Le Liban se dote d’un nouveau gouvernement, après plus d’un an d’attente

Le Liban se dote d’un nouveau gouvernement, après plus d’un an d’attente

Treize mois après la démission du cabinet de Hassan Diab, le Liban s’est doté ce vendredi 10 septembre d’un nouveau gouvernement présidé par l’homme politique et homme d’affaires sunnite Najib Mikati. Il est composé de 24 ministres, répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans.

Quarante-cinq jours après sa désignation, Najib Mikati a réussi là où Saad Hariri a échoué et, avant lui, l’ambassadeur Moustapha Adib.

L’homme d’affaires et député de Tripoli, qui occupe le poste de Premier ministre pour la troisième fois, a réussi à surmonter un à un tous les obstacles qui entravaient la formation du gouvernement et qui ont failli à plusieurs reprises bloquer le processus. Les négociations ardues ont buté sur le partage des portefeuilles, le choix des ministres et, enfin, sur ce fameux tiers de blocage qui permet à celui qui le détient d’exercer une influence décisive au sein de l’exécutif, rapporte notre correspondant à Beyrouth,  Paul Khalifeh.

Le président Michel Aoun était soupçonné par ses détracteurs de vouloir obtenir le tiers des portefeuilles. Finalement, dans le cabinet Mikati aucun parti ne dispose à lui seul de cette minorité de blocage, selon le Premier ministre.

Le nouveau gouvernement hérite d’un pays exsangue, frappé par une des pires crises économiques au monde depuis 170 ans, victime de pénuries de carburant, de médicaments et de certaines denrées alimentaires et au bord du chaos total.

Des défis vertigineux

La tâche immédiate du nouveau gouvernement consistera à freiner l’inexorable effondrement généralisé, à trouver des solutions urgentes pour réapprovisionner le marché en hydrocarbure, à améliorer la vie quotidienne des millions de Libanais qui s’est considérablement dégradée. Selon les Nations unies 78% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Et de nombreux habitants font leurs valises et cherchent à l’étranger le salaire, l’éducation et l’espoir qui leur manquent chez eux.

Le Liban s’enfonce dans cette crise économique et sociale doublée d’une crise politique : il a fallu plus d’un an pour former le gouvernement annoncé ce vendredi. La classe politique est considérée comme corrompue et inefficace par de très nombreux Libanais mais aussi par les interlocuteurs internationaux du Liban. Cela fait des années que les bailleurs de fonds se disent prêts à aider le pays du Cèdre à condition qu’il adopte d’indispensables réformes de gouvernance, de transparence, de lutte contre la corruption. Le cabinet devra aussi entamer des négociations avec le FMI.

Des espoirs limités d’une sortie de crise économique

C’est là le défi immense du nouveau gouvernement, mais aussi des partis politiques libanais qui ont longuement négocié sa formation en plein naufrage de leur pays. Pour le politologue libanais Joseph Bahout de l’Université américaine de Beyrouth, il s’agit avant tout d’un nouveau casting, mais pas de changement structurel.

« Le gouvernement vient remplir en fait un vide puisque le gouvernement qui expédiait les affaires courantes était complètement paralysé depuis l’explosion du 4 août passé [2020]. Je ne suis pas sûr que ce gouvernement puisse vraiment faire la différence en dehors peut-être de quelques petits dossiers qui rendront la vie quotidienne plus facile aux Libanais. Je pense à l’électricité, à l’énergie. Peut-être aussi au taux de change et à la question des banques, mais structurellement je ne pense pas que ce gouvernement qui au fond n’a que 7 à 8 mois de vie politique puisqu’il devra à gérer des élections au printemps prochain, s’il tient sa promesse de gestion des élections, ce gouvernement n’a simplement pas le temps en fait de mettre en œuvre les réformes et les changements espérés. »

RFI