🇺🇦 Les dernières heures de la famille ukrainienne tuée durant sa fuite racontées par le père

🇺🇦 Les dernières heures de la famille ukrainienne tuée durant sa fuite racontées par le père

Dimanche, alors qu’ils tentaient de fuir la ville d’Irpin, près de Kiev, une mère et ses deux enfants ont été lâchement tués. Les images de l’attaque au mortier qui leur a coûté la vie et de leurs corps sans vie dans la rue ont fait le tour du monde. Le père de famille, Sergei Perebeynos, a raconté au journal The New York Times comment se sont déroulés les derniers jours et les dernières heures de sa femme et ses enfants.

Le père ne se trouvait pas auprès de sa famille, à Irpin, lorsque le drame s’est produit. Il était dans l’est de l’Ukraine depuis la mi-février, à Donetsk plus précisément, pour s’occuper de sa mère qui avait contracté le Covid. Lorsque les troupes russes ont envahi le pays, il s’est retrouvé pris au piège et n’a plus pu quitter la ville. Mais pendant tout ce temps, il est resté en contact étroit avec sa famille.

Peu de temps après l’offensive russe vers Kiev, la ville d’Irpin où Sergei, programmeur informatique, et sa femme Tatyana, comptable, s’étaient installés il y a quelques années, a commencé à être prise pour cible par les troupes ennemies. Le couple vivait là avec ses deux enfants, Nikita et Alise, et leurs chiens Benz et Cake.

Malgré les recommandations à quitter le territoire ukrainien dès que possible, Tatyana avait reporté son départ. Elle ne savait pas comment mettre sa mère, qui souffre de la maladie d’Alzheimer, en sécurité. À partir d’un moment, le fils Nikita a même décidé de monter la garde la nuit et de dormir le jour. “Chaque fois qu’il entendait les combats approcher la nuit, il réveillait sa mère et sa sœur et elles se couchaient ensemble dans le couloir, loin des fenêtres”, raconte Sergei.

Jusqu’à ce qu’une nuit un projectile frappe le bâtiment et que Tatyana décide de se cacher au sous-sol avec les enfants. Samedi, après avoir passé deux jours dans leur cave, ils ont essayé de s’échapper pour la première fois. Mais alors qu’ils montaient dans la voiture, un char a soudainement dévalé la rue. Ils ont décidé d’attendre encore un peu avant de prendre la fuite. 

La fuite

Le lendemain, à 7 heures du matin, ils étaient prêts à partir. Après avoir consulté Sergei, Tatyana avait décidé de rejoindre un groupe avec ses enfants et ses parents – qui vivaient à proximité – et de fuir ensemble vers Kiev. De là, ils chercheraient un endroit sûr où aller. Ils ont roulé aussi loin que possible, mais avant même d’avoir quitté Irpin, ils ont dû laisser leur voiture derrière eux. Ils ont ensuite continué à pied, en direction d’un pont endommagé sur la rivière locale. 

Pour s’enfuir, ils devaient traverser un tronçon de route non protégé d’environ 100 mètres d’un côté du pont. Anatoly Berezhnyi, un bénévole de l’église qui avait mis sa propre famille en sécurité et était revenu pour aider les autres, était avec Tatyana et les enfants lorsqu’ils ont commencé à courir. À plusieurs kilomètres de là, Sergei a essayé de savoir où se trouvait sa famille en utilisant une application de localisation sur le téléphone portable de sa femme. Le matin, il avait vu qu’ils se trouvaient encore à l’adresse de leur domicile, mais ensuite plus rien. Problème de réseau, a-t-il pensé. Vers 10 heures, un nouveau signal est apparu. Mais quand il a vu où ils étaient, il a su immédiatement que quelque chose de grave s’était passé. Sa famille était localisée dans un hôpital. 

(la suite ci-dessous)

Illustration de personnes tentant de fuir Irpin via la rivière. © AP

Attaque au mortier

L’homme a alors tenté d’appeler sa femme, en vain. Une demi-heure plus tard, il a soudainement vu un message sur Twitter concernant une famille qui avait été tuée dans une attaque au mortier sur la route d’évacuation d’Irpin. Un autre message est venu confirmer ses craintes: sur une photo, il a reconnu les bagages de sa femme et de ses enfants. “C’est comme ça que je l’ai découvert”, explique-t-il au New York Times. 

Par miracle, les parents de Tatyana n’ont pas été blessés. Entre-temps, Sergei est rentré à Kiev. Aux barrages militaires, même si la situation était tendue, il a réussi à passer et à poursuivre sa route. “Je leur ai dit que toute ma famille avait été tuée lors de ce qu’ils appellent en Russie ‘une opération spéciale’. Ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient de moi. Je n’avais plus rien à perdre.”

7sur7