L’affaire des sous-marins australiens révélatrice de la stratégie américaine dans le Pacifique
La décision de l’Australie d’annuler le contrat, d’une valeur initiale de 31 milliards d’euros, portant sur la construction de sous-marins conventionnels français au profit d’un accord pour des sous-marins nucléaires américains révèle les véritables intentions des États-Unis dans cette partie du monde. L’alliance scellée entre Canberra, Londres et Washington vise à renforcer la sécurité dans la zone indo-pacifique où le géant américain tente de tenir la dragée haute à la Chine.
Après le retrait américain d’Afghanistan, les États-Unis ont, semble-t-il, décidé de jeter toutes leurs forces dans le développement de leur politique de sécurité dans la zone indo-pacifique. Une réponse aux velléités chinoises dans cette région du monde très disputée depuis des années.
Cette politique américaine n’est pas nouvelle. La secrétaire d’État Hillary Clinton en avait fait une priorité en 2007 mais, depuis, les Printemps arabes et la situation en Afghanistan avaient plus ou moins mis entre parenthèses cette nouvelle approche géostratégique. Une vision que même Donald Trump partageait. Joe Biden a décidé dorénavant d’accélérer en scellant une alliance avec l’Australie et le Royaume-Uni, au risque de se brouiller avec un partenaire de longue date, en l’occurrence la France.
Le président américain a également annoncé la tenue d’une réunion du Quad (dialogue quadrilatéral pour la sécurité) le 24 septembre prochain à Washington avec la présence des Premiers ministres australien, indien et japonais afin de relancer un format diplomatique qui végétait depuis plusieurs années et qui doit désormais jouer un rôle central pour préserver la paix et la sécurité dans cette région.
« Containment »
Car, même si elle n’a pas été citée lors de la signature de l’accord, Pékin s’est immédiatement sentie visée et a dénoncé un contrat « extrêmement irresponsable », rapporte notre correspondant sur place, Stéphane Lagarde. Chez les experts interviewés par les médias chinois ce jeudi, c’est le terme « containment » qui revient le plus. Les États-Unis et leurs alliés tenteraient une nouvelle fois de contenir le développement de la puissance chinoise dans le Pacifique.
Pour le régime communiste, les trois pays ont soulevé un rocher qui va leur retomber sur les pieds. En français, Washington, Londres et Canberra se tirent une balle dans le pied. « La coopération entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Australie en matière de sous-marins nucléaires sapent gravement la paix et la stabilité régionale, elle intensifie la course aux armements », a déclaré cet après-midi lors de son point presse quotidien le porte-parole de la diplomatie chinoise Zhao Lijian.
The Global Times dénonce à nouveau « une mentalité de guerre froide » et un « acte d’extrême hostilité », la rhétorique classique de la propagande communiste, mais aussi une réelle inquiétude. Un militaire anonyme, cité par le quotidien nationaliste, considère qu’en devenant une menace nucléaire pour d’autres pays, « l’Australie est désormais une cible potentielle en cas de guerre totale ».
« L’administration Biden a épuisé son crédit initial à Paris»
Et si le président américain Joe Biden a tenu à rassurer Paris en indiquant que « la France restait un partenaire clé » des États-Unis, ce revirement d’alliance interroge sur les liens entre Paris et ses alliés anglo-saxons, selon la ministre Florence Parly, qui prédit de lourdes conséquences.
Pour Mathieu Duchâtel, docteur en science politique et directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne, spécialiste des questions de sécurité en Asie orientale, ce pacte surprise pourrait ternir les relations entre la France et les États-Unis.
On doit se poser la question de « Est-ce qu’on doit s’attendre à une initiative américaine pour compenser la France ou non? ». La méthode de l’annonce soudaine en grande pompe hier soir souligne quand même un certain mépris des intérêts français […] En tout cas ce qui est certain, c’est qu’en quelques mois l’administration Biden a épuisé son crédit initial à Paris, qui reposait d’ailleurs sur les propres promesses de l’administration Biden, qu’elle serait une administration qui les consulterait pour toute décision majeure.