueï Kobylach lors d’un discours en Ossétie du Nord où il a combattu en tant que pilote de chasse en 2008. © Mil.ru

Sauvé par son siège éjectable

L’avion s’est écrasé dans une gorge déserte et Sergueï Kobylach s’en est sorti in extremis grâce à son siège éjectable. Repêché indemne le lendemain, il a été évacué par hélicoptère. Cette prouesse lui a valu l’Étoile d’or du Héros de la Russie, la plus haute distinction nationale. Une rue de Tskhinvali a été baptisée à son nom en reconnaissance de son exploit. Plus tard, on apprendra que son avion n’avait pas été abattu par les forces géorgiennes, mais par des séparatistes alliés.

Sergueï Kobylach n’est en fait qu’à moitié russe. Il est né à Odessa, ville portuaire du sud de l’Ukraine régulièrement assiégée par sa propre armée de l’air. Ses racines familiales se trouvent en Moldavie, un pays que la Russie ne considère pas comme un allié. Néanmoins, il a toujours fait preuve d’une loyauté inébranlable envers Moscou. Avant d’opérer en Géorgie, il a participé aux deux guerres de Tchétchénie. C’est en 2016, qu’il est nommé commandant de l’aviation à long rayon d’action de l’armée russe.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un en compagnie du commandant de l’aviation à long rayon d’action des forces russes, Sergueï Kobylach. © AFP

Le plus grand avion de guerre au monde

Le commandement à long rayon d’action constitue la branche de l’armée de l’air russe chargée de la gestion des bombardiers lourds. Il pourrait jouer un rôle clé si Poutine décidait d’une frappe nucléaire. Elle pourrait être réalisée à l’aide du plus imposant avion de guerre au monde, le Tupolev-160. Ironiquement, ce type d’avion a été mis en service en Ukraine, sous le régime soviétique, en 1987. En décembre 2018, Kobylash a piloté l’un de ces avions depuis le cercle arctique jusqu’au Venezuela, accomplissant ainsi un vol sans escale sur une distance de 10.459 kilomètres.

Un bombardier Tupolev-160 déploie un missile de croisière au-dessus de la Syrie en novembre 2015, escorté par un chasseur Sukhoy-30 SM. © Mil.ru

Sergueï Kobylach n’est que le quatrième ressortissant russe à faire l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. En mars de l’année précédente, le président Vladimir Poutine et sa commissaire aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova, avaient également été visés par de tels mandats, les accusant d’enlèvement d’enfants ukrainiens. Les motifs exacts des soupçons pesant sur Kobylash et l’amiral Viktor Sokolov, chef de la flotte russe de la mer Noire (à propos duquel des rumeurs font état d’un licenciement, voire d’un décès), demeurent actuellement inconnus.

Les dégâts causés par les bombardements russes à Marioupol, le 16 mars 2022. © DR.

Massacre à Marioupol

La Cour pénale internationale évoque des frappes aériennes visant des civils, tout en préservant la confidentialité de certains détails afin de protéger des témoins. Cependant, l’Ukraine accuse depuis longtemps Sergueï Kobylach du massacre qui a eu lieu à Marioupol le 16 mars 2022. Au moins 600 personnes ont perdu la vie lors d’une attaque aérienne perpétrée contre un théâtre qui servait de refuge aux civils. Sur la place devant le bâtiment, le mot russe signifiant “enfants” était inscrit à la craie, clairement visible depuis les airs.

Le premier commandant depuis la Seconde Guerre mondiale à avoir ordonné des bombarde­ments sur des zones habitées

Le site web du renseignement militaire ukrainien classe Sergueï Kobylach parmi les criminels de guerre, le désignant comme le premier commandant depuis la Seconde Guerre mondiale à avoir ordonné des bombardements sur des zones habitées. Ces frappes aériennes visent à réduire l’ensemble d’une zone à l’état de ruines plutôt que de cibler des objectifs spécifiques. L’utilisation la plus célèbre de cette tactique a été le bombardement américano-britannique de Dresde en 1945, qui a fait 25.000 morts.

Le théâtre de Marioupol avant et après les bombardements. © DR.

“4.000 fois le salaire annuel moyen d’un soldat russe”

Les informations Ukrainiennes au sujet de Sergueï Kobylach mentionnent que son épouse, Yulia, âgée de 52 ans, exerce également une fonction au sein de l’armée de l’air russe. Le couple aurait une fille, Yekaterina, dans la trentaine et déjà mariée. Ils seraient propriétaires d’un appartement situé à Smolenskaya Zastava, une résidence réservée aux élites à Moscou où, selon le site d’information russe “The Insider”, résident également le commandant des forces terrestres et deux adjoints du ministre de la Défense, Sergei Shoygoe.

Le général de corps d’armée russe Sergey Kobylash avec sa femme Yulia et sa fille Yekaterina lors d’une visite au musée de l’espace et de l’aviation Archipo-Osipovka en septembre 2018. © Museum Cosmos

Ce petit bijou d’immobilier aurait une valeur d’environ 1,2 million d’euros, soit 4.000 fois le salaire annuel moyen d’un soldat russe. Sergueï Kobylach y passera peut-être désormais plus de nuits qu’auparavant. Car bien que son pays ne reconnaisse pas la Cour pénale internationale, les 123 États qui le font sont maintenant tenus de l’arrêter s’il devait y comparaître. Cela réduit soudainement considérablement son champ d’action. Nous avions déjà fait le calcul pour Poutine et cela revient à environs 65 millions de kilomètres carrés.

Smolenskaya Zastava, la résidence de l’élite à Moscou où Sergueï Kobylach possède un appartement. © DR.

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