Biden ne veut pas se laisser entraîner dans le conflit israélo-palestinien
« Dans le meilleur des cas, l’administration Biden peut juste espérer calmer la violence » dans la crise actuelle, estime un expert.
Joe Biden l’a clairement laissé entendre : le conflit israélo-palestinien, sans espoir de résolution rapide, ne fait pas partie de ses priorités. Mais comme pour nombre de ses prédécesseurs, une crise oblige déjà le président des Etats-Unis à s’impliquer, a minima, pour éviter l’explosion.
L’escalade de la violence place le démocrate face à une équation complexe – diplomatiquement, ses cartes étant limitées, mais aussi politiquement, l’aile gauche de son parti le poussant à prendre plus franchement ses distances avec Israël après le soutien acharné manifesté par Donald Trump.
« On peut facilement comprendre que l’administration Biden considère qu’il s’agit d’un effort peu utile, peu rentable et semé d’embûches politiques », explique à l’AFP Aaron David Miller, ex-négociateur américain pour le Proche-Orient. « Il n’y a aucune perspective de succès dans ce dossier. Il n’y a aucun dirigeant, des deux côtés, prêt à prendre des décisions », ajoute cet expert du cercle de réflexion Carnegie Endowment for International Peace. Selon lui, « dans le meilleur des cas, l’administration Biden peut juste espérer calmer la violence » dans la crise actuelle.
Le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune a pourtant appelé mercredi les Etats-Unis à s’impliquer face à l’escalade actuelle. « On a besoin de l’engagement américain. Il est clair que ce sont eux qui ont aujourd’hui encore les principaux leviers diplomatiques même si l’Europe doit être davantage présente », a-t-il dit sur la chaîne France 2.
Ces derniers jours, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et le conseiller pour la sécurité nationale Jake Sullivan ont multiplié les contacts et les déclarations en faveur d’une « désescalade ». M. Sullivan s’est ainsi entretenu mardi avec le gouvernement égyptien sur la situation entre Gaza et Jérusalem et sur la mise en place d’étapes « pour restaurer le calme dans les prochains jours », a indiqué un communiqué.
Selon des observateurs, Washington intervient aussi auprès d’autres partenaires arabes comme la Jordanie ou le Qatar. Mais les tensions meurtrières, nées en partie de la menace d’expulsions visant des Palestiniens de Jérusalem-Est au profit de colons israéliens, et qui ont dégénéré d’abord en heurts puis en tirs de roquettes du Hamas vers l’Etat hébreu et en frappes de Tsahal contre la bande de Gaza, n’ont fait que s’accentuer.
« Soi-disant plan de paix »
« Je pense que les Américains espèrent surtout que les choses s’apaisent d’elles-mêmes dans les prochains jours, avec la fin du ramadan », dit Aaron David Miller.
A leur arrivée au pouvoir en janvier, le président Biden et son équipe ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas se précipiter vers une nouvelle médiation — d’autant que l’avenir politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est en suspens.
Antony Blinken a apporté son soutien à la création future d’un Etat palestinien mais a reconnu qu’il n’y avait pas de « perspective réaliste en ce sens à court terme ». « Les deux parties ne sont pas actuellement en mesure d’entreprendre de vraies négociations pour aller vers une solution à deux Etats », a de nouveau constaté mardi son porte-parole Ned Price.
L’ex-président Trump avait tourné le dos à cette solution poussée par la communauté internationale et apporté tout son soutien à Benjamin Netanyahu en reconnaissant unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël. En fin de mandat, le milliardaire républicain avait avancé son plan de paix, qui aurait permis à l’Etat hébreu d’annexer une grande partie de la Cisjordanie, ne laissant aux Palestiniens qu’un Etat réduit à peau de chagrin avec une capitale en périphérie de Jérusalem.
L’administration Trump avait finalement donné la priorité à la reconnaissance d’Israël par d’autres pays arabes, avec succès, dans l’espoir de marginaliser encore davantage la question palestinienne.
Pas de rupture
L’administration Biden a soutenu cette normalisation – l’une des rares réussites internationales qu’elle reconnaît au gouvernement précédent -, tout en renouant avec une diplomatie plus traditionnelle et moins déséquilibrée à l’égard du conflit israélo-palestinien.
L’ex-président républicain Donald Trump a accusé mardi son successeur de « faiblesse » pour ne pas soutenir assez fermement Israël dans la crise actuelle. « Sous Biden, le monde devient plus violent et plus instable parce que la faiblesse de Biden et le manque de soutien à Israël mènent à de nouvelles attaques contre nos alliés », a-t-il écrit dans un communiqué.
Joe Biden et Antony Blinken, des vétérans de la politique étrangère américaine, ont eux aussi des liens solides et anciens avec Israël. Mais les prises de position ultrafavorables à l’Etat hébreu de l’ère Trump ont contribué à faire évoluer une frange croissante du Parti démocrate américain, notamment à l’égard d’un Benjamin Netanyahu de plus en plus considéré comme un dirigeant de la droite extrême.
Bernie Sanders, principal adversaire de Joe Biden à la primaire démocrate, a appelé les Etats-Unis à « dénoncer fermement la violence des extrémistes israéliens alliés du gouvernement ». Phyllis Bennis, chercheuse à l’Institute for Policy Studies, classé à gauche, ne croit pas à cette perspective. « Comme Israël ne veut pas que nous retournions dans l’accord sur le nucléaire iranien, mais que nous allons le faire malgré tout, alors nous n’allons prendre aucune autre décision susceptible de déplaire à Israël, comme faire pression contre ses violations directes du droit international », a-t-elle dit à l’AFP.
Source : L’orient du Jour