L’Europe s’inquiète du potentiel rachat du Britannique Arm par l’Américain Nvidia
C’est une guerre à la fois technologique et politique, qui se joue à l’intérieur de nos téléphones et ordinateurs. Des entreprises spécialisées dans la fabrication de microprocesseurs sont sur le devant de la scène, une situation qui concerne les liens entre le Royaume-Uni et l’Europe. Et à l’avenir, la place de l’Europe entre Washington et Pékin.
Quand on pense aux géants de l’informatique, on pense souvent à Google, Samsung ou Apple. Mais celle qui détient 95% de part de marché mondial des microprocesseurs, c’est la société Arm. Peu connue du grand public, Arm est un fleuron de l’industrie britannique. Le bluetooth de votre smartphone, le wifi de votre ordinateur, ou encore votre console de jeux ou votre tablette fonctionnent grâce aux puces brevetées par Arm.
Créée en 1990, Arm a une particularité : elle ne produit rien elle-même. Elle développe la technologie et le brevet des puces pour tous les fabricants de microprocesseurs du monde. Et c’est cette neutralité qui lui permet d’être incontournable. Enfin, jusqu’à maintenant, car le géant américain des cartes graphiques Nvidia est en passe de racheter la société Arm.
Inquiétude sur la sécurité nationale
Mais le gouvernement anglais cherche à faire marche arrière, sur cette opération à 40 milliards de dollars. La raison ? Des inquiétudes pour la sécurité nationale au Royaume-Uni mais à terme, peut-être aussi de l’Europe entière. Herman Hauser, le cofondateur autrichien de l’entreprise, tire lui aussi la sonnette d’alarme. Selon lui, le rachat de Arm par Nvidia signe l’arrêt de mort de cette pépite européenne.
Cette opération est problématique autant pour l’Europe que pour le Royaume-Uni, car cela voudrait dire que le Royaume-Uni se sépare d’un actif de plus de 35 milliards d’euros. Si la société avait été rachetée en 2016 par le japonais SoftBank, le siège restait à Cambridge, et employait 6 700 employés. Et même si Nvidia veut construire le superordinateur le plus rapide du Royaume-Uni, le Cambridge-1, l’appel de la Silicon Valley sera inévitable avec l’américanisation de l’entreprise.
Nvidia, nouveau leader du marché ?
Car en rachetant Arm, Nvidia rejoindrait les géants américains des cartes à puces AMD et Intel. Intel, c’est le « Intel inside » des années 1990. Il reste aujourd’hui le plus grand fabricant sur le marché, mais pour combien de temps ? Intel a « divorcé » d’Apple l’hiver dernier, et Nvidia dépasse déjà de 50% le capital en bourse de son concurrent. La voie royale pour faire la loi sur un maximum de marchés d’objets connectés.
Avec la quantité d’objets connectés à travers le monde, c’est une énorme part de gâteau pour Nvidia. À cette échelle, c’est un problème économique autant que politique, car la Chine, avec Huawei, Lenovo ou Xiaomi, est une grande utilisatrice des puces Arm. Et elle ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de cette arme massive en territoire américain.
L’Europe, elle, assiste en direct à la fracture technologique et politique entre les deux géants chinois et américains. À Bruxelles comme à Londres, on s’inquiète de cette perte de neutralité et du risque majeur à cette ultra-dépendance aux technologies américaines : il suffirait d’un mouvement d’humeur d’un président américain pour empêcher l’accès à ces technologies et c’est toute notre vie connectée qui en dépend.
RFI