🇸🇳 Mage (actrice): «Lorsque Marodi m’a recontactée, j’ai pris la Bible, je l’ai lue…» (Entretien iGFM)

🇸🇳 Mage (actrice): «Lorsque Marodi m’a recontactée, j’ai pris la Bible, je  l’ai lue…» (Entretien iGFM)

Elle mène sa vie comme dans une scène, d’un rôle à un autre… A elle seule, elle porte plusieurs casquettes, chanteuse, maîtresse de cérémonie, présentatrice télé et actrice. La dernière est celle qui l’a révélée au public sénégalais. Mage dans «Golden», Adjara dans «Frontières» ou encore Rama dans «Emprises», Amélie Mbaye de son vrai nom, n’a plus rien à prouver dans le monde du septième art.

A travers cet entretien l’actrice revient sur ses différents personnages, sa vie
Adjara, Mage ou Rama… incarne la femme forte, protectrice, qui couve ses enfants jusqu’à les étouffer et qui serait prête à tout pour sa famille.

Amélie Mbaye qui donne ses traits à ces personnages est-elle comme ça dans la vie ?

Ce n’est pas tout le temps que j’incarne le rôle de femme forte et protectrice, parce que dans une carrière d’acteur, il faut justement éviter les étiquettes. Sinon, les maisons de production ne vous contactent que parce que vous pouvez jouer un genre précis de personnage. Ce n’est en fait que dans « Emprises » que j’incarne cette figure de femme forte, qui exagère quant à la protection des enfants. En vrai, c’est souvent «femme forte» mais, différemment. Par exemple, dans le rôle d’Adjara, pour le film «Frontières», à la limite, j’agace le public, parce que ce personnage que j’incarne ose prendre certaines décisions, tracer son chemin. Dans «Golden» aussi, la femme forte revient, mais, avec une touche de «Sénégalité» : c’est la femme sénégalaise, aux côtés de son mari certes, mais qui sait aussi bien se mettre derrière que devant. Dans « Emprises », il n’y a même pas de mari. C’est plus la femme battante, ganster woman et en même temps, une vraie maman sénégalaise, africaine je dirais, et hyper protectrice.

C’est de fait trois personnages, un challenge assez lourd. Mais c’est un défi et il faut savoir relever les défis. Alors, suis-je ainsi dans la vraie vie ? Non, je suis très famille mais pas au point de tout faire. Je suis plutôt celle qui recherche, va à la rencontre de la famille, parce que j’aime être entourée des miens. Donc je ne suis pas du tout imposante, protectrice ou bagarreuse et c’est pourquoi il faut savoir faire la part des choses. Faire la différence entre le personnage et la personne. Malheureusement, cette différence n’est pas toujours faite en Afrique, et on a tendance à mélanger la personne et le personnage. De fait, on pense que la comédienne est en vrai exactement ce qu’elle incarne dans ses rôles.

Vous donnez l’impression d’être une femme totalement indépendante, qui refuse d’être sous le joug d’un homme. Quelle est la femme sénégalaise qui se cache derrière l’actrice ?

Oui, ce n’est même pas une impression, puisqu’en général, je suis quelqu’un de très indépendante. Déjà que je suis partie très tôt à l’étranger pour mes études. Donc j’ai appris à me débrouiller seule à l’étranger. Je peux même dire que j’ai beaucoup plus vécu à l’étranger qu’ici au Sénégal. Donc, j’ai appris à être indépendante et à obtenir des choses par moi-même. Mais cela ne m’empêche pas d’être attachée à mon africanité et d’en être très fière. Avoir vécu à l’étranger nous permet de prendre conscience de nos valeurs africaines. Je dis bien, africaines, puisque je ne veux pas tout mettre dans le contexte strictement sénégalais. C’est vraiment en étant à l’étranger que je les ai prises à leur juste valeur. Ce, sur tous les plans. Ainsi, je mets en premier plan ma culture africaine que j’ai appris à aimer et à valoriser en étant à l’étranger.

Dans votre nouveau film «Frontières», plusieurs femmes se rencontrent et voyagent ensemble. Vous y jouez la Sénégalaise typique, un peu acariâtre sur les bords. Était-ce facile pour vous de prêter vos traits à ce caractère ?

