🌍 Nous rapprochons-nous d’une Troisième Guerre mondiale?

🌍 Nous rapprochons-nous d’une Troisième Guerre mondiale?

Reprise du conflit israélo-palestinien, guerre en Ukraine, menace militaire autour de Taïwan, relations privilégiées entre la Russie et la Chine, campagne électorale mouvementée en vue aux États-Unis… Les ingrédients d’une nouvelle guerre mondiale? Sven Biscop, professeur de politique internationale (UGent) fait le point auprès de nos confrères de Het Laatste Nieuws.

“Lorsque j’ai vu les images des attaques du Hamas le week-end dernier, j’ai été très choqué, comme tout le monde, mais j’ai aussi immédiatement songé à l’impact que cela aurait sur nous et sur le reste du monde”. C’est dans les bureaux de l’Institut Egmont, au cœur de Bruxelles, que le professeur Sven Biscop (47 ans) mène l’essentiel de ses réflexions. Avec ses collègues, il suit et analyse la politique internationale pour le ministère des Affaires étrangères.

La plupart des analyses qui ont défilé au cours de la semaine écoulée paraissent plutôt sombres. Selon certains observateurs, la reprise du conflit entre Israël et la Palestine pourrait être un tremplin vers une guerre mondiale. Un scénario crédible?

Je vais à l’encontre de cette hypothèse. La tentation est grande de réagir sous le coup de l’émotion ou de la panique dans ces moments-là, d’évoquer de “grands bouleversements”, alors qu’il faut garder un regard critique sur ce qui se passe. Oui, il y a beaucoup de crises et de guerres qui se conjuguent, mais la situation n’est pas unique. Dans les années 1990, il y a eu la guerre du Golfe en Irak et au Koweït, la guerre civile en Algérie, l’Intifada en Palestine et la guerre en Yougoslavie. Une époque de fortes turbulences que nous avons traversée (…) Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut pas s’inquiéter ou qu’il convient de tout relativiser.

L’historien britannique Mark Almond estime que nous vivons actuellement un “glissement de terrain géopolitique” et l’ancien colonel Roger Housen parle d’un moment qui va changer le monde, à l’instar des attentats contre les tours jumelles à New York le 11 septembre 2001.

Cette comparaison avec le 11 septembre est un peu exagérée. C’est vrai, les Israéliens sont aussi choqués aujourd’hui que les Américains à l’époque. Ils ne s’attendaient pas à être attaqués d’une manière aussi horrible. Mais l’influence sera-t-elle aussi grande qu’en 2001? Je n’en suis pas si sûr. Le monde a changé après le 11 septembre, principalement parce que les Américains ont lancé une “guerre mondiale” contre le terrorisme. Ils ont envahi l’Irak et l’Afghanistan.

L’impact du conflit Israélo-palestinien se limite pour l’instant à Israël et à la Palestine (…) Si Israël décidait d’attaquer l’Iran, alors nous nous retrouverions dans une tout autre situation. Mais rien n’indique que ce soit le cas pour l’instant.

Ce qui se passe actuellement au Proche-Orient peut-il avoir des répercussions sur le conflit en Ukraine?

Je n’entrevois pas de conséquences négatives graves pour l’Ukraine. Israël dispose d’une armée moderne et n’a pas besoin dans l’immédiat de nombreuses armes supplémentaires. Supposons que la guerre se prolonge pendant une longue période ou qu’elle dégénère en un conflit régional plus vaste, alors vous pourriez avoir un autre impact. Je ne vois pas les États-Unis mener une réflexion du genre ‘Ce que nous pensions livrer à l’Ukraine, nous allons plutôt l’envoyer vers Israël’. Plus d’attention sera consacrée au conflit israélo-palestinien, mais cela ne contribue pas à changer la donne en faveur de Poutine.

Vladimir Poutine © Getty Images

Y aura-t-il un nouveau président à la Maison Blanche en 2024? Trump et les Républicains pourraient rapidement fermer le robinet financier vers l’Ukraine.

Nous pouvons supposer que les Américains commenceront à réduire leur soutien à l’Ukraine dès l’année prochaine. Cela se produira un peu plus lentement avec les Démocrates qu’avec les Républicains, mais cela me paraît inévitable. Si nous voulons que les Ukrainiens tiennent le coup, nous, Européens, devrons prendre les devants.

Les grands leaders européens en ont-ils conscience?

“Pas suffisamment. Cet été, l’UE a proposé d’allouer environ 20 milliards d’euros à l’Ukraine sur les quatre prochaines années, mais c’est trop peu. Nous avons déjà dépensé 5,5 milliards d’euros en un an et demi. L’idée est de continuer à financer l’Ukraine au même rythme. Si les Américains réduisent leur soutien, cela ne suffira pas à combler le vide. Tout le monde ne semble pas s’en rendre compte. Aujourd’hui, les Russes produisent déjà plus d’armes et de munitions que ce que nous pouvons fournir à l’Ukraine avec les fonds que nous avons mis de côté. Nous risquons ainsi de voir le rapport de force militaire pencher à nouveau en faveur de la Russie.

Le professeur Sven Biscop © Jan Aelberts

Le soutien occidental à l’Ukraine et les sanctions économiques ne semblent pas ébranler outre mesure la Russie…

Je n’ai jamais cru que ces sanctions mèneraient à une fin rapide de la guerre (…) La propension d’autre pays à participer a été surestimée. La réalité, c’est qu’une grande partie du monde continue de commercer avec la Russie. Elle est loin d’être complètement isolée et ne sombrera pas. Mais les sanctions ont énormément augmenté le coût de sa guerre. Et plus cela prend du temps, plus c’est difficile. Les Russes sont passés à une économie de guerre. Vous ne pouvez pas continuer ainsi éternellement.

L’attaque de Taïwan par la Chine s’érige comme un “scénario très probable”, selon votre confrère, le professeur Jonathan Holslag (VUB).

Objectivement parlant, les Chinois ne tireraient que peu de profit d’une guerre avec Taïwan. Ces deux pays sont profondément liés, tant sur le plan économique que culturel, et la situation actuelle profite aux deux parties. Le président chinois Xi Jinping a d’autres préoccupations en tête pour le moment, comme l’économie du pays. Mais, c’est vrai, Taïwan est une question symbolique et les politiques ont parfois tendance à abandonner toute raison.

La Chine est-elle la superpuissance dont nous devrions le plus nous préoccuper ?

Nous ne devons pas être naïfs dans nos relations avec la Chine, mais nous ne devons pas non plus avoir peur. Jusqu’à présent, il ne semble pas que les Chinois souhaitent mener une politique militaire très agressive. Regardez leur attitude dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, c’est plutôt attentiste. Et ils sont également restés neutres lors de leur première réponse au conflit en Israël. Je pense que c’est une bonne nouvelle. Cela montre que la Chine n’a pas choisi pour l’instant de se positionner comme une grande puissance diamétralement opposée aux États-Unis ou à l’Occident. Ils se rendent compte qu’ils ont encore besoin de nous pour le moment.

Xi Jinping et Joe Biden © AFP

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