🇺🇸 “Les femmes ne sont pas des machines à bébés”: qu’est-ce que le mouvement 4B qui s’invite maintenant aux États-Unis?
Depuis l’annonce de la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, bon nombre d’Américaines envisagent d’adopter le mouvement 4B. Sur les réseaux sociaux, de plus en plus de jeunes femmes partagent leur souhait d’importer ce mouvement féministe sud-coréen outre-Atlantique. Le principe? Ne plus se marier, avoir des enfants, fréquenter des hommes ni avoir des relations sexuelles avec eux.
En Corée du Sud, un nombre croissant de jeunes femmes adopte le “mouvement 4B” ou les “4 non”, qui rejette les attentes de la société en matière de mariage, de maternité et de relations hétérosexuelles.
“4B » est une abréviation de quatre mots coréens: “bihon” (pas de mariage), “bichulsan” (pas d’accouchement), “biyeonae” (pas de rendez-vous) et “bisekseu” (pas de sexe).
En refusant de se marier, d’avoir des enfants et de s’engager dans des relations amoureuses ou sexuelles avec des hommes, les féministes 4B cherchent à redéfinir leur vie en dehors des limites des rôles traditionnels imposés par la société sud-coréenne. Mais le mouvement pourrait bien s’exporter. Avec la réélection de Donald Trump à la tête de la Maison-Blanche, ce dernier suscite un nouvel intérêt aux États-Unis.
Comment est né le mouvement 4B?
Il est apparu en Corée du Sud vers 2015 ou 2016, selon Ju Hui Judy Han, professeure adjointe en études de genre à l’Université de Californie à Los Angeles. Principalement populaire chez les jeunes femmes dans la vingtaine, elle le décrit comme une ramification marginale de #MeToo et d’autres mouvements féministes qui ont vu le jour en réponse à l’inégalité criante entre les hommes et les femmes dans le pays.
Selon les données de l’OCDE, les femmes y sont payées environ un tiers de moins que les hommes, ce qui représente l’écart salarial le plus important parmi les pays de l’Organisation. Et bien que la Corée du Sud soit l’une des économies les plus avancées au monde, les femmes y sont à peine représentées dans les postes de direction et de gestion.
Le meurtre d’une femme près d’une station de métro de Séoul en 2016 a également alimenté le mouvement. L’auteur des faits avait déclaré qu’il avait tué sa victime parce qu’il se sentait ignoré par les femmes.
Dans ce contexte, les parcours de vie traditionnels – mariage, maternité et foyer – sont devenus moins attrayants aux yeux des jeunes femmes. “Ce n’est pas un mouvement très répandu, mais je pense que beaucoup de gens ont de l’empathie pour les sentiments qui le sous-tendent”, explique Ju Hui Judy Han à CNN. “Quand la violence à l’égard des femmes est si répandue, quand la discrimination et l’inégalité sont si systémiques, quand tant de choses rendent le mariage, l’accouchement et l’éducation des enfants difficiles, pourquoi et comment peut-on imaginer se marier et donner naissance à un enfant?”
(La suite ci-dessous)
Un mouvement relancé par l’élection américaine?
Il est encore trop tôt pour savoir si le mouvement 4B pourrait sérieusement prendre de l’ampleur aux États-Unis. Mais il suscite en tout cas de nombreuses discussions chez les jeunes femmes en ligne.
De nombreuses Américaines se disent aujourd’hui furieuses que la majorité de leurs homologues masculins aient voté pour un candidat qui a été jugé responsable d’abus sexuels et dont la nomination de trois juges conservateurs à la Cour suprême a conduit à l’annulation des protections nationales en matière de droit à l’avortement lors de son mandat précédent. Depuis, chaque État est libre d’interdire ou de restreindre l’accès à l’interruption volontaire de grossesse.
“S’ils nous détestent tant, on va commencer à faire ce qu’on veut”
Ces politiques, associées à une augmentation de la rhétorique conservatrice autour des droits des femmes, galvanisent les mouvements de ce type. “Nous avons plaidé et supplié pour davantage de sécurité, et fait tout ce que nous étions censés faire à leurs yeux, et pourtant ils nous détestent toujours”, témoigne ainsi Ashli Pollard, une trentenaire originaire de Saint-Louis, auprès de CNN. “S’ils nous détestent tant, on va commencer à faire ce qu’on veut.”
“Il faut commencer à réduire la population et l’économie. Il n’y a pas de pays à diriger si les taux de natalité commencent à diminuer. Ne cédez pas jusqu’à ce qu’ils commencent enfin à nous écouter”, corrobore une autre Américaine sur X.
En Corée du Sud, où le taux de natalité figure parmi les plus bas du monde, les slogans “les femmes ne sont pas des machines à fabriquer des bébés” et “mon utérus n’est pas une propriété nationale”, sont d’ailleurs devenus légion.
Le gouvernement considère depuis longtemps qu’il s’agit d’une crise nationale. Des politiques ont même été mises en place pour encourager le mariage et la procréation, comme la création de logements subventionnés pour les jeunes mariés et des incitations fiscales pour les familles. En 2016, le gouvernement a même lancé une carte nationale répertoriant le nombre de femmes en âge de procréer dans chaque district du pays. Une initiative qui a suscité l’indignation chez les femmes, qui se sont vues réduites à un outil de reproduction.
Pour de nombreuses féministes 4B, ces politiques sont un exemple de la manière dont l’État donne la priorité à la croissance démographique plutôt qu’à l’autonomie des femmes. En réponse, le mouvement présente son rejet du mariage et de la maternité comme un acte de résistance politique.
7sur7