🇭🇹 L’émissaire des États-Unis en Haïti démissionne en dénonçant les expulsions «inhumaines» de migrants
Le haut fonctionnaire américain Daniel Foote a jeté l’éponge, dans une lettre datée du mercredi 22 septembre, au moment où la gestion par Washington de la crise migratoire est très critiquée, notamment après la diffusion de photos montrant des membres de la police à cheval repoussant des migrants haïtiens à la frontière mexicaine. La missive, adressée au secrétaire d’État et dont le ton est peu diplomate, circule sur les réseaux sociaux haïtiens.
C’est une lettre de démission cinglante que Daniel Foote a fait parvenir à Antony Blinken. Une bombe, même. L’envoyé spécial américain en Haïti, qui n’était en poste que depuis le 22 juillet, après la mort du président haïtien Jovenel Moïse le 7 juillet, accuse le chef de la diplomatie américaine d’avoir « ignoré [ses] recommandations » : « Notre approche politique en Haïti reste profondément défectueuse et mes recommandations ont été ignorées et rejetées, lorsqu’elles n’ont pas modifiées », dénonce-t-il également dans sa missive.
« Je ne serai pas associé, écrit-il, à la décision inhumaine et contre-productive des États-Unis d’expulser des milliers de réfugiés et d’immigrants clandestins vers Haïti ». Un pays où les officiels américains « sont confinés dans des complexes sécurisés en raison du danger posé par les gangs armés contrôlant la vie quotidienne », ajoute-t-il. Selon Daniel Foote, Haïti n’est pas en mesure d’absorber cette arrivée « forcée » de milliers de migrants qui manquent de nourriture, d’un abri et d’argent.
Plus inédit encore, le désormais ex-émissaire condamne l’ingérence des États-Unis dans la politique haïtienne et, récemment, son soutien renouvelé au Premier ministre haïtien Ariel Henry, qui actuellement tient les rênes du pays : « L’arrogance qui nous fait croire que nous devrions désigner le vainqueur est impressionnante », écrit-il. Une intervention politique internationale qui a systématiquement produit des résultats catastrophiques en Haïti.
Biden critiqué par son propre camp démocrate
Ce pourrait être la première fois qu’un haut fonctionnaire américain tient de tels propos sur le dossier haïtien, selon Marie Normand, du service international de RFI. Cette démission surprise est quoi qu’il en soit la dernière expression en date de la gêne provoquée à Washington par les images des réfugiés entassés sous un pont à Del Rio, au Texas, ou encore chargés et attrapés au lasso par des gardes-frontière à cheval.
Dans un pays marqué par l’histoire de l’esclavage, ces images profondément dérangeantes réveillent des souvenirs très douloureux aux États-Unis, explique notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Les parlementaires noirs alertent sur le traitement des réfugiés haïtiens et le chef de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, demande l’arrêt des expulsions « ignobles » conduites au nom d’une politique mise en place par Donald Trump. « Une telle décision va à l’encontre du sens commun » et de « la décence », s’est-il insurgé, en soulignant que les conditions difficiles à Haïti faisaient que le pays ne pouvait « pas les recevoir ».
RFI