🧠 Santé : Respecter votre « rythme ultradien » peut booster votre efficacité au travail, voici comment faire
Et si l’alternance des phases de travail et de déconnexion était la clé d’une meilleure productivité au travail ? C’est la théorie développée par des spécialistes américains, qui se basent sur le principe du rythme « ultradien ». Une sophrologue nous éclaire sur cette méthode.
Vous le ressentez peut-être en milieu de matinée, lorsque votre petit-déjeuner est loin. Il revient après la pause de midi, à l’heure de la digestion. Et souvent plus tard dans l’après-midi, lorsque la journée de travail se termine. C’est le fameux « coup de pompe », que vous avez du mal à chasser malgré quelques grosses doses de café. Une sensation de fatigue et de décrochage contre laquelle il est bien difficile de lutter. Des difficultés à se concentrer, le cerveau qui se déconnecte, l’envie de bâiller… Ce n’est pas dramatique, c’est même tout à fait logique : comme le souligne le site britannique Stylist, notre corps est programmé pour alterner entre des moments de fatigue et de regain d’énergie. Des cycles répétés au fil de la journée qu’un physiologiste américain, Nathaniel Kleitman, a identifiés dès les années 1960, sous le nom de « rythme ultradien ».
Des cycles qui rythment nos journées
Cette notion est complémentaire du « rythme circadien », ce cycle de 24 heures qui alterne entre une phase d’éveil la journée et une phase de sommeil la nuit. Or, ce cycle est lui-même découpé en d’autres phases plus courtes, tout aussi régulières. Le média en ligne Neon Mag précise que ces cycles, qui composent le rythme ultradien, durent de 80 à 120 minutes et sont influencés par des mesures physiologiques comme le rythme cardiaque, les niveaux d’hormones, la tension musculaire et l’activité cérébrale. La nuit, ils régulent les différentes étapes du sommeil (endormissement, sommeil léger, sommeil profond…), tandis que la journée, ils influent sur nos différents niveaux d’éveil et de concentration. Voilà donc ce qui explique les périodes naturelles de fatigue et d’énergie de l’être humain.
Une pause toutes les 90 minutes
« En chronolobiologie, on sait que nous ne sommes pas programmés pour avoir la tête dans le guidon et être productifs toute la journée. Il y a des moments où l’on est à côté de la plaque, c’est normal », nous confirme Caroline Rome, sophrologue spécialisée vigilance-sommeil, attachée au centre du sommeil de l’Hôtel-Dieu de Paris.
De quoi rassurer celles et ceux qui se croyaient seuls à montrer des signes de faiblesse en pleine journée de travail, surtout lorsqu’ils sont sujets à des troubles du sommeil. Mais une fois le diagnostic posé, comment faire pour échapper à ces coups de fatigue ?
Le psychothérapeute américain Ernest Rossi, qui s’est inspiré des travaux du physiologiste américain spécialiste du sommeil Nathaniel Kleitman (1895-1999), proposait dès 1993 des pistes dans son livre intitulé 20 minutes de répit : prévenir les effets néfastes du stress. La solution, selon lui ? Imposer à son corps des périodes régulières de repos et de déconnexion dans la journée. Le fait d’ignorer ces moments peut conduire au « syndrome de stress ultradien », prévenait Ernest Rossi. « Vous allez vous fatiguer et perdre votre concentration mentale. Vous aurez tendance à faire des erreurs, à devenir irritable et à vous exposer à des accidents. »
Le psychothérapeute, décédé en 2020, allait même plus loin en proposant de découper sa journée en segments de 90 minutes d’activité, entrecoupés de pauses, « idéalement 20 minutes ». Ce temps de repos doit avoir des vertus « rafraîchissantes ». Le spécialiste suggérait par exemple de faire des exercices de respiration ou de méditation, une courte marche ou une séance de yoga. Et surtout, quand c’est possible, de couper le téléphone et de changer d’environnement.
Des techniques pour déconnecter facilement
La sophrologue Caroline Rome partage ces conseils sur le principe. « Plus on respecte son rythme interne, plus on sera efficace, souligne-t-elle. Faire une pause, c’est une façon de réinitialiser son cerveau face à une charge mentale très lourde. Ça permet ensuite d’enclencher la phase suivante. »
Mais dans la pratique, elle apporte un bémol, que beaucoup d’employés partageront : « Préconiser 20 minutes de pause toutes les 90 minutes, c’est un peu un leurre, ce n’est pas gérable pour des personnes actives ».
Caroline Rome préconise plutôt une « petite mise à distance pour regagner en énergie », et cela plusieurs fois par jour, si possible « toutes les 45 minutes ».
« Il suffit par exemple de fermer les yeux quelques instants, de se s’étirer, de bailler. Il est important également de sortir à l’extérieur et de prendre la lumière, même en automne et en hiver, même lorsqu’il ne fait pas beau. C’est ce qui permet à son corps de synchroniser les rythmes, de stimuler l’organisme. »
Elle propose d’autres pistes pour celles et ceux qui peuvent difficilement s’éloigner de leur bureau : « Ce moment peut être dédié à des tâches moins impliquantes. Ranger, classer, aller demander quelque chose dans un autre bureau… Cette déconnexion doit permettre de mieux reconnecter après. »
Et lorsque l’on a la chance de pouvoir s’isoler quelques minutes, faut-il privilégier la sieste ? « Pas n’importe quand, il faut privilégier le créneau de 13 h à 15 h, car nous sommes au minimum de la vigilance diurne. » Mais pas plus de 20 minutes, « la durée idéale », confirme-t-elle. « Sinon, cela enlève du temps de sommeil à la nuit. » La sophrologue incite plutôt à faire des « siestes flash de moins de cinq minutes ».
Les mentalités doivent encore évoluer
Difficile pourtant d’adopter ce genre de rythme quand on travaille dans une entreprise ou en lien direct avec le public. Déjà, il faut avoir l’accord de son patron, ce qui n’est pas toujours gagné. Des lieux de repos doivent aussi être aménagés, dans les locaux comme à l’extérieur. Sans parler du regard de ses collègues, quand ils vous verront piquer un petit somme sur votre poste de travail. Mais Caroline Rome estime qu’il est vital de faire évoluer les mentalités. « On devrait pouvoir s’offrir ce type de déconnexion quel que soit le lieu et le moment, même en public, martèle-t-elle. Au Japon, ils se l’autorisent, c’est dans leur culture, et ils sont beaucoup plus efficaces. »
Car comme le soulignait Ernest Rossi, respecter son rythme ultradien est fondamental pour sa santé et sa productivité. Le psychothérapeute vantait la « réponse de guérison ultradienne », décrivant « la merveilleuse sensation de confort et de bien-être qui se produit lorsque vous vous accordez la liberté de prendre un repos bien mérité ».
Ouest-France