Liban: plusieurs dizaines de morts dans l’explosion d’un camion-citerne
Un camion-citerne a explosé dans le village de Tleil, au Akkar, dans la nuit du dimanche 15 août 2021. La Croix-Rouge libanaise parle d’au moins 20 morts et près de 80 blessés.
La Croix-Rouge parle de corps si carbonisés qu’il est impossible de les identifier. Des dizaines de personnes atteintes de graves brûlures ont dû être évacuées vers le seul hôpital de la région traitant les grands brûlés, dans la ville de Tripoli, à 25 kilomètres.
⚠️Major Incident⚠️: 22 teams from the #Lebanese_Red_Cross are responding to an explosion of a fuel tanker in #Akkar. Our teams are working on transporting the wounded and the dead bodies to hospitals in the area. pic.twitter.com/Yg0vVTTDBX
— Lebanese Red Cross (@RedCrossLebanon) August 15, 2021
Un employé de l’hôpital le plus proche du drame, Yassine Metlej, explique à l’Agence France-Presse que « certains n’ont plus de visage, d’autres plus de bras ». C’est pourquoi son établissement a dû refuser la plupart des blessés, faute d’équipements.
Les images circulant sur les réseaux sociaux montrent les corps sans vie, ainsi que l’incendie. L’ex-Premier ministre Saad Hariri va jusqu’à affirmer sur son compte officiel Twitter que « le massacre d’Akkar n’est pas différent du massacre du port », survenu il y un an et dix jours à Beyrouth. Il réclame la démission du gouvernement actuel.
Les premiers éléments sur les causes de l’explosion
Selon l’agence nationale d’information libanaise (ANI), le drame provient d’un camion-citerne que l’armée avait confisqué et qui a explosé, après des heurts entre des résidents attroupés autour du véhicule pour se procurer de l’essence. L’armée n’était pas présente sur les lieux quand l’explosion s’est produite, précise l’agence.
Paul Khalifeh, notre correspondant à Beyrouth, relate que l’explosion serait d’origine accidentelle. L’incident s’est produit après le départ d’une patrouille de l’armée libanaise venue réquisitionner le contenu de la citerne, illégalement stocké.
Des habitants se sont alors rassemblés pour tenter de recueillir la quantité d’essence restant dans la citerne, qui était dissimulée dans une carrière de sable. Une personne présente aurait malencontreusement allumé un briquet, provoquant l’explosion.
De catastrophe en catastrophe, le cauchemar libanais
Si les circonstances exactes doivent désormais être confirmées, cette tragédie se produit dans le contexte inédit de pénurie qui paralyse le pays. Les pannes d’électricité culminent jusqu’à 22 heures par jour et de nombreux commerces ont dû fermer faute de carburant pour alimenter les générateurs privés qui normalement prennent le relais.
Cette semaine, alors que des files d’attente interminables se sont formées devant les stations-service, le gouvernement a annoncé la fin des subventions sur le carburant et l’armée a été mobilisée pour forcer les stations à en distribuer. Des incidents ont éclaté un peu partout ; des routes ont été coupées et des manifestations de colère ont eu lieu.
À la veille du drame, samedi 14 août, l’American University of Beirut Medical Center, soit l’un des principaux hôpitaux privés du Liban, avait prévenu qu’un désastre imminent menaçait le pays. Faute de carburant dans les 48 heures, avait-il assuré, quelque « 40 malades adultes et 15 enfants sous respirateurs mourront immédiatement ».
“40 adult patients and 15 children living on respirators will die immediately. 180 people suffering from renal failure will die poisoned after a few days without dialysis.”
— American University of Beirut Medical Center (@AUBMC_Official) August 14, 2021
AUBMC APPEALS FOR URGENT SUPPLY OF FUEL before forced shutdown this Monday. https://t.co/wof67X6dvy
Le plus grave, c’est qu’il n’y aucune éclaircie en perspective. Au contraire, la pénurie s’est aggravée ces dernières 24 heures, malgré le déploiement de l’armée libanaise et des forces de sécurité dans presque toutes les stations-service du pays.
Les militaires ont procédé à l’inspection des réservoirs, puis ont réquisitionné et verbalisé ceux qui stockaient les carburants pour les revendre cinq fois plus cher après la levée des subventions des carburants annoncée par la Banque du Liban (BDL).
La pire crise au monde depuis plus d’un siècle et demi
C’est la pénurie de mazout qui affecte le plus le pays. Des boulangeries ont stoppé leurs unités de production provoquant une pénurie de pain. Des restaurants ont mis la clé sous la porte ; des centres commerciaux ont baissé leurs rideaux ; des hôpitaux ont fermé des départements entiers. Les dirigeants se rejettent les responsabilités.
Depuis la terrible explosion qui, en août 2019, a ravagé le principal port du pays, tuant plus de 200 personnes et détruisant des pans entiers de la capitale, le Liban traverse l’une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale.
L’AFP rappelle que les réserves de la BDL ont fondu tandis que la monnaie nationale, la livre libanaise, a perdu plus de 90 % de sa valeur face au dollar, rendant les coûts d’importation plus onéreux. Le billet vert américain s’échange aujourd’hui sur le marché noir à plus de 20 000 livres, contre un taux officiel toujours maintenu à 1 507 livres…
RFI