L’Australie se dote de sous-marins nucléaires américains, la France perd le « contrat du siècle »
Un nouveau pacte trilatéral de sécurité dans la zone indo-pacifique entre Washington, Londres et Canberra doit permettre à l’Australie de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire. En conséquence, la commande de douze sous-marins passée par Canberra à la France a été annulée.
Le « contrat du siècle » entre Paris et Canberra est remisé aux oubliettes au profit d’une nouvelle alliance. Les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni ont lancé, mercredi 15 septembre, un partenariat « historique » de sécurité et de défense dans la zone indo-pacifique.
« La première grande initiative de [ce nouveau pacte appelé] ‘AUKUS’ sera de livrer une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l’Australie », mieux adaptés à l’évolution des menaces dans le Pacifique, a annoncé le Premier ministre australien, Scott Morrison, apparaissant en visioconférence avec le Premier ministre britannique, Boris Johnson, et avec le président Joe Biden à la Maison Blanche.
Un coup dur pour la France
Quelques heures après cette annonce, l’Australie a décidé d’annuler un contrat avec la France de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d’euros), comprenant la commande de douze sous-marins à propulsion classique de la classe Barracuda au groupe français Naval, surnommée le « contrat du siècle » lors de sa signature en 2019.it
« Une nouvelle preuve de l’obsession américaine pour la Chine »
« La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n’est pas un changement d’avis, c’est un changement de besoin », a déclaré Scott Morrison, qui a également annoncé l’achat de missiles américains Tomahawk.
Naval Group a, sans surprise, fait part de sa « grande déception ». « L’analyse des conséquences de cette décision souveraine australienne sera menée avec le Commonwealth d’Australie dans les jours à venir », a affirmé le groupe dans une déclaration transmise à l’AFP.
Le Quai d’Orsay a été plus loin, condamnant une « décision regrettable ». « Le choix américain qui conduit à écarter un allié comme la France d’un partenariat structurant avec l’Australie, au moment où nous faisons face à des défis sans précédent dans la région indo-pacifique, marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter », ont déclaré Jean-Yves Le Drian et Florence Parly, respectivement ministres des Affaires étrangères et des Armées dans un communiqué conjoint.
« En matière de géopolitique et de politique internationale, c’est grave », a dénoncé sur RFI la ministre des Armées, Florence Parly, qui s’est également dite « lucide sur la façon dont les États-Unis traitent leurs alliés ».
« C’est vraiment un coup dans le dos », a regretté le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian sur France Info. « Cette décision unlilatérale, brutale, imprévisible ressemble beaucoup à ce que faisait Donald Trump », a-t-il ajouté.
Grand gagnant du partenariat, Joe Biden a tenté de réconforter les Français en promettant de « travailler étroitement avec la France » dans la région indo-pacifique. « Il s’agit d’un partenaire et d’un allié-clé », a souligné le président américain.
Pas de déploiement d’armes nucléaires
Lors de la présentation de ce partenariat, les trois dirigeants ont souligné que l’Australie ne déploierait pas d’armes nucléaires, mais utiliserait des systèmes de propulsion nucléaire pour les navires, afin de se prémunir contre d’éventuelles menaces.
Pour autant, la Nouvelle-Zélande a dit maintenir l’interdiction des navires à propulsion nucléaire dans ses eaux.
Le nouveau partenariat trilatéral reposera sur un partage d’informations et une intégration technologique et industrielle accrue en matière de défense.
« Nous reconnaissons l’importance de maintenir la paix et la sécurité sur le long terme dans la région indo-pacifique », a déclaré Joe Biden. « Nous devons être en mesure d’aborder à la fois l’environnement stratégique actuel de la région et la manière dont il pourrait évoluer. »
« Le Royaume-Uni, l’Australie et les États-Unis vont être liés encore plus étroitement, ce qui reflète le degré de confiance entre nous et la profondeur de notre amitié », a déclaré Boris Johnson, qui engrange là un succès diplomatique certain dans sa stratégie pour éviter l’isolation internationale après le Brexit.
Biden à la recherche d’alliances
Washington et ses alliés cherchent des moyens pour contrer l’influence de la Chine, en particulier son renforcement militaire, ses pressions sur Taïwan et son déploiement en mer de Chine méridionale.
La Chine n’a été mentionnée ni dans les déclarations orales, ni dans le communiqué, mais il ne fait aucun doute que la nouvelle alliance vise d’abord à faire face aux ambitions régionales de Pékin.
L’ambassade de Chine à Washington a ainsi réagi, déclarant que certains pays « ne devraient pas créer des blocs ciblant et nuisant aux intérêts de pays tiers ». »Ils devraient, en particulier, se défaire de leur mentalité de Guerre froide et de leurs préjugés idéologiques », a-t-elle ajouté.
Joe Biden répète depuis son élection qu’il entend se confronter à la Chine, comme son prédécesseur Donald Trump, mais de manière très différente, sans s’enfermer dans un face-à-face. Il veut jouer le plus possible le jeu des alliances. Le président américain réunit d’ailleurs le 24 septembre à Washington les Premiers ministres australien, indien et japonais pour relancer un format diplomatique, le « Quad », qui végétait depuis plusieurs années.
France 24 (Avec AFP et Reuters)