Affaire des « écoutes » : Nicolas Sarkozy condamné à 3 ans de prison, dont 1 ferme
Nicolas Sarkozy est devenu le second ancien président de la Ve République à être sanctionné par la justice après son ancien mentor Jacques Chirac.
Dans l’affaire des « écoutes », l’ancien président Nicolas Sarkozy a été déclaré coupable de corruption et de trafic d’influence par le tribunal correctionnel de Paris, qui rendait son jugement ce lundi 1er mars. Il est condamné à trois ans de prison, dont un an ferme. Nicolas Sarkozy devient ainsi le deuxième ancien président condamné sous la Ve République, après Jacques Chirac en 2011 dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. C’est aussi le premier ancien président de la Ve République à être condamné pour corruption. Nicolas Sarkozy, qui a toujours affirmé n’avoir jamais commis « le moindre acte de corruption », a écouté le prononcé de sa peine debout face au tribunal, semblant impassible. L’ancien président et ses avocats n’ont fait aucune déclaration à la sortie de la salle.
Nicolas Sarkozy, qui a été « garant de l’indépendance de la justice, s’est servi de son statut d’ancien président pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel », a déclaré la présidente de la 32e chambre correctionnelle de Paris, Christine Mée, estimant que le « pacte de corruption » était bien constitué. Les juges ont également condamné à la même peine l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert et l’avocat historique de l’ex-président, Thierry Herzog, avec 5 ans d’interdiction professionnelle pour ce dernier. Ils ont également été reconnus coupables de violation du secret professionnel. Thierry Herzog a fait appel, ont annoncé ses avocats à l’Agence France-Presse. « L’appel est suspensif sur toutes ces dispositions. Nous sommes plus déterminés que jamais à obtenir la relaxe de Me Herzog, qui est présumé innocent », ont déclaré Hervé Temime et Paul-Albert Iweins.
Un autre procès à venir, l’affaire « Bygmalion »
Le tribunal est resté en deçà des réquisitions du Parquet national financier (PNF) qui avait demandé les mêmes peines de quatre ans d’emprisonnement, dont deux ferme à l’encontre des trois prévenus. Le patron de ce parquet financier, Jean-François Bohnert, était présent en personne pour le jugement. Cette première condamnation pour Nicolas Sarkozy intervient alors qu’il doit faire face à nouveau à des juges, dès le 17 mars, au procès de l’affaire « Bygmalion » portant sur les frais de sa campagne présidentielle de 2012.
Retiré de la politique depuis 2016, mais toujours très populaire à droite, un an avant le prochain scrutin présidentiel, Nicolas Sarkozy est sous forte pression judiciaire. Il est mis en cause dans plusieurs dossiers, dont celui des soupçons de financement libyen de sa campagne victorieuse de 2007. C’est dans le cadre de cette dernière affaire qu’il avait été placé sur écoutes en 2013. Les juges découvrent alors que Nicolas Sarkozy utilise une ligne téléphonique secrète, ouverte sous l’alias de « Paul Bismuth », pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog. Une dizaine de leurs conversations ont été retranscrites. Pour le tribunal, elles prouvent bien qu’un « pacte de corruption » a été conclu entre Nicolas Sarkozy, son avocat et Gilbert Azibert.
Informations privilégiées
Les juges ont estimé que l’ex-président s’était rendu coupable de corruption en promettant d’appuyer la candidature de Gilbert Azibert pour un poste de prestige à Monaco, en échange d’informations privilégiées, voire d’une influence sur un pourvoi en cassation qu’il a formé. L’ancien locataire de l’Élysée voulait alors faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels après avoir obtenu un non-lieu dans l’affaire Bettencourt. Gilbert Azibert, avocat général dans une chambre civile, n’intervenait pas directement dans ce dossier, mais il a, selon le tribunal, joué de ses relations.
Lors du procès qui s’est achevé le 10 décembre, la défense s’était insurgée contre un dossier basé sur des « fantasmes » et des « hypothèses » et avait plaidé à l’unisson la relaxe des prévenus. Elle avait fait valoir qu’in fine, Nicolas Sarkozy n’a pas eu gain de cause devant la haute juridiction et que Gilbert Azibert n’a jamais eu de poste à Monaco. Selon la loi, il n’est cependant pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l’influence soit réelle, pour caractériser les délits de corruption et de trafic d’influence.
Attaques contre le PNF
Tout au long du procès, dans une ambiance houleuse, la défense avait pilonné un dossier « poubelle », réclamant l’annulation de la totalité de la procédure, basée selon elle sur des écoutes « illégales », car violant le secret des échanges entre un avocat et son client. Les avocats des prévenus avaient aussi torpillé une enquête préliminaire parallèle menée par le PNF. Visant à identifier une éventuelle taupe ayant pu informer en 2014 Thierry Herzog que la ligne Bismuth était « branchée », elle a conduit à faire éplucher leurs factures téléphoniques détaillées (« fadettes »). Elle a été classée sans suite près de six ans après son ouverture. Trois magistrats du parquet financier, notamment son ancienne cheffe Éliane Houlette, sont visés depuis septembre par une enquête administrative, dont les conclusions sont imminentes.
Dans ce contexte tendu, Jean-François Bohnert était venu en personne le jour du réquisitoire pour défendre l’institution tout juste créée quand l’affaire des « écoutes » a éclaté, et assurer : « Personne ici ne cherche à se venger d’un ancien président de la République. »
Par Lepoint.fr