🇨🇩 Climat tendu à l’approche des élections présidentielles en République Démocratique du Congo
Un président sortant, un prix Nobel de la paix, plusieurs poids lourds de l’opposition et une kyrielle de petits candidats sont sur les rangs pour la présidentielle du 20 décembre en République démocratique du Congo (RDC), un scrutin qui s’annonce tendu, voire explosif.
À quelques heures de la clôture des candidatures, en principe dimanche soir, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) en avait enregistré une vingtaine, qui ont dû déposer une caution de 100.000 dollars.
Parmi les prétendants, Félix Antoine Tshisekedi Sshilombo, 60 ans, au pouvoir depuis janvier 2019 ( au terme d’une présidentielle controversée) et candidat à un nouveau mandat de cinq ans, a déposé son dossier samedi à la Céni. “Il est dans une bonne posture”, analyse pour l’AFP le politologue Christian Moleka. “C’est le sortant, il a les moyens de l’État, des gens croient encore en lui et il a réussi à construire des alliances stratégiques”, explique-t-il. Avec une élection à un seul tour et même si, selon le politologue, son bilan “n’est pas à la hauteur”, M. Tshisekedi part donc favori face à une opposition morcelée. Et si celle-ci veut se donner une chance de l’emporter, elle va devoir se rassembler autour d’une candidature commune sinon unique.
Ce n’était déjà pas simple au vu des personnalités concernées, notamment Moïse Katumbi Chapwe, 58 ans, l’ancien gouverneur du Katanga (sud-est) empêché de se présenter à la présidentielle de 2018, ou Martin Fayulu Madidi, 66 ans, qui affirme l’avoir remportée, mais s’être fait voler sa victoire. Les deux ont une revanche à prendre.
L’entrée en lice de Denis Mukwege Mukengere – “l’homme qui répare les femmes”, son surnom hérité d’un documentaire qui lui a été consacré par le cinéaste belge Thierry Michel et la journaliste Colette Braeckman – a encore compliqué l’équation. Le célèbre gynécologue de Bukavu (est), qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2018 pour son action en faveur des femmes violées, a mis fin au suspense le 2 octobre en annonçant son intention de se présenter à la présidentielle. “Qui s’alignera derrière l’autre?”, s’interroge Christian Moleka.
“Un rétrécissement de l’espace démocratique”
Le Dr Mukwege a des atouts. “Il est une autorité morale” et a une virginité que les vieux loups de la politique n’ont plus, note un diplomate. Mais il a aussi des handicaps: en dehors de sa région et des cercles intellectuels, “il est peu connu parmi la population”. Il est aussi présenté comme “le candidat de la communauté internationale”, ce qui n’est pas un bon point. Et il n’a pas d’expérience ni de base politiques solides. “Or en RDC, on ne peut pas gagner sans alliés, sans réseau”, poursuit le même diplomate. De toute évidence, les partisans de Denis Mukwege “misent sur le fait qu’il sera candidat unique”.
Dans son allocution de candidature, qui a brossé un tableau particulièrement sombre de l’état du pays, le docteur a appelé “à la coalition et à l’unité de toutes les forces du changement”. “Mukwege est ouvert à des conciliabules”, constate le politologue. Reste à savoir si “les autres vont saisir la perche”. Ce qui est certain, selon les analystes, c’est que si l’opposition s’entendait finalement sur un homme providentiel, il ne serait connu que tardivement. Pour éviter qu’il ne soit écarté par un pouvoir “en mode agressif”, selon l’expression de Christian Moleka.
Ces derniers mois, l’opposition dénonce un rétrécissement de l’espace démocratique, avec des arrestations de responsables politiques et de journalistes. Un opposant proche de Moïse Katumbi a été assassiné en juillet dans des circonstances non encore élucidées. Et les partis d’opposition sont convaincus que les élections seront entachées de fraude. “Le processus électoral se construit sur une forte méfiance, qui pourrait conduire à des résultats contestés” et aggraver “l’instabilité”, craint Christian Moleka. Sur fond de violences armées dans l’est du pays, “il est même assez explosif”.
Parmi les autres candidats à la présidentielle figurent deux anciens Premiers ministres de l’ex-président Joseph Kabila Kabange, Augustin Matata Ponyo Mapon (2012-2016) et Adolphe Muzito Fumutshi (2008-2012), ainsi que le député Delly Sesanga et l’opposant Franck Diongo Shamba. Il y a aussi Noël Tshiani, déjà candidat en 2018 et chantre du concept “de père et de mère”, une proposition de loi sur la “congolité” qui viserait à n’accepter dans les hautes fonctions que les Congolais nés de deux parents congolais. Une manière d’écarter en particulier M. Katumbi, dont le père était italien.
La commission électorale doit publier le 25 octobre la liste provisoire des candidats à la présidentielle, élection qui sera couplée avec des législatives, des provinciales et des municipales.
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