Sans WhatsApp et Facebook, « c’est comme si j’étais au chômage »
La panne de l’empire Facebook, lundi, a eu des conséquences au-delà du monde des réseaux sociaux. Les témoignages de plusieurs entrepreneurs contactés par France 24 démontrent la place que les réseaux sociaux de Mark Zuckerberg ont pris dans la sphère économique.
« Je me suis rendu compte que sans Facebook et WhatsApp, c’était comme si j’étais au chômage. » Ignace Sampelgo, infographiste et photographe burkinabé, était sur le point d’envoyer plusieurs fichiers à des clients via WhatsApp lorsque la panne des services du géant des réseaux sociaux s’est déclarée, lundi 4 octobre.
Impossible de faire parvenir les précieux documents aux destinataires qui, en retour, n’ont pas voulu le payer. « Mon travail dépend à 95 % de ces réseaux, car c’est sur Facebook et WhatsApp que je peux démarcher les prospects et trouver des clients. C’est clair que cet incident me fait réfléchir à cette dépendance », reconnaît ce jeune homme de Ouagadougou.
Un récit semblable aux nombreux témoignages que des entrepreneurs africains ont laissé sur les réseaux sociaux de France 24. Ils soulignent à quel point la panne qui a privé le monde de Facebook, Instagram, WhatsApp, et Messenger pendant sept heures a pu avoir des effets sur le monde réel.
« Heureusement que cela n’a duré que sept heures »
Un tel blackout numérique n’est plus seulement l’occasion pour les accros de Twitter de se moquer des mordus de Facebook. C’est aussi un révélateur de la place que l’empire bâti par Mark Zuckerberg a pris dans le système économique.
« Heureusement que cela n’a duré que sept heures », souligne Soizic Boscher, community manager chez FlipNpik, une plateforme collaborative de mise en valeur des commerçants locaux, contactée par France 24.
Dans son cas, la panne n’aurait pas pu arriver à un pire moment. « Nous étions sur le point de lancer une campagne de recrutement de nos ambassadeurs [qui représentent la marque localement, NDLR] que j’avais programmée pour 18 h sur Facebook et Instagram », raconte cette spécialiste des réseaux sociaux.
Tout a dû être décalé. Mais pour Soizic Boscher, ce n’est pas grand-chose en comparaison à ce que représente la disparition, même temporaire, de l’écosystème Facebook pour les artisans et petits commerçants présents sur FlipNpik. « Il faut se rendre compte que ces réseaux sont devenus le principal moyen pour ces acteurs de se construire une image et d’élargir leur clientèle. Si la panne avait duré plus de sept heures, cela aurait pu avoir des graves conséquences économiques pour eux », assure Soizic Boscher.
Le rôle central joué par Facebook comme passerelle pour mettre en relation des enseignes B2C (« business to consumers ») avec les consommateurs a déjà été analysé dans de nombreuses publications économiques. L’incident du 4 octobre n’en est qu’une illustration grandeur nature.
« L’ogre Facebook aux pieds d’argile »
Mais les sociétés qui n’ont pas affaire directement avec le grand public n’ont pas été épargnées. Certes, dans le monde plus austère du B2B (relation fournisseurs/clients), le réseau de prédilection s’appelle plutôt LinkedIn. Cependant, « cette panne représente quand même pour nous une journée de travail de perdu », reconnaît Yohann Caboni, cofondateur de la startup Koovea, qui fournit des solutions de suivi des températures connectées à des entreprises du secteur de la santé (transport des vaccins à basse température, par exemple) ou de l’alimentation (chaîne du froid).
La raison : lorsque ces entreprises se tournent vers Facebook, elles le font généralement pile au moment de la panne « entre 17 h et 23 h, car c’est le soir, après la journée de travail, qu’on a le plus de chances de toucher d’éventuels clients », regrette Yohann Caboni. En outre, « on va avoir des campagnes payantes programmées (pour) une certaine durée qui ciblent d’éventuels clients et qui fonctionnent, elles aussi, surtout le soir », ajoute-t-il.
Mais tout n’est pas noir dans cette panne, et certains en ont profité. À l’instar du réseau social pour amoureux de littérature Gleeph, qui « a constaté une augmentation de 20 % du nombre d’utilisateurs dans l’heure qui a suivi le début de la panne de Facebook et, une activité deux fois plus importante sur notre réseau durant l’incident », raconte Khalil Mouna, son fondateur, contacté par France 24.
Il ne s’attendait pas à un tel « pic historique ». D’habitude, une panne de Facebook profite surtout aux autres réseaux qui, comme Twitter, « permettent de passer d’un stimuli à l’autre, et d’une photo de ‘LOLcats’ à une image de vacances », résume Khalil Mouna.
Cette fois-ci, sa plateforme, qui cherche d’après lui « à privilégier le temps long et les débats qui ont du sens », a aussi profité de ce vide « facebookien ». Ce serait la preuve « que l’ogre Facebook a des pieds d’argile », assure cet entrepreneur. Les utilisateurs sont prompts à trouver d’autres refuges numériques dès que le géant du secteur à une absence.
Mais une chose que cette panne a aussi permis d’établir, c’est que, privés de leur port d’attache numérique, les utilisateurs ont migré… mais pas, a priori, dans le monde réel. Mark Zuckerberg a réellement réussi à transformer ses utilisateurs en « Homo numericus sociabilis ».
France 24