En Californie, des pompiers dépités face à des incendies sans fin
“Au bout d’un moment, tu commences à vriller un peu”: surmenés par des incendies de plus en plus grands, fréquents et destructeurs, les pompiers de l’Ouest américain n’hésitent plus à faire part de leur épuisement.
Sur les hauteurs de Twain, un minuscule bourg niché dans les pins du nord de la Californie, un groupe de pompiers arrose méthodiquement chaque bloc de végétation noircie par les flammes du Dixie Fire et déblaie tout ce qu’il peut à la tronçonneuse. Il faut à tout prix éviter un nouveau départ de feu dans cette zone si usée par la sécheresse qu’elle agit en véritable poudrière.
“Cela fait 14 jours qu’on est ici, aucun répit en perspective”, souffle David Tikkanen, capitaine d’une unité des pompiers de l’Etat, en s’appuyant sur un râteau.
Un travail de fourmi éreintant, au milieu d’un brasier de plus de 80.000 hectares.
Toute l’année
Soldat du feu depuis 35 ans, David Tikkanen assure combattre des incendies de plus en plus gros, un phénomène qu’il attribue au changement climatique.
“Ce n’est qu’une question de temps avant que l’on ait des feux 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, toute l’année en Californie”, fustige auprès de l’AFP l’homme au casque rouge. “Ça rend le tout plus stressant et plus dangereux.”
Pas moins de 5.400 hommes et femmes sont affectés au Dixie Fire, le plus gros incendie à ravager l’Etat cette année. Sur la route qui relie Twain à la ville de Quincy, là où les pompiers campent entre deux quarts, une succession de panneaux rendent hommage à tous ces “héros du feu”.
Mais chaque année, leurs missions se font plus longues.
“Au bout d’un moment, tu commences à vriller un peu, ta santé mentale ne va pas fort”, déplore le capitaine Tikkanen. Pour surmonter cette détresse, “certains se tournent vers l’alcool”, avoue-t-il. “Moi non, je vais faire du vélo en montagne.”
“Parfois, on a besoin d’une aide extérieure”, ajoute-t-il aussi sans honte. “J’y ai eu recours par le passé, ça m’a sauvé.”
“Embêter ma femme”
En bas de la colline de Twain, Patrick Dellenback, 36 ans, reprend des forces après avoir tenté d’éteindre plusieurs sources de chaleur. Son unité est venue tout droit du Bootleg Fire, un gigantesque brasier dans l’Etat voisin de l’Oregon, et enchaîne son douzième jour de mission.
“On a des groupes de soutien au boulot et si ça commence à ne vraiment pas bien aller, il y a des gens à qui on peut parler”, confie-t-il, le nez noirci par la suie. “J’essaie de ne pas trop embêter ma femme avec ça.”
A quelques mètres de là, on aperçoit de nouveau le capitaine Tikkanen, cette fois-ci au volant d’une voiture: un des pompiers de son unité a été conduit à l’hôpital. Rien de grave a priori mais il doit se précipiter à son chevet, avant de remonter ces routes sinueuses et enfumées, et recommencer à travailler.
Il soupire. “Ça fait partie du métier.”
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