Le départ de Trump en 6 scénarios
Passage en revue plus ou moins fantaisiste des possibilités de départ présidentiel.
Pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un président sortant refuse de reconnaître sa défaite et se bat, ou plutôt se débat, pour rester à la Maison-Blanche.
Il reste deux mois à Donald Trump pour trouver un (vrai) moyen de rester (jusqu’à présent, les recours déposés devant les tribunaux invoquant des fraudes n’ont pas abouti) ou une pirouette pour partir en sauvant ce qu’il lui reste à sauver.
La tête haute ou la queue entre les jambes, comment partira-t-il? On ne peut que spéculer.
Le classique (Taux de probabilité: 12%)
Personne n’y croit plus, mais il n’est pas tout à fait impossible que le 14 décembre, lorsque les grands électeurs auront voté et que Joe Biden aura officiellement été déclaré 46e président des États-Unis d’Amérique, Trump s’incline (quand même pas de bonne grâce, il ne faut rien exagérer) et se prête au jeu.
Il incitera son équipe à faciliter la transition (ce qui pour l’instant est loin d’être gagné), accueillera Joe et Jill à la Maison-Blanche et partira, sans se retourner, entamer une seconde carrière de vedette de télé-réalité ou de prof de golf.
Le militaire (Taux de probabilité: 0,0000001%)
Si, il a gagné. Non, il ne partira pas.
Les grands électeurs ont parlé, et Trump refuse toujours de quitter le 1600, Pennsylvania Avenue. Difficile d’imaginer un improbable scénario digne d’une dictature latino-américaine où l’armée se rangerait aux côtés de l’ex-président et organiserait un coup d’État pour le maintenir au pouvoir, ou à l’inverse un groupe de militaires faisant irruption dans le Bureau ovale pour en sortir Trump de force.
La seule éventualité envisageable impliquant des chars et des fusils serait que le tout nouveau président américain envoie l’armée pour rétablir l’ordre dans une capitale un peu trop agitée. Comme le souligne le journaliste Fred Kaplan, contrairement à ce que semblent penser certains militaires, c’est le président des États-Unis et non le président du Comité des chefs d’état-major interarmées qui a le pouvoir de déloger un intrus qui s’attarderait la Maison-Blanche:
«À midi le 20 janvier 2021, où que Trump choisisse de se mettre, quasiment tout son personnel de sécurité, à l’exception d’une petite poignée d’individus, l’abandonnera, le code nucléaire changera, ses ministres et ses ambassadeurs perdront toute autorité, et l’intégralité de l’institution militaire américaine se détournera de l’ex-président Donald Trump pour saluer le président Joe Biden.»
Le mauvais joueur (Taux de probabilité: 94%)
«Monsieur le président, il faut partir. Nous n’avons plus de recours.» D’ici fin décembre, il y a fort à parier que Trump aura entendu cette phrase, et plutôt deux fois qu’une, tant de la part de ses conseillers que des membres de sa famille (qui sont souvent les mêmes personnes).
Il lui restera encore une possibilité pour sauver l’honneur: se sacrifier, la tête haute.
Cela fait des mois que le président américain claironne qu’il refusera la défaite. Cette élection, on la lui a volée: elle est truquée, et il l’avait prédit. Il ne pouvait pas perdre. Malgré l’univers de réalité parallèle dans lequel Trump vit depuis le jour de son investiture en 2016 (où, rappelez-vous, la foule était immense selon la toute nouvelle Maison-Blanche, clairsemée selon les médias, première occurrence d’une longue litanie de mensonges qui seraient la marque de fabrique du mandat trumpien), l’autre réalité, la nôtre, va forcément le rattraper.
Trump devra faire ses bagages et viendra le douloureux moment où même lui s’en rendra compte. À ce moment-là, il lui restera encore une possibilité pour sauver l’honneur: se sacrifier, la tête haute. Partir en clamant qu’il a gagné, bien sûr, mais que pour préserver la paix civile chère à son cœur, par amour pour sa patrie et pour son peuple, il accepte de faire le sacrifice de sa personne. Mais il sait très bien, et vous aussi, vous le savez, qu’au fond, IL A GAGNÉ.
