🇫🇷 Germain Pirlot, le discret inventeur du nom “euro”: « Il n’y a pas de quoi être fier, n’est-ce pas?”
Connaissez-vous Germain Pirlot? La question est certainement “non”. Dans son livre “This is Europe”, le professeur Hendrik Vos, de l’Université de Gand, parle des centaines de figurants de l’histoire de notre continent. Et parmi eux, un enseignant retraité ostendais originaire des Ardennes. En 1995, il a trouvé le nom de la nouvelle monnaie de l’Union européenne. L’euro est son invention, mais personne ne le sait. “Et alors?”, lance-t-il. “J’ai même des amis qui ne savent pas que c’était moi.”
Germain Pirlot, 78 ans, est originaire de Gedinnes, dans les Ardennes, mais vit à Ostende depuis 55 ans. Il a déménagé après avoir obtenu un emploi au Zeepreventorium à De Haan. Et il y a enseigné le français et l’histoire. Ses hobbies étaient le sport (tennis, basket-ball, tennis de table, escrime, judo) et l’espéranto. Cette langue mondiale artificielle, inventée à la fin du 19e siècle, il l’a apprise et étudiée, et dans les années 1980, il a également écrit une chronique mensuelle à son sujet dans un journal francophone. C’était un véritable “espérantiste”, comme on l’appelle.
“Monnaie espéranto”
Un jour d’été 1995, il a lu dans un autre journal (Le Monde) une interview de Jacques Santer, alors président de la Commission européenne, sur l’écu, la monnaie commune qui allait devenir celle de l’Europe.
“Dans cette interview, Santer a déclaré que l’écu ne devait pas devenir une “monnaie espéranto”, ce qui signifiait probablement que l’intention de la Commission européenne était que tout le monde l’utilise… contrairement à l’espéranto. Je trouvais cette déclaration quelque peu désobligeante à l’égard de l’espéranto. J’ai donc décidé de lui écrire une lettre pour lui signaler qu’il devait avoir plus de respect pour l’espéranto. Pendant que j’écrivais cette lettre, le mot “euro” m’est venu à l’esprit. Ne me demandez pas comment ou pourquoi, mais soudainement c’était là”, se souvient Germain Pirlot. “Je l’ai donc inclus dans la lettre, comme une suggestion. J’ai pensé que c’était plus neutre que ‘écu’, et très approprié aussi.”
Lorsque la pièce a été mise en circulation cinq ans plus tard, j’avais presque oublié que j’avais trouvé ce nom. Je n’en parle jamais, sauf si on me le demande. Quel est l’intérêt?
Germain Pirlot
Santer et le reste de la Commission européenne le pensaient aussi. Comme l’écu faisait référence à l’ancienne monnaie française, mais était également l’abréviation de l’anglais “European Currency Unit” (alors que les Britanniques ne voulaient même pas participer à l’UE), des critiques avaient déjà été émises. Les propositions telles que “ducat” ou “florin” n’ont pas non plus été accueillies avec des applaudissements. Germain Pirlot avait trouvé l’œuf de Colomb avec le terme “euro”, et, le 15 septembre de cette année-là, il a reçu une lettre du secrétaire de Jacques Santer le remerciant pour cette excellente idée. Un peu plus tard, un certificat de Promeuro, l’organisme chargé de la promotion de la nouvelle monnaie, a indiqué, qu’à sa connaissance, Pirlot avait été le premier à suggérer le nom “euro”.
Et c’est tout. Aucune autre forme de reconnaissance n’a suivi, sans parler du fait que Pirlot ne s’est pas enrichi grâce à sa brillante idée. “Ce n’était pas l’intention”, dit-il en riant. “Je n’en suis pas fier ou quoi que ce soit. Lorsque la pièce a été mise en circulation cinq ans plus tard, j’avais presque oublié que j’avais trouvé ce nom. J’ai encore des amis qui ne savent pas que l’idée vient de moi. Je n’en parle jamais, sauf si on me le demande. Quel est l’intérêt?”
Parce qu’il a plus d’influence sur l’histoire de l’Europe que la majorité des députés européens, peut-être? Pirlot rit: “Je ne vais pas faire de commentaires à ce sujet. Je n’ai jamais été très impliqué dans la politique de toute façon.”
Des euros et des ropas
Si Germain Pirlot est fier de quelque chose – “Nous, les Ardennais, sommes plutôt modestes” – c’est de sa carrière d’enseignant au Zeepreventorium. “Il y a même une page entière qui m’est consacrée sur leur site internet: tous les anciens élèves qui témoignent. Ça me donne la chair de poule. À l’époque, j’enseignais à tous ces enfants individuellement, c’était une improvisation constante, et apparemment, j’ai pu faire quelque chose pour eux. Je considère cela comme une réussite. L’euro, c’est un détail sympathique, mais c’est tout.”
“De plus, ils ne m’ont suivi qu’à moitié. J’avais également suggéré le nom ‘ropas’ pour les centimes, car je trouvais aussi que les centimes étaient trop français et donc pas assez neutres, mais ils ne l’ont pas choisi. Je trouvais que ça sonnait bien, pourtant: “C’est un euro et cinquante ropas.”
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