Dans Frontières, j’incarne la femme sénégalaise qui va travailler pour épauler son mari. Ce sera à travers le commerce et le personnage est présenté comme la plus intellectuelle dans ce milieu. Etait-ce facile pour moi, quant à l’incarnation d’un tel caractère. Je dirais que c’était un habit, et je l’ai porté. C’est ce qu’en général je me dis, c’est-à-dire qu’avant d’accepter un rôle, il faut au préalable que ça me parle. Je ne peux pas accepter un rôle que je n’aime pas. Je ne peux pas accepter de porter un habit que je n’aime pas. Si j’accepte un quelconque rôle, c’est d’abord dû au fait que je me sente capable de relever le défi, le challenge et de transmettre le mes- sage derrière le personnage. Sinon, ce serait se forcer à faire quelque chose qu’on n’aime pas et dans ce cas, le rendu ne serait pas bon. Par contre, c’était un challenge au niveau du tournage, des voyages, des conditions climatiques parce que c’était un Road -Movie. Donc, c’est plus dans ce sens que se situe la difficulté, en tous cas me concernant.

Le film envoie aussi une kyrielle d’émotions entre la femme forte, celle flouée par son copain, celle qui meurt pour en défendre une autre. Comment l’avez-vous vécu de l’intérieur ?

Pour le rôle d’Adjara, nous étions toutes les quatre commerçantes. Chacune représentant son pays mais pas forcément avec un trait de caractère qui correspond au pays. C’était beaucoup plus quatre nationalités choisies par la réalisatrice. Et le rôle d’Adjara que j’incarne, je l’ai très bien vécu et je peux même dire que j’en étais fière. J’ai beaucoup aimé ce personnage grâce aux messages que je transmets. J’étais heureuse de pouvoir apprendre des choses que je ne connaissais pas, comme les textes sur la libre circulation des personnes et des biens. Je ne savais que pour les pays membre de la CEDEAO, on n’a pas besoin d’un passeport. Et, à travers mes textes, mes dialogues et le scénario, j’ai beaucoup aimé transmettre ce message d’éducation. J’espère qu’à travers mon rôle, j’ai pu ouvrir les yeux de certaines commerçantes et femmes. Il y a également la solidarité. Le fait d’être avec trois femmes de nationalité différente comment nous pouvons être unies, soudées car nous sommes avant tout africaines et nous sommes sœurs.

Parmi les rôles que vous avez eu à interpréter, quel est celui qui vous a le plus marqué ?

Parmi tous les rôles que j’ai incarnés, celui qui m’a le plus marquée est celui de Mage dans « Golden », pour toutes les raisons que j’ai tout à l’heure évoquées, sur les aspects éducatifs et autres. Là, je suis en train d’interpréter le rôle de Rama dans « Emprises » et je l’adore. J’en suis tout de suite tombée amoureuse, lorsqu’on me l’a présenté. Parce que j’y incarne trois différents personnages. C’est d’ailleurs pour ce challenge que je l’ai accepté. Autant avant je disais que j’ai adoré Adjara pour les raisons que vous savez, autant, aujourd’hui, je peux dire que c’est celui-là qui me marque grâce aux trois caractères qu’il réunit. C’est la femme battante, gangster, ajouté à cela, celle Sénégalaise qui défend ses enfants, leur donne une très bonne éducation et l’autre qui incarne l’intellectuelle, puisqu’elle a son agence qu’elle gère. Elle a en effet été bonne, avant d’ouvrir son agence pour former et placer des aides à domicile. Donc, je dirai plus ce rôle-là. Aussi, j’y parle une langue que j’ai pratiquée pendant longtemps à l’étranger, à savoir l’anglais. Et ça donne beaucoup plus d’opportunités, de possibilités.

On sait que vous aviez des bisbilles avec la maison de production « Marodi ». Comment votre retour s’est-il opéré ?

Les bisbilles que j’avais avec Marodi n’ont rien à voir avec mon travail actuel. J’avais bien dit que j’accepterais de tourner avec eux si quelque chose m’était proposée, parce que les conditions seront différemment posées, comparé à ce que j’avais vécu, puisqu’on apprend de ses erreurs. D’un autre côté, les choses se passent d’une manière qui laisse espérer qu’elles vont s’arranger. Mais, ça n’entache pas nos relations professionnelles. J’ai senti que les gens sont contents, à en juger les réactions du public, des fans. Ce qui m’a fait chaud au cœur. Ils attendent la suite, à savoir la saison 2 de Golden, qui se fera par la grâce de Dieu, puisque Marodi l’a promis au public. J’ai ainsi été contacté par Mass Ndour, directeur de Marodi, qui m’a simplement demandé si j’accepterais d’interpréter le rôle. J’ai pris la Bible (Ndrl : document de travail qui réunit l’ensemble des informations sur la série) et l’ai lue et me suis donné un temps de réflexion. J’en ai aussi parlé à qui de droit. Nous avons par la suite discuté des conditions. Quand tout a été bien ficelé, on a commencé.

