🇺🇸 Qu’est-il arrivé lorsque la nation la plus peuplée du monde a banni TikTok du jour au lendemain?
La Chambre américaine des représentants a adopté mercredi une proposition de loi qui pourrait mener à une interdiction de TikTok à l’échelle nationale. Si l’application détenue par les Chinois ne risque pas de disparaître de sitôt de leur téléphone, les 170 millions d’utilisateurs américains s’inquiètent. Mais il est possible de survivre sans TikTok. C’est le cas de l’Inde, qui l’a banni du jour au lendemain, et dont CNN illustre le cas dans ses colonnes.
En juin 2020, après un affrontement violent à la frontière entre l’Inde et la Chine qui a entraîné la mort d’au moins 20 soldats indiens, le gouvernement de New Delhi a soudainement interdit TikTok et plusieurs autres applications chinoises bien connues.
“Il est important de se rappeler que lorsque l’Inde a interdit TikTok et de multiples applications chinoises, les États-Unis ont été les premiers à louer cette décision”, expose Nikhil Pahwa, le fondateur du site MediaNama, basé à Delhi. “[L’ancien] secrétaire d’État américain Mike Pompeo avait salué l’interdiction, affirmant qu’elle ‘renforcerait la souveraineté de l’Inde’.”
Et si cette décision abrupte avait choqué les 200 millions d’utilisateurs de TikTok du pays, beaucoup ont trouvé d’autres alternatives au cours de ces dernières années.
“L’interdiction de TikTok a conduit à la création d’une opportunité de plusieurs milliards de dollars (…) Cette e base d’utilisateurs de 200 millions avait besoin d’un endroit où aller”, explique encore Nikhil Pahwa. Et ce sont finalement les entreprises technologiques américaines qui ont saisi leur chance avec de nouvelles offres.
La vie sans TikTok
Mais cette interdiction n’a pas été sans douleur. En 2020, TikTok était devenu extrêmement populaire parmi les Indiens qui cherchaient à se changer les idées face aux interdictions strictes en vigueur dans le pays pour lutter contre le Covid-19.
“Tout le monde en Inde veut devenir une star de Bollywood, et TikTok a rendu ce rêve possible en faisant des gens, y compris dans les petites villes, des stars du jour au lendemain”, se souvient Saptarshi Ray, chef de produit chez Viralo, une plateforme de marketing d’influence basée à Bengaluru. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que d’autres voies s’ouvrent à leur créativité et à leurs activités commerciales.
L’essor d’Instagram Reels et YouTube Shorts
Une lutte féroce s’est engagée entre les géants américains de la technologie et les startups locales pour combler le vide. Dans la semaine qui a suivi le bannissement de TikTok, Instagram, qui appartient à Meta, a tiré profit de la situation en lançant sa fonction Reels. De son côté, Google a également proposé une offre de vidéos courtes, avec YouTube Shorts.
Certaines alternatives locales, telles que MX Taka Tak et Moj, ont également commencé à connaître une hausse de popularité et un afflux de fonds. Ces startups se sont toutefois rapidement éteintes, incapables de rivaliser avec la portée et la puissance financière des entreprises américaines.
Selon Saptarshi Ray, les créateurs de contenu indiens ont rapidement transféré tous les anciens contenus qu’ils avaient tournés pour TikTok vers les Instagram Reels et les YouTube Shorts. “Certains influenceurs téléchargeaient sept Reels par jour et gagnaient quatre à cinq millions d’abonnés par an”, déclare-t-il.
Mais tout le monde n’a pas été en mesure de construire une audience significative sur ces plateformes. “De nombreux utilisateurs et créateurs ont glissé dans un espace sombre et profond après l’interdiction, et certains n’en sont toujours pas sortis”, a déclaré Clyde Fernandes, directeur exécutif de la gestion des artistes chez Opraahfx, une société de marketing et de gestion des influenceurs. “La manière dont on gagnait en audience et en nombre de followers sur TikTok est [encore] incomparable à toute autre plateforme actuelle.”
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Un plus en matière de sécurité? Pas si sûr
Les fonctionnaires et les législateurs américains craignent que le gouvernement chinois ne contraigne ByteDance, la société mère de TikTok, à lui remettre les données collectées auprès des utilisateurs américains. Pour les experts en cybersécurité, les problèmes de sécurité nationale liés à TikTok restent toutefois largement hypothétiques. Les experts indiens, quant à eux, estiment que son retrait de la vie numérique nationale n’a pas eu pour effet de rendre l’espace plus sûr.
“Je ne suis pas sûr que la suppression de TikTok ait un impact sur le paysage des menaces en matière de cybersécurité [en Inde]. À moins que les utilisateurs ne prennent conscience des logiciels installés sur leurs téléphones ou de ce qu’ils téléchargent sur Internet, il est peu probable que cela change”, détaille Vivan Sharan, partenaire de la société de conseil en politique technologique Koan Advisory Group, basée à Delhi.
Les législateurs américains craignent également que l’application ne serve d’outil à Pékin pour diffuser de la propagande, de la désinformation ou influencer les Américains. Une menace qui, là encore, reste d’actualité en Inde, et ce malgré la suppression de TikTok. “En termes de contenu et d’environnement de désinformation, il est évident que nous devons toujours faire face à de graves problèmes tels que les deepfakes, etc. Et ce avec ou sans TikTok”, ajoute Vivan Sharan. “Dans l’ensemble, il est donc difficile de voir quelle partie du paysage des risques change de manière significative, en supposant que TikTok soit réellement problématique.”
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