L’abdication (Taux de probabilité: 43,59%)
Quand Trump va partir, ce sera le début des emmerdes. Dépouillé de son immunité présidentielle, il sera confronté à une série de problèmes tant judiciaires que financiers.
Pour ses impôts d’abord, dans le cadre d’une enquête pour fraude fiscale et fraude aux assurances (on rappelle qu’il n’a payé que 750 dollars d’impôts fédéraux en 2016 et 2017). Et puis il y a ses relations troubles avec la Russie lors de l’élection de 2016, avec l’actrice porno Stormy Daniels qu’il aurait soudoyée pour qu’elle se taise, avec le président ukrainien dont on soupçonne qu’il aurait conditionné l’aide à son pays à un «coup de main» pour faire tomber Hunter Biden, le fils de son rival, bref, il n’aura pas une retraite tranquille.
Trump y perdrait ce qui lui reste de dignité, mais ce serait malgré tout un sacré bras d’honneur tant à la justice qu’au peuple américain.
Il existe une solution, pourtant, pour éviter le gros des ennuis: une amnistie présidentielle. On voit mal Joe Biden amnistier Trump mais en revanche, si Trump démissionnait, le président par intérim –Mike Pence, actuel vice-président– pourrait le faire. Trump y perdrait ce qui lui reste de dignité, mais ce serait malgré tout un sacré bras d’honneur tant à la justice qu’au peuple américain.
Le pépin de santé (Taux de probabilité: 64%)
Trump a gagné, car les élections ont été truquées. Ce n’est pas faute de le répéter sur son compte Twitter, son principal vecteur de communication directe avec le reste du monde. Il a beau s’être bien remis du Covid-19 contracté en octobre, le président américain a quand même 74 ans, un surpoids considérable, une hygiène de vie déplorable, un manque de sommeil évident et une pression gigantesque sur les épaules.
À sa sortie de l’hôpital, il découvrirait éberlué qu’on lui a piqué sa place.
Qui pourrait s’étonner qu’entre le mois de décembre (au hasard, le 14, jour du vote des grands électeurs) et le 20 janvier (jour de l’investiture de Joe Biden), le président Trump ait un vilain pépin de santé et soit hospitalisé d’urgence?
À sa sortie de l’hôpital, disons, autour du 22 janvier, il découvrirait éberlué que la serrure de la Maison a été changée en son absence et qu’on lui a piqué sa place. Ce serait vraiment moche de faire ça à un homme malade, mais ce serait bien pratique pour partir en jouant les victimes.
L’exil (Pourcentage de probabilité: 67%)
Un beau matin de janvier, froid et sec, ça s’active devant la Maison-Blanche. Un hélico arrive et repart, des gens entrent et sortent, des camions se succèdent, chargés de quoi? Et voilà qu’un cri résonne dans les couloirs à peu près vides de la résidence présidentielle: il est parti! Où? Quand? Avec qui? Nul ne le sait.
Son ami le dictateur lui a promis une émission, rien que pour lui, en prime time, sur la chaîne d’État, à vie.
Kayleigh McEnany, perchée sur ses talons, court à petits pas nerveux dans les couloirs et ouvre violemment les portes du Bureau ovale, du petit salon, de l’annexe: rien, personne. Pas le moindre papier au sol –bon, ce n’est pas comme si le président avait jamais écrit quoi que ce soit au cours de ses quatre années de mandat– rien qui n’indique où il a bien pu passer. Comment a-t-il pu lui faire ça, après toutes ces années de dévouement et de mensonges à son service?
Au même moment, à Pyongyang, un avion se pose sur la piste d’atterrissage privée du Grand Leader. La porte s’ouvre et Donald Trump descend, mèche au vent, les bras ouverts vers son ami le dictateur qui lui a promis une émission, rien que pour lui, en prime time, sur la chaîne d’État, à vie.
De l’autre côté du monde, à New York, Melania sort de chez son avocat le sourire aux lèvres.
Par Bérengère Viennot – Slate.fr