SARS-Cov-2 : deux variants dangereux se sont combinés en un nouveau virus
Les variants anglais et californien se sont combinés pour donner lieu à un nouvel hybride qui possède donc les caractéristiques inquiétantes de ses deux « parents ». Ce cas, pour l’instant unique, est appelé à se multiplier au fur et à mesure que les différents variants se diffusent dans la population.
Ces dernières semaines, le SARS-CoV-2 a muté pour donner lieu à différents variants. Mais, jusqu’ici, ces mutations s’effectuaient à l’intérieur du génome d’un seul virus, avec des petites modifications du code génétique. Selon le New Scientist, un chercheur du Los Alamos National Laboratory au Nouveau Mexique (États-Unis) vient d’identifier le premier cas de recombinaison entre deux souches de SARS-CoV-2.
En l’occurence, il s’agit des variants B.1.1.7 (« variant anglais ») et B.1.429 (« variant californien »). Un nouvel hybride particulièrement préoccupant : le premier est soupçonné d’être 50 à 70 % plus contagieux, et le second d’être résistant aux anticorps monoclonaux. Les deux variants ont également la caractéristique commune de prendre rapidement le dessus sur les autres souches.
Le SARS-CoV-2 a une forte propension à se recombiner
Contrairement aux mutations classiques, où les changements s’effectuent en une seule fois, les recombinaisons empruntent des petits bouts d’ARN à chaque variant pour construire un nouveau génome hybride. Il suffit qu’une cellule contienne un exemplaire de chaque virus pour que l’enzyme saute de l’un à l’autre en remixant leur génome en un seul.
Cette tactique est assez courante chez les coronavirus ; les chercheurs estiment même que c’est ainsi que le SARS-CoV-2, à l’origine chez la chauve-souris, a pu devenir transmissible à l’Homme. Sauf que jusqu’à maintenant, on avait dans chaque pays une souche majoritaire avec peu de probabilité de croisement de plusieurs variants chez un seul patient. Avec la multiplication des variants, il n’est pas étonnant d’assister maintenant à une recombinaison.
Il s’agit pour l’heure d’un cas unique détecté parmi des milliers de séquences. De plus, la découverte n’a encore fait l’objet d’aucune publication, il faut donc rester méfiant sur cette affirmation, d’autant plus que les méthodes de détection des recombinaisons ne sont pas toujours fiables. Mais, pour Sergei Pond, professeur de biologie à l’université de Temple de Pennsylvania, « la question n’est pas de savoir si le virus va subir une recombinaison, mais quand ». Après la vague de variants, bientôt la vague des hybrides ?
« Frankenvirus » : et si le coronavirus se combinait avec un autre virus ?
Le SARS-CoV-2 est probablement issu de la combinaison de deux coronavirus qui ont infecté le même animal. Et si ce processus se répétait chez l’humain et aboutissait à une nouvelle pandémie ? Une hypothèse peu probable, mais pas invraisemblable.
De nombreuses craintes ont émergé ces derniers mois sur une possible mutation du SARS-CoV-2, qui l’aurait rendu plus virulent ou plus infectieux. Mais c’est une autre menace qui inquiète aujourd’hui certains chercheurs : celui d’une recombinaison du virus avec un autre coronavirus commun, ce qui donnerait un nouvel hybride et une nouvelle pandémie.
Plusieurs éléments soutiennent cette hypothèse. D’abord, les coronavirus ont tendance à se recombiner facilement. « C’est même l’un de leurs principaux modes d’évolution », explique Étienne Simon-Loriere, spécialiste des virus à ARN à l’Institut Pasteur. En comparaison avec d’autres virus à ARN, qui évoluent plutôt par mutation, les coronavirus sont plutôt stables, car ils possèdent des enzymes qui « vérifient » superficiellement que la copie de l’ARN ne comporte pas d’erreurs. Du coup, peu de mutants du SARS-CoV-2 sont connus à ce jour, et encore il s’agit de mutations mineures.
La recombinaison, mode d’évolution favori des coronavirus
Pour évoluer et tromper la résistance du système immunitaire, les coronavirus ont donc une autre tactique. Leurs enzymes de réplication sautent fréquemment d’une partie de la matrice d’ARN à une autre, ce qui les rend prompts à remixer leur génome et à « voler » le matériel d’autres coronavirus apparentés. Une étude, menée par le chercheur Huiguang Yi, de l’Université des Sciences et Technologie de Shenzhen en Chine, a ainsi étudié 84 génomes de SARS-CoV-2 et a montré que certaines souches n’ont pu se former que par recombinaison avec une autre souche.
Une co-infection possible avec d’autres virus
Une deuxième condition est toutefois nécessaire pour qu’une recombinaison avec un autre coronavirus intervienne. « Il faut qu’une même personne soit infectée par les deux coronavirus simultanément, et que ces derniers soient présents dans la même cellule, précise Étienne Simon-Loriere. C’est très rare, mais pas impossible ».
D’autant moins que le coronavirus est parfaitement capable de cohabiter avec d’autres virus, plusieurs cas de co-infection ayant été documentés avec le virus de la grippe, le virus respiratoire syncytial (TSV) ou d’autres virus communs du rhume. Ces derniers sont les plus préoccupants, car ce sont de coronavirus proches du SARS-CoV-2 et donc plus susceptibles de se recombiner facilement avec lui. Il se pourrait aussi que le SARS-CoV-2 se retrouve chez une personne infectée par le MERS-CoV, un autre coronavirus qui circule encore occasionnellement. Cet hybride créerait alors une maladie entièrement nouvelle.
Le SARS-CoV-2, un mélange de coronavirus de pangolin et de chauve-souris ?
Le troisième élément qui vient supporter la thèse d’une recombinaison est que le SARS-CoV-2 est sans doute lui-même un mélange entre deux autres coronavirus. « L’une des hypothèses est qu’il est issu d’un virus du pangolin et d’un coronavirus de chauve-souris qui se sont retrouvés par hasard chez le même hôte », décrit Étienne Simon-Loriere. Chez l’humain, toutefois, cette cohabitation est loin d’être évidente.
« Très souvent, le virus qui émerge de telles recombinaisons est peu viable. Au cours du cycle de réplication, les protéines des différents virus interagissent entre elles et sont souvent incompatibles. Aujourd’hui, il n’y a pas d’exemple de recombinaison entre les quatre coronavirus du rhume qui circulent depuis plusieurs années », insiste le chercheur. Pour cette même raison, une recombinaison avec un virus très différent comme celui de la grippe est encore plus hautement improbable.
Un vaccin « universel » contre tous les coronavirus ?
Alors faut-il s’inquiéter ? Une telle recombinaison menacerait-elle un futur vaccin ? « Tout dépend de la partie du virus concernée », tempère Étienne Simon-Loriere. Si c’est une protéine de surface du virus, celle qui sert au système immunitaire à identifier le pathogène, alors le vaccin sera en effet moins efficace. « En revanche, si c’est une partie interne du virus comme la polymérase [qui sert à la réplication, alors cela ne devrait pas avoir de conséquences ». L’idéal serait du coup de fabriquer un vaccin « universel » ciblant par exemple cette polymérase afin d’obtenir un vaccin efficace sur toutes les souches de coronavirus en même temps.
Finalement, même si le virus arrivait à se recombiner, rien ne dit que ce nouvel hybride serait plus agressif. Il pourrait à l’inverse être bénin, comme ceux des coronavirus actuels du rhume. Le pire n’est jamais sûr.
Par Futura Sciences