Aly Ngouille Ndiaye: «Pourquoi nous voulons ramener le visa pour les étrangers»
Le ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, pense que la réciprocité doit être appliquée pour pousser les étrangers à payer un visa pour entrer au Sénégal. Il explique dans cet entretien ses raisons.
Vous avez annoncé un projet de retour des visas pour les étrangers, qu’est-ce qui explique cela ?
Cette question a été soulevée et depuis quelques temps, nous
travaillons sur certains projets qui ont tous trait au renforcement de
la sécurité. Dans le contexte actuel, nous devons savoir qui est chez
nous. C’est pourquoi d’ailleurs dans le cadre de la reconnaissance de
ceux qui habitent au Sénégal, nous avons repris les cartes d’identité
des Sénégalais, en mettant en place des cartes d’identité biométriques.
t là, nous devons passer par une autre étape, parce qu’il n’y pas que
des Sénégalais sur notre territoire. Nous avons des étrangers qui nous
viennent des pays limitrophes, notamment de la Cedeao, mais également
des autres pays africains et du monde. Nous avons également besoin
d’identifier les étrangers qui vivent ici. C’est la raison pour laquelle
nous sommes en train de travailler pour mettre en place un système qui
nous permettra d’identifier ces étrangers, avec des cartes d’identité
ayant les mêmes formes que les cartes d’identité biométriques qui sont
en vigueur au Sénégal et dans beaucoup de pays africains.
Et c’est dans ce même ordre d’idées que nous travaillons pour également
ramener le système de visa pour les autres pays. C’est vrai que c’est un
problème qui était là. On avait lancé ce système et nous sommes revenus
dessus. Là, nous allons changer d’approche pour éviter tous les
problèmes qui avaient fait que ce système avait été décrié très tôt.
Qu’est-ce qui a changé entre-temps, pour que l’Etat décide de faire revenir les visas ?
Dans tous les pays du monde, c’est pour les aspects sécuritaires.
Chaque pays veut savoir qui vient chez lui et quand il va partir. Et
l’un des premiers moyens de contrôler ceux qui rentrent ici, c’est de
pouvoir les canaliser. Cela nous permet d’apprécier le flux, leurs
justifications, mais également leurs durées de séjour. Quand un système
de visa est là, avec des dates de validité bien précises, quand
quelqu’un rentre, on sait quand il doit sortir. Actuellement, on n’a pas
de visa. Par exemple, quelqu’un qui entre dans le pays et qui n’a pas
de visa, une fois qu’il franchit les portes de l’aéroport, il peut
rester à sa guise.
Le visa avait été supprimé suite
aux pressions des acteurs du tourisme, aujourd’hui le pays est en train
de se projeter pour vendre encore la «destination Sénégal». Est-ce
qu’une telle décision ne va pas freiner l’élan ?
Je ne pense pas. Parce que ça dépend de comment l’outil a été conçu.
Dans cette nouvelle conception, les gens n’ont pas besoin d’aller
systématiquement dans les consulats pour demander leurs visas. Nous
voulons travailler sur une solution Web design, où n’importe qui peut
demander le visa à partir de son téléphone ou de son ordinateur et le
recevoir avant d’embarquer. Pour ceux qui n’ont pas fait ces étapes, ils
pourront, une fois sur place à l’aéroport, demander le visa.
Pourtant
récemment, le ministre du Tourisme avait assuré, sur France 24, qu’il
n’était pas question que le Sénégal revienne sur ce visa. N’y a-t-il pas
problème au niveau de la communication ?
Je ne
pense pas. J’ai dit que nous travaillons pour ramener le visa. Et quand
il y a des aspects sécuritaires, ce n’est pas forcément le ministre du
Tourisme qui travaille dessus, c’est le ministre de l’Intérieur. Nous
n’avons pas encore atteint un stade où nous devons partager avec les
autres collègues. Une fois que ce sera fait, ce sera au gouvernement de
prendre une décision finale.
Moi, je dis en tant que
ministre chargé de la sécurité, qu’avec tous les problèmes que nous
rencontrons, nous devons connaître les personnes qui sont dans notre
pays. Et avec la mise en place de ces cartes, je suis obligé de
travailler avec les ministères des Affaires étrangères, car beaucoup de
Sénégalais résident aussi à l’extérieur. Aujourd’hui, c’est un projet
que nous avons pour des raisons de sécurité, c’est pourquoi je dis que
nous travaillons sur ça. Et une fois ce travail fini, nous allons
forcément le partager avec le ministère du Tourisme, mais aussi celui
des Affaires étrangères.
Le recensement ne va-t-il pas poser problème ?
Non. Nous connaissons les plus fortes concentrations. Nous savons en
général où ces populations se situent. Cela va prendre peut-être un peu
de temps. Mais avec le dispositif qui sera mis en place, nous y
arriverons. Le plus important est de démarrer, car si on ne démarre pas,
on ne le saura jamais. En mettant en place ce système, nous saurons,
comme tous les pays le font, qui est chez nous. Parce que nous ne le
savons pas présentement.
Depuis quelque temps, nous
constatons qu’il y a beaucoup d’arrestations de personnes supposées
liées à des réseaux terroristes. Qu’est-ce qui fait que les terroristes
courent vers le Sénégal ?
Pour le moment, nous
sommes à l’abri. Mais il ne faut pas dormir sur nos lauriers. C’est
pourquoi nous voulons savoir qui vient chez nous. Nous nous rendons
compte qu’il y a aujourd’hui beaucoup de bandits, qui ne sont pas
forcément des Sénégalais. Ce système nous permettra de les identifier,
avant qu’ils ne franchissent le territoire sénégalais.