« Cette mission sur Mars permet aux Émirats de se révéler autrement aux yeux du monde »
Les Émirats arabes unis sont entrés dans l’histoire du monde arabe, mardi, après avoir réussi à placer leur sonde « Hope » autour de l’orbite de Mars. Une prouesse aérospatiale qui s’explique par les ambitions de cet État du Golfe à devenir un acteur de premier plan dans le domaine des sciences et des technologies.
« Au peuple des Émirats arabes unis, aux nations arabes et musulmanes, nous annonçons l’entrée réussie en orbite autour de Mars. Dieu soit loué ». C’est en ces termes qu’Omran Sharaf, le responsable du projet de la première mission spatiale arabe visant la planète rouge a salué, mardi 9 février, le placement sur orbite de la sonde émiratie « Al-Amal » (Espoir).
« Ce que vous avez accompli est un honneur pour votre nation. Je tiens à vous féliciter », a lancé de son côté Mohammed ben Zayed, dit MBZ, prince héritier d’Abu Dhabi, capitale des Émirats dont il est l’homme fort.
L’exploit est historique pour ce pays qui a fait coïncider cette prouesse spatiale avec le 50e anniversaire, en 2021, de l’unification des sept émirats au sein de la fédération des Émirats arabe unis.
« C’est un grand succès pour les Émirats, qui cherchent à se positionner comme un nouveau pôle de puissance non seulement dans le Golfe mais à l’échelle internationale. Ils réussissent l’exploit d’intégrer le cercle très fermé des puissances aérospatiales, en seulement six ans, l’agence spatiale émiratie ayant été créée en 2014 », souligne Karim Sader, consultant spécialiste du Golfe, interrogé par France 24.
S’affirmer dans le domaine des technologies
Souvent associés en Occident aux immenses réserves d’hydrocarbures et de pétrodollars, aux gratte-ciels démesurés et aux luxueux centres commerciaux, les Émirats, qui ont déjà envoyé un astronaute visiter la Station spatiale internationale (ISS), veulent s’affirmer dans le domaine des technologies.
Cet État cherche à se construire une image à l’international grâce au soft power, et à un travail discret et patient qui porte ses fruits dans plusieurs domaines, explique Karim Sader. « Leur succès spatial est le fruit de l’engouement et des ambitions de MBZ et de Mohamed al-Maktoum qui veulent absolument faire des Émirats un hub régional en matière de technologie et d’aérospatial, indique-t-il. C’est ainsi que le pays s’est lancé dans des chantiers de recherches depuis plusieurs années, en y consacrant d’importants budgets, que ce soit dans le domaine des nouvelles technologies et des énergies renouvelables ».
Et d’ajouter : « Ces dernières années, c’est le Qatar qui était sur le devant de la scène médiatique, célébré il y a exactement dix ans pour avoir réussi à offrir, pour la première fois, l’organisation de la Coupe du monde de football au monde arabe. Aujourd’hui, ce sont les Émirats arabes unis qui doublent leur rival qatari en devenant le premier pays arabe à participer, avec succès, à la ruée vers Mars « .
À ce jour, seuls les États-Unis, l’Inde, la Russie et l’Agence spatiale européenne ont placé avec succès des sondes autour de la planète rouge.
Ambitions géopolitiques et « fierté nationale »
Cette percée, saluée par la Nasa, n’est pas uniquement une affaire de communication et de soft power pour Abu Dhabi, qui a pu lancer son premier satellite entièrement fabriqué sur le territoire national en 2018. « Tout en étant moderne et ouvert à la globalisation, MBZ, dont s’inspire d’ailleurs le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane, est un nationaliste qui veut cultiver le sentiment de fierté nationale de la population, et ce projet spatial en est l’illustration ».
« Il y a chez les Émiratis quelque chose qui les distingue de leurs voisins souvent dépendants de puissances étrangères, à savoir le fait qu’ils ont eux-mêmes construit et développé leurs capacités industrielles, insiste-t-il. C’est ainsi que les employés de l’agence spatiale qui a monté cette mission sont quasiment tous Émiratis, naturalisés ou pas, avec une femme, Sarah al-Amiri, à leur tête ».
Cette mission sur Mars permet aux Émirats « de se révéler autrement aux yeux du monde », dans des domaines autres que militaires classiques. Ce n’est pas la première fois qu’ils sont à la pointe grâce à leur industrie nationale, poursuit Karim Sader. « C’est déjà le cas dans le domaine de la défense qui leur permet d’être actifs sur plusieurs théâtres d’opérations que ce soit en Libye ou au Yémen ».
Des ambitions géostratégiques qui cohabitent avec les ambitions spatiales du richissime État du Golfe qui se prépare à construire une « cité scientifique » géante dans le désert émirati, en périphérie de Dubaï. Objectif : simuler les conditions martiennes et développer la technologie nécessaire pour coloniser la planète Mars.
France 24