Logiciel espion Pegasus : Macron parmi les cibles du Maroc
« Nous regardons ce sujet de très près ». La réponse du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, à une journaliste lui demandant si le téléphone d’Emmanuel Macron avait été « compromis » dans l’affaire Pegasus, lundi soir, prend un tout autre sens ce mardi. Le Monde et France Info révèlent que l’un des appareils mobiles du chef de l’Etat figure effectivement dans une liste de cibles visées grâce à ce logiciel mis au point par la société israélienne NSO Group. Le Maroc en serait à l’initiative.
Pegasus, s’il est introduit dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, les photos, les contacts, et même d’écouter les appels de son propriétaire. « Il permet de lire 100 % des messages écrits par SMS, sur WhatsApp, sur Telegram », précise l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi. 50 000 personnalités du monde entier, dont 1000 en France, seraient concernées.
Mais attention : il n’est pas possible de dire, à ce stade, si le portable du chef de l’Etat a bel et bien été infecté. Même chose pour ceux de l’ancien Premier ministre Edouard Philippe ainsi que de 14 ex-membres du gouvernement (dont François Bayrou), eux aussi visés.
À qui profite le crime ?
NSO Groupe n’est qu’un intermédiaire qui vend son logiciel à différents pays. Le Maroc, le Mexique et la Hongrie, notamment, sont soupçonnés d’être des clients de l’entreprise israélienne de sécurité informatique, crée en 2010. Le Monde et France Info mettent en cause un opérateur au sein des services de sécurité du Maroc, qui aurait agi en 2019. Mais le royaume chérifien a démenti toute implication.
Reconnaissant que les faits sont « très graves » s’ils sont « avérés », l’Elysée veut d’abord « que toute la lumière sera faite ». Interrogé à l’Assemblée nationale mardi après-midi, Jean Castex a répondu que les autorités avaient « ordonné des investigations qui n’ont pas abouti »… sans convaincre tous les parlementaires. « C’est limite choquant, j’espère que les renseignements français n’apprennent pas les choses en lisant la presse. Cela donne l’impression qu’on a uniquement la face émergée de l’iceberg pour le moment », tonne le député La France insoumise Alexis Corbière.
Son collègue Adrien Quatennens ainsi que d’autres députés et plusieurs hauts responsables de partis ont aussi été ciblés : le porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) Olivier Besancenot, les élus de la majorité Gilles Le Gendre et Cédric Villani, l’ancien cadre du Rassemblement national Jean Messiha, etc. Gilles Le Gendre a dénoncé sur Twitter « l’extrême gravité de cet espionnage à grande échelle » mais son entourage ne souhaite pas faire plus de commentaires, ne voulant pas « se victimiser ».
Il paraît que je ferais partie – en excellente compagnie – des « cibles »de #PegasusProject. Origine, motivations et réalisations incertaines… Je dénonce l’extrême gravité de cet espionnage à grande échelle, utilement révélée par @lemondefr. A ce stade, rien de plus à en dire !
— Gilles Le Gendre (@GillesLeGendre) July 20, 2021
Contacté, l’ancien ministre socialiste de l’Ecologie (2013-2014) Philippe Martin, lui aussi visé, se dit de son côté « surpris, étonné, et dans l’incompréhension ». « J’ai même cru qu’ils s’étaient trompés de Philippe Martin ! », pouffe-t-il, en faisant référence à l’économiste du même nom.
Quoi qu’il en soit, ces révélations pourraient nuire aux relations diplomatiques entre les deux pays. « Il est probable qu’elles conduisent le gouvernement français à revoir sa politique étrangère à l’égard des pays considérés comme suspects d’espionnage », pointe le journaliste Vincent Nouzille, auteur du livre « Dans le secret des présidents ».
Cette affaire en rappelle une autre, datant d’il y a 6 ans. L’agence américaine de renseignement NSA avait espionné plusieurs dirigeants politiques français entre 2006 et 2012. Le chef de l’Etat de l’époque, Nicolas Sarkozy, en faisait partie.
Le Parisien