Quel est votre avis sur l’essor du cinéma sénégalais ?

L’essor du cinéma sénégalais est remarquable et cela fait plaisir de voir qu’on fait les choses différemment. En tous cas, au niveau des séries, on fait beaucoup d’efforts de ce qui était Jamonoy Tey, Daarac Kocc. Il y a des textes, un peu moins d’improvisation. Il y a des contrats et les gens sont beaucoup plus enclins à se former. Les castings aussi se font de manière beaucoup plus professionnelle et le résultat se voit. Pareillement au niveau des festivals. La présence des films sénégalais aux festivals, fait chaud au cœur. Tout a maintenant changé et ça affecte le jeu de l’acteur, de l’histoire. Les films sénégalais sont à bord des avions, sur Netflix, sur Canal. Donc, petit à petit, ça se fait et c’est très apprécié. Surtout, lorsqu’on voit le résultat au niveau international, avec le retour des gens de l’extérieur. Maintenant, il reste du chemin. Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. On peut prendre exemple sur le cinéma nigérian et voir comment ils prennent en compte leurs traditions pour faire de bons films avec du bon matériel, de grands moyens techniques. Ils ont aussi de bons secteurs et font de grands efforts au niveau de la langue, car même si certaines de leurs productions sont en langue locale, ils font l’effort de sous-titrer. L’avantage, si j’ose dire, que c’est beaucoup plus vendable lorsque c’est en anglais. Avant, chez nous, il n’y avait pas beaucoup de français. Ce qui n’aidait pas quant à l’élargissement des horizons.

Outre l’actrice, vous avez également des casquettes de chanteuse, maîtresse de cérémonie, présentatrice Tv, avec une expérience professionnelle à la RTS. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, notamment vos premiers pas à la télé?

Mes premiers pas à la télévision, devant la caméra, c’était en 1987, lorsque j’étais à l’ORTS, devenu RTS. J’avais été présentée par Reine Marie Faye, et j’avais comme directrice Sokhna Dieng. Par la suite, il y a eu Babacar Diagne. Je me rappelle que Sokhna Dieng avait insisté sur le teint noir. Elle insistait pour que les nouvelles télés aient le teint noir, ou un teint qui soit naturel. Pas de « xeesal ». Pour dire la vérité, c’était plus de l’amusement, parce que j’avais déjà mon travail à Air Sénégal. On était trois-cent candidates et seulement deux ont été choisies, Marième Samba et moi-même. C’était très bien, on ouvrait la télé le soir à 18 heures et fermions aussi le soir, très tard. Le week-end, l’ouverture était vers midi et la fermeture, après mi- nuit. Il fallait être présent sur le plateau toutes les 2 heures environ, le week-end. Ça dépendait des émissions, et il fallait faire des recherches, lire, apprendre à regarder la caméra et ne pas lire ses textes, donc, il fallait mémoriser. C’était une très bonne expérience et c’est de là que j’ai commencé à travailler, dans les années 2000, en tant qu’actrice pour ma première série au Burkina Faso. Après, aux Etats-Unis, j’ai été devant la caméra, mais pour le grand écran dans les films où j’ai été actrice, à Los Angeles. C’est avec plaisir que je reviens chez nous, en Afrique, pour y travailler. En plus de cela, je chante. Ma spécialité, c’est plus le gospel. J’appartiens à une très grande chorale de Los Angeles qui s’appelle West Angeles Church. On est plus de 200, toutes chorales réunies. Hormis cela, c’est la salsa, le reggae. J’ai commencé par être choriste, pour énormément de chanteurs et de différents styles : le Makosa, la salsa… A Los Angeles, on réclamait souvent la Sénégalaise, pour les chœurs, avant que je ne sorte mon propre album, il y a de cela quelques années, inspiré de ma mère spirituelle, Miriam Makéba.

MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU – iGFM