🇸🇳 Plus de 141 milliards de FCFA évaporés : l’affaire des Dépôts à terme secoue l’ancien ministère des Finances

🇸🇳 Plus de 141 milliards de FCFA évaporés : l’affaire des Dépôts à terme secoue l’ancien ministère des Finances

La Cour des comptes a révélé un scandale financier d’une ampleur inédite, portant sur 141,08 milliards de FCFA issus du Trésor public, placés en Dépôts à terme (DAT) puis liquidés sans reversement. L’affaire, transmise à la justice, met en cause plusieurs anciens hauts responsables, dont l’ex-ministre des Finances Amadou Ba.

C’est un chiffre qui donne le vertige : plus de 141 milliards de francs CFA auraient disparu des comptes publics entre 2015 et 2023. Cette somme, révélée dans le rapport 2019–2024 de la Cour des comptes, correspond à des Dépôts à terme effectués au nom du Trésor public, puis « cassés » de manière anticipée sans retour dans les caisses de l’État. Le dossier est désormais entre les mains du Garde des Sceaux, Ousmane Diagne.

Dans un référé transmis à la justice, le Premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye, parle de « faits graves » et pénalement répréhensibles. Selon L’Observateur, ces manipulations financières, jugées opaques, auraient été réalisées sous l’autorité directe de ministres ou de secrétaires d’État chargés des Finances.

Des ordres directs, en dehors du cadre légal

Les Dépôts à terme sont des placements financiers à durée déterminée, censés être rigoureusement encadrés. Or, dans ce cas, plusieurs d’entre eux ont été liquidés prématurément sur ordre de l’ex-ministre des Finances Amadou Ba, sans que l’utilisation des fonds soit clairement justifiée ni retracée.

Un exemple cité : une lettre signée le 30 juin 2016 par Amadou Ba ordonnant un dépôt de 4,1 milliards FCFA auprès de la BRM, à un taux d’intérêt de 3,5 %, sans mention de l’objectif du placement. Selon les informations obtenues par la Cour, ce fonds aurait ensuite servi à régler un escompte de billet à ordre, sans qu’aucun document ne vienne justifier cette opération.

Autre cas épinglé : un DAT de 6,5 milliards FCFA, inscrit dans le cadre d’un protocole entre l’État, la Sonatel et la BRM, et engagé sur instruction de l’ex-ministre, via une correspondance signée le 3 juin 2015 par Cheikh Tidiane Diop, alors secrétaire général du ministère.

Une chaîne de responsabilités

Amadou Ba n’est pas le seul à être mis en cause. L’enquête désignera d’autres acteurs clés : Cheikh Tidiane Diop, ancien directeur général du Trésor, ainsi que des trésoriers généraux encore non identifiés. Le flou demeure sur les circuits financiers empruntés, mais la Cour est formelle : aucune régularité ni traçabilité satisfaisante n’a pu être établie.

D’un point de vue juridique, l’article 125 du décret n°2011-1880, qui encadre la comptabilité publique, précise que seuls les comptables publics peuvent manipuler les fonds de l’État. En intervenant directement, les ministres concernés auraient agi en violation de ce texte, engageant irrégulièrement les finances publiques hors du cadre légal voté par le Parlement.

« La qualité de deniers publics ne se perd jamais »

La Cour des comptes insiste dans son rapport : les sommes issues du Trésor conservent toujours leur statut de deniers publics, sauf si elles servent à rembourser une dette publique légale. Ce qui, en l’espèce, n’a pas pu être démontré.

L’affaire, lourde de conséquences potentielles, pose la question de la responsabilité individuelle et collective dans la gestion des ressources publiques au sommet de l’État. Elle devrait désormais connaître un développement judiciaire sous l’autorité du ministre de la Justice.