🇺🇦 Voici ce que la guerre en Ukraine a déjà coûté: « Cela prend des proportions épiques”
La guerre en Ukraine a déjà englouti 1,2 billion d’euros. Un chiffre suivi de onze zéros. Quelle armée a dépensé le plus jusqu’à présent? Quel allié de l’Ukraine a été le plus généreux pour contribuer à son effort de guerre? Et combien de millions la Belgique a-t-elle promis à Zelensky? Explications, avec le professeur d’histoire économique Erik Buyst de l’Université de Louvain.
Après deux ans et deux mois de guerre en Ukraine, le bilan est terrible. Les chiffres varient considérablement, mais selon des estimations réalistes, environ 200.000 personnes auraient perdu la vie, en comptant les pertes russes comme ukrainiennes. Un carnage qui n’est pas près de cesser, car la fin de la guerre n’est pas encore en vue. Dans une nouvelle tentative venir à l’aide aux troupes ukrainiennes, la Chambre des représentants américaine a approuvé la semaine dernière un paquet d’aide d’une valeur de 56 milliards d’euros. Et vendredi soir, notre Premier ministre De Croo (Open Vld) a annoncé que notre pays allouerait également 230 millions d’euros supplémentaires d’aide militaire. Des sommes importantes qui soulèvent la question : combien nous a coûté la guerre en Ukraine jusqu’à présent?
Un million par minute
Une réponse difficile à obtenir, même en additionnant tous les rapports et les fichiers Excel possibles provenant d’organismes fiables. Nous avons réuni tout ce qu’on pouvait obtenir sur les coûts militaires ukrainiens mais aussi russes, le coût de la future reconstruction de l’Ukraine, l’aide promise par 41 pays à l’Ukraine, ou encore l’accueil des réfugiés.
Le montant total? 1.159.420.000.000 euros. Près de 1.200 milliards, ou encore 1,2 billion.
Pour rendre cela un peu plus compréhensible : chaque minute de guerre menée au cours des deux dernières années en Ukraine a coûté plus de 1 million d’euros. Pendant que vous lisez cet article, environ 5 millions d’euros auront été dépensés pour la guerre.
Et ce chiffre est vraisemblablement sous-estimé. Aucune donnée n’est disponible sur le soutien que la Russie a obtenu de ses alliés iraniens ou nord-coréens. La Biélorussie, à elle seule, aurait déjà fourni 130.000 tonnes de munitions aux Russes rien que durant la première année de guerre. Les dons privés et le soutien des organisations humanitaires comme la Croix-Rouge ne sont pas non plus inclus dans ces chiffres.
1,2 billion d’euros me semble être une limite inférieure correcte, mais le coût réel sera beaucoup plus élevé à long terme
Erik Buyst, professeur d’histoire économique
“1,2 billion d’euros, ça me semble être une limite inférieure raisonnable”, estime Erik Buyst, professeur d’histoire économique à l’Université de Louvain. “Le coût réel sera probablement beaucoup plus élevé à long terme. Prenons par exemple le produit intérieur brut (la valeur de tous les biens et services produits dans un pays, ndlr) de la Russie. Il pourrait rester stable, mais le niveau de vie de la population diminue en raison de la guerre et des priorisations dans l’industrie. L’acier qui serait normalement utilisé pour les carrosseries de voitures est maintenant presque entièrement consacré aux armes, ce qui entraîne un ralentissement de la production automobile et une baisse de la prospérité. Il est impossible de dire combien cela coûtera aux Russes, mais ce sera un montant énorme. Même après la guerre, nous devons être prudents avec les montants mentionnés. Une guerre de propagande peut alors commencer – comme en Belgique après la Seconde Guerre mondiale – où les dommages seront montés en épingle dans l’espoir de recevoir autant d’aide étrangère que possible.”
Dès aujourd’hui, il vaut mieux se méfier des manipulations des chiffres. “Dès que Hitler est arrivé au pouvoir, il a minimisé son effort de guerre”, prend pour exemple l’économiste. “Dans le budget allemand, il a regroupé diverses catégories pour dissimuler autant que possible quelle part de la production d’acier partait dans la fabrication de chars et de canons. L’objectif était de laisser l’ennemi dans l’incertitude quant à sa puissance militaire réelle. Coller un coût précis à une guerre est donc très difficile.”
Les montants sont de toute manière si élevés qu’ils en deviennent abstraits. La différence entre un ou deux billions reste hors de portée d’une personne ordinaire Mais c’est vraiment beaucoup, beaucoup trop. “En une année dans notre pays – toutes les entreprises et toute la population réunies – près de 600 milliards d’euros sont produits. Le coût de la guerre représente donc au moins deux fois notre PIB. Si nous revenons en arrière, nous arrivons au Plan Marshall : les Américains ont alors débloqué 13 milliards de dollars pour aider l’Europe de l’Ouest à se remettre sur pied après la Seconde Guerre mondiale. Ce montant équivaut aujourd’hui à 163 milliards d’euros.” Un septième de ce que cette guerre a déjà coûté.
Des destructions incomparables à celles de la Seconde Guerre mondiale
L’aide étrangère à l’Ukraine reste jusqu’à présent importante. Ce sont 41 pays, plus les institutions européennes, qui ont promis ensemble environ 315 milliards d’euros d’aide, en comptant les 56 milliards récemment annoncés par les Américains. Mais il y a un écart important entre l’aide annoncée, et celle réellement fournie : sur ces 315 milliards d’euros promis, l’Ukraine n’en a reçu que la moitié, soit 157 milliards.
Avec l’effort récemment annoncé de 230 millions – principalement pour la défense antiaérienne – la Belgique a déjà débloqué 1,77 milliard d’euros pour les Ukrainiens. Cela la place en 14ᵉ position dans le classement. En tenant compte du PIB, nous sommes à la 17ᵉ place.
La comparaison du coût de cette guerre avec celui d’autres conflits reste néanmoins impossible, selon le professeur Buyst. Non seulement les montants sont souvent incertains, mais aussi car les logements, le réseau routier et les armes d’aujourd’hui ne peuvent pas être comparés à ceux d’il y a 80 ans.
Le travail qui attend les Ukrainiens atteint des proportions épiques. La tâche est énorme, notamment dans les zones industrielles de l’est, largement détruites
Erik Buyst
Les guerres passées nous enseignent que les belligérants ont généralement besoin d’une décennie pour se remettre sur pied, une fois les combats terminés. Il leur faudra de l’argent, mais aussi suffisamment de main-d’œuvre. “Le travail qui attend les Ukrainiens prend des proportions épiques. Surtout dans les régions industrielles fortement dévastées de l’est, la tâche est énorme. Ce n’est pas impossible, mais plus la guerre dure, plus cela devient difficile. La question n’est pas seulement de savoir combien de temps le conflit va durer, mais aussi combien de temps les autres pays vont continuer à apporter leur aide financière. La facture va encore augmenter considérablement.”
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