Pourquoi des officiels américains veulent démanteler le groupe Facebook ?
Les régulateurs fédéraux américains et plus de 45 procureurs d’État poursuivent Facebook, accusant la société de réseaux sociaux d’avoir pris des mesures illégales pour racheter des rivaux et étouffer la concurrence.
Ces poursuites sont l’une des actions en justice les plus importantes que le gouvernement américain ait engagées contre la société.
Les agents de l’Etat demandent au tribunal d’envisager la dissolution de l’entreprise, qui possède également Instagram et WhatsApp.
Facebook a déclaré que les accords mis en cause ont été approuvés par les régulateurs, il y a des années.
« Le gouvernement veut maintenant recommencer, en envoyant un signal inquiétant aux entreprises américaines qu’aucune décision n’est jamais définitive », a déclaré Jennifer Newstead, avocate de Facebook.
Elle a déclaré que l’entreprise avait investi des millions pour assurer le succès d’Instagram et de WhatsApp et qu’elle se défendrait « vigoureusement ».
« Les lois antitrust existent pour protéger les consommateurs et promouvoir l’innovation, pas pour punir les entreprises qui réussissent », a déclaré Facebook, décrivant les arguments du gouvernement comme « révisionnistes ».
Les poursuites engagées par les États et la Federal Trade Commission (FTC) portent sur l’acquisition d’Instagram par Facebook en 2012, l’achat de WhatsApp en 2014 et les règles régissant les développeurs de logiciels externes.
Les officiels ont accusé Facebook d’adopter une approche « acheter ou tuer » vis-à-vis de ses rivaux potentiels, nuisant ainsi à la concurrence et aux utilisateurs, qui ont perdu le contrôle de leurs propres données au profit de l’entreprise afin de générer des revenus publicitaires .
Les éléments du dossier citent des messages internes du patron de Facebook, Mark Zuckerberg, comme un courriel de 2008 qui disait qu’il valait mieux « acheter que concurrencer ».
« Pendant près d’une décennie, Facebook a utilisé sa domination et son pouvoir monopolistique pour écraser ses petits rivaux et étouffer la concurrence, tout cela au détriment de ses utilisateurs », a déclaré le procureur général de New York, Letitia James, qui mène la bataille juridique des États.
« Aucune entreprise ne devrait avoir un tel pouvoir sur nos interactions personnelles et sociales. C’est pourquoi nous prenons des mesures aujourd’hui ».
Analyse de James Clayton, spécialiste des entreprises technologiques d’Amérique du Nord
Il est parfois difficile de comprendre à quel point Facebook est énorme.
Facebook, Facebook Messenger, WhatsApp et Instagram – qui appartiennent tous à Facebook – comptent tous plus d’un milliard d’utilisateurs actifs par mois.
WhatsApp et Facebook en comptent à eux seuls plus de deux milliards.
Ce que la Federal Trade Commission (FTC) soutient, c’est qu’il y a une raison pour laquelle Facebook en est venu à dominer ce secteur très lucratif – il a racheté la concurrence illégalement.
En 2012, Instagram connaissait une croissance rapide. Facebook était inquiet.
Zuckerberg a lui-même admis précédemment qu’Instagram était un concurrent de Facebook.
L’entreprise a été achetée, pour ce qui semble maintenant un chiffre ridiculement bas de 1 milliard de dollars.
WhatsApp aussi en 2014 se développait à une vitesse incroyable. Cela allait-il menacer le service de messagerie de Facebook ?
Facebook a également acheté WhatsApp.
Ces deux acquisitions ont été examinées par la FTC et ont été approuvées.
L’argument de Facebook – qui soutient avoir acheté ces entreprises alors qu’elles étaient beaucoup plus petites – c’est leur succès n’était pas acquis à l’avance. En d’autres termes, ne punissez pas Facebook pour avoir construit des entreprises américaines fortes.
La question de savoir si Instagram et WhatsApp seront séparées de Facebook sera désormais tranchée par les tribunaux – et ces procès antitrust prennent du temps.
Il y aura également de nombreuses possibilités de recours. Ne vous attendez pas à une dislocation de Facebook dans un avenir proche.
Mais c’est une indication supplémentaire de la direction que prennent les tribunaux et les politiciens.
Les grandes entreprises de technologie sont un peu trop énormes aux yeux de beaucoup de gens – et elles doivent être réduites à des tailles beaucoup plus modestes.
Monopole
Ces poursuites judiciaires surviennent alors que les autorités de régulation américaines examinent de plus près le pouvoir dont jouissent les entreprises technologiques.
Cet été, les patrons de Google, Amazon, Facebook et Apple ont été contraints de témoigner devant le Congrès, dans le cadre d’une vaste enquête sur leur influence sur le marché.
En octobre, le ministère de la justice a poursuivi Google, accusant le géant de la recherche de violer les lois américaines sur la concurrence pour maintenir un monopole sur les recherches sur Internet et la publicité en ligne.
Plus de 2,5 milliards de personnes utilisent chaque jour l’une des applications de Facebook. L’entreprise, évaluée à près de 800 milliards de dollars, emploie plus de 56 000 personnes et a déclaré plus de 18 milliards de dollars de bénéfices l’année dernière.
L’Open Markets Institute, un groupe de réflexion de Washington qui a poussé les régulateurs à adopter une position plus ferme à l’égard des entreprises technologiques, a déclaré que ces poursuites constituaient une « étape cruciale ».
« Il reste encore beaucoup à faire, mais c’est un grand moment », a écrit l’organisation sur Twitter.
Par BBC