Afghanistan: les grandes villes du pays tombent aux mains des talibans

Afghanistan: les grandes villes du pays tombent aux mains des talibans

Les talibans avancent d’heure en heure en Afghanistan avec une accélération de leur percée ce jeudi 12 août. À l’Ouest, Hérat, troisième ville du pays, et au Sud, Kandahar, deuxième agglomération afghane, sont tombées aux mains des insurgés. De même, Lashkar Gah, la capitale de la province du Helmand, a été également prise par les talibans.

Les talibans ont affirmé dans la nuit de jeudi à vendredi 13 août avoir pris Kandahar, la deuxième ville d’Afghanistan. Ce qui ne laisserait plus que la capitale Kaboul et quelques autres territoires sous contrôle du gouvernement afghan.

« Kandahar est totalement prise. Les moudjahidines ont atteint la place des Martyrs dans la ville », a tweeté un porte-parole sur un compte officiel des talibans. 

Quelques heures auparavant, des habitants sur place racontaient que des talibans étaient présents dans le centre-ville de Kandahar, rapporte notre correspondante à Kaboul,  Sonia Ghezali. Sur des vidéos postés sur les réseaux sociaux on voit des « Humvees », des tanks de l’armée afghane qui roulaient à toute vitesse en direction de l’aéroport. C’est la fuite en avant des forces de sécurité afghanes que l’on a pu observer au cours de cette dernière semaine dans toutes les capitales provinciales qui sont tombées aux mains des talibans. Elles seraient 12 désormais avec Hérat et Kandahar aux mains des talibans. Kandahar, l’ancienne capitale du régime taliban entre 1996 et 2001, ville stratégique du Sud qui ouvre la voie par la route vers Kaboul au Nord.

La population de Kaboul parle de talibans qui rôdent la nuit…

« Tout le monde se cache »

Pashtana Zalmai Khan Durrani est une Afghane qui travaille pour l’ONG Learn Afghanistan. Selon elle, Kandahar est bien tombée aux mains des talibans. Elle se cache ainsi que toute sa famille. « Tout le monde se cache à l’intérieur des maisons, du côté de la prison qui a été détruite. Les talibans ont pris toutes les maisons des habitants, ils entrent dans les bâtiments. Les membres de mon ONG qui vivent de ce côté de la ville ont dû quitter les lieux. Ils sont partis se réfugier à Aino Mena, un quartier de l’est de la ville, parce que les femmes ne sont pas en sécurité. Sinon, tout le monde se cache. Il n’y a aucune résistance, personne ne se bat, personne ne fait rien, pas même les membres des forces de sécurité, personne ne se bat », explique-t-elle.

Les habitants de Kandahar sont pris au piège. « À mon avis, les habitants n’ont nulle part où aller. Donc nous sommes tous bloqués ici, parce que l’autoroute pour atteindre l’aéroport a été endommagée, la province de Ghazni est aussi tombée, donc il n’y a aucune issue. Je suis très inquiète, très inquiète. Je ne sais pas ce que je vais faire, je ne fais que pleurer, il n’y a pas de solution. Tout ce pourquoi nous avons travaillé a été détruit, il ne reste plus rien. »

À Lashkar Gah, la capitale de la province voisine du Helmand, également tombée aux mains des talibans, ceux-ci ont libéré tous les prisonniers. Ils ont décidé cette nuit  d’un cessez-le-feu de 48 heures pour laisser partir l’armée et les responsables civils. 

C’est vers minuit, à bord d’hélicoptères, que les responsables locaux ont quitté le siège du gouvernement de Lashkar Gah. Les quelques 200 soldats restés sur place se sont ensuite rendus aux talibans qui mettent ainsi la main sur la province du Helmand où la moitié de l’opium afghan est produite. Si Mazar-i-Sharif, où les combats font rage, tombe, le Nord sera totalement aux mains des talibans.

À Hérat, les talibans ont pris le dessus sur la résistance

Les regards étaient rivés sur Hérat également, la grande ville de l’Ouest. L’armée et les combattants volontaires de l’ancien chef de guerre Ismail Khan ont resisté des semaines. En vain : les talibans ont pris le dessus ce jeudi soir.

La prise d’Hérat, troisième ville d’Afghanistan, est une étape majeure de l’offensive des talibans quelques heures après la prise de Ghazni, à 150 km au sud-ouest de Kaboul, qui les a rapprochés dangereusement de la capitale.

Les talibans « ont tout pris », a indiqué à l’AFP un haut responsable des forces de sécurité sur place. Les forces afghanes ont battu en retraite « pour empêcher plus de dommages dans la ville », a-t-il précisé, et se retirent vers une base militaire située à Guzara, un district voisin.

Les talibans ont hissé leur drapeau au-dessus du siège de la police de Hérat en fin de journée sans rencontrer de résistance.

Poste-frontière avec l’Iran

Hérat, située à 150 km de la frontière iranienne et capitale de la province du même nom, était déjà assiégée, avec de violents combats à ses abords. Les insurgés ont pris le contrôle ces dernières semaines de la quasi-totalité du reste de la province, dont Islam Qala, le poste-frontière avec l’Iran, le plus important d’Afghanistan.

Plus tôt dans la journée, le gouvernement a reconnu que Ghazni était tombée, mais assuré que des combats y étaient toujours en cours. 

Kaboul propose un partage du pouvoir

Face à la dégradation de la situation militaire, Kaboul a proposé « aux talibans de partager le pouvoir en échange d’un arrêt de la violence dans le pays », a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un négociateur du gouvernement aux pourparlers de paix à Doha.

Le président afghan Ashraf Ghani avait toujours rejeté jusqu’ici les appels à la formation d’un gouvernement intérimaire non élu comprenant les talibans. Mais son revirement risque d’être bien tardif, les insurgés n’ayant montré aucun signe, depuis l’ouverture des négociations de paix en septembre 2020, qu’ils étaient prêts à un compromis. Ils y seront sans doute encore moins enclins après avoir avancé à un rythme effréné ces derniers jours.

RFI