🇺🇸 Les pompiers doivent larguer de l’eau de mer sur les forêts de Californie, et cela pourrait virer au désastre écologique
La gestion de l’eau en Californie est une des causes des incendies qui ravagent l’État, frappé par des sécheresses à répétition. Par manque d’eau douce, les avions bombardiers d’eau des pompiers se ravitaillent, quand c’est possible, en eau de mer dans la baie. Mais ces largages d’eau salée pourraient avoir des conséquences très lourdes à long terme sur la région.
La semaine dernière, un drone survolant sans autorisation un quartier ravagé par les flammes a percuté et endommagé un avion Super Scooper des pompiers de Los Angeles. Une perte sèche, car ceux-ci ne disposaient que de deux de ces appareils bombardiers capables de larguer plus de 5.800 litres d’eau sur un feu. Deux autres de ces avions seront déployés dans les jours qui viennent, offerts par une association sans but lucratif canadienne, précise The War Zone.
5.800 litres d’eau à chaque largage
Mais si les pompiers californiens manquent de bombardiers d’eau, ils manquent aussi de sources d’eau accessibles pour les ravitailler. La région est en proie à une sécheresse persistante depuis des années, avec une dernière période très sèche qui s’est étendue de 2011 à 2019. Et l’infrastructure, largement destinée à transférer de l’eau du nord vers le sud de l’État, est notoirement obsolète. En parallèle, la consommation est élevée, majoritairement dans l’agriculture et l’élevage.
Dans ce contexte, les réservoirs d’eau douce ne suffisent pas à alimenter l’effort contre les incendies, et les pompiers remplissent les avions avec de l’eau de mer, quand les vents permettent de se poser dans la baie. Sauf que cette eau est salée et, larguée en grandes quantités, elle pourrait apporter son lot de conséquences néfastes sur des zones naturelles déjà menacées par le feu et la sécheresse.
Outre que l’eau salée corrode le matériel de lutte contre les incendies, elle peut aussi s’avérer très nocives pour des plantes qui n’y sont pas habituées. La salinisation des terres est déjà un gros problème dans des régions où la montée du niveau des mers fait que l’eau s’infiltre dans les sols. Au risque de saler durablement les sols et les nappes phréatiques, et de désertifier des terres auparavant fertiles. D’autant que les tempêtes projettent aussi de l’eau salée de plus en plus loin sur les forêts et les zones agricoles côtières, un problème déjà signalé en Californie.
De l’eau salée nocive pour les forêts
Des scientifiques s’inquiètent donc de ces largages d’eau de mer dans un article publié dans The Conversation. Ceux-ci ont justement étudié la question lors d’une expérience organisée par le Smithsonian Environmental Research Center. Ils ont simulé l’afflux d’eau salée lors d’une grosse tempête en saturant un sol forestier bien délimité, puis en étudiant son évolution sur un an. L’expérience a été renouvelée avec 10, puis 20 et enfin 30 heures de saturation des sols à l’eau de mer.
Les deux premières expériences n’ont pas fait de dégâts visibles, mais sur la dernière parcelle, les feuilles des peupliers locaux ont commencé à brunir à la mi-août, plusieurs semaines plus tôt que la normale. À la mi-septembre, le couvert forestier était dénudé, comme si l’hiver s’était installé. La grande sécheresse qui a suivi l’expérience, en 2024, a encore accentué son effet sur les parcelles, laissant des forêts dégradées, et des sols à la composition chimique perturbée.
Dans les cas extrêmes, c’est une “forêt fantôme” qui se développe: un écosystème en train de mourir, avec des arbres comme blanchis, sans feuilles ni branches. Un phénomène déjà observé dans des forêts côtières rattrapées par la montée de la mer.
Le sel et la sécheresse, mélange toxique
“L’eau de mer déversée sur les incendies en Californie du Sud est de l’eau de mer salée