Pourquoi, même sans lui verser de salaire, était-il impossible pour le Barça de garder Messi ?

Pourquoi, même sans lui verser de salaire, était-il impossible pour le Barça de garder Messi ?

Le FC Barcelone ne rentre pas dans les critères financiers imposés par la ligue espagnole de football. Même sans le salaire du prodige Lionel Messi, le «salary-cap» du club explose tous les plafonds.

L’image a fait le tour du monde : Lionel Messi portant un t-shirt affublé d’un «Ici c’est Paris» et saluant les supporteurs du Paris-Saint-Germain (PSG) venus l’accueillir à l’aéroport du Bourget. Après vingt-et-un ans de bons et loyaux services au sein du FC Barcelone, le sextuple ballon d’or a fait ses adieux au club qui l’a formé et qu’il n’avait depuis jamais quitté. Quelques jours seulement après l’annonce du départ de l’Argentin, son arrivée au PSG a été officialisée, mardi 10 août.

C’est à contrecœur, a-t-il assuré en conférence de presse, que Messi a dû quitter le «Barça», ce club avec lequel il a remporté plus d’une dizaine de compétitions, dont la Ligue des champions, titre suprême pour les écuries européennes. En cause : une règle financière imposée par la Liga, la ligue de football espagnole, à la suite de la crise économique et financière de 2008. Règle que l’on appelle «salary-cap».

Masse salariale maximale

Attention à ne pas confondre salary-cap et fair-play financier. Le second a été imposé par l’UEFA, l’instance dirigeante du football en Europe, et régule les dépenses des clubs pour éviter qu’elles n’excèdent trop leurs recettes. En français, salary-cap pourrait être traduit par «plafond salarial». «Ce n’est pas un salaire maximum imposé individuellement à chaque joueur, c’est un ratio masse salariale sur budget à ne pas dépasser», décrypte pour CheckNews l’économiste du sport Pierre Rondeau. Outre la Liga, d’autres ligues européennes ont fait part de leur intérêt pour ce système, comme la Premier league anglaise en réaction à la crise sanitaire, et il est systématiquement appliqué dans les grands championnats sportifs aux Etats-Unis.

S’agissant du calcul de la masse salariale des clubs espagnols, il inclut leurs joueurs, mais pas que : comme l’explique le site Goal.com, d’autres salariés sont aussi concernés (entre autres, le staff technique et le préparateur physique). Et cette masse comprend les salaires fixes de toutes ces personnes, mais aussi les primes, les frais d’acquisition de joueurs, ou encore les commissions des agents.

En vertu des règles définies par la ligue espagnole, la part de la masse salariale dans le budget des clubs ne doit pas excéder 70 %. Si ce taux est fixe, le montant du salary-cap, lui, ne l’est pas. Tous les ans, les équipes espagnoles proposent à la Liga un plafond ensuite évalué par son organisme de validation, qui soit l’approuve, soit le rectifie à hauteur du plafond qu’il estime garantir la stabilité financière du club. Dans le cas du FC Barcelone, la Liga a considérablement réduit cette somme, qui est passée de 347 millions d’euros la saison dernière à 160 millions pour cette saison. Une décision justifiée par les moindres rentrées d’argent du fait de la crise sanitaire, ainsi que par les coûteux recrutements du Barça ces dernières années.

«Problème de comptabilité»

Le club catalan ne respecte pas les critères imposés par sa ligue. D’après les chiffres rapportés par son propre président, Joan Laporta, la masse salariale du Barça avec Lionel Messi compris – lequel percevait quelque 100 millions d’euros bruts annuels – comptait pour 115 % de son budget. Sans l’Argentin ou sans lui verser de salaire, ce ratio atteint toujours 95 %. Ce qui d’ailleurs empêche le club, pour l’instant, de valider l’entrée dans ses effectifs de ses recrues estivales Memphis Depay, Eric Garcia, Emerson Royal et Sergio Agüero. Le contrat de Messi prenant fin cet été, il aurait également dû être enregistré comme nouveau joueur.

Quoi qu’il en soit, il était donc impossible pour le club de garder au vestiaire celui qu’on surnomme «la Pulga». Le FC Barcelone et le clan Messi ont pourtant multiplié les efforts pour libérer une somme permettant de prolonger le contrat du joueur. Celui-ci avait même revu ses prétentions salariales à la baisse. «J’ai proposé de baisser mon salaire de 50 %. J’ai tout essayé», a-t-il glissé en conférence de presse. Mais aucun montage financier n’a su convaincre la Liga, qui s’est montrée intransigeante devant les finances du club.

Contrairement aux rumeurs qui ont pu circuler, «le départ de Messi de Barcelone n’est donc pas lié à une envie d’argent du joueur, conclut Pierre Rondeau, qui codirige l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean-Jaurès. C’est un problème de comptabilité et de gestion du Barça, incapable d’anticiper et de stabiliser ses dépenses».

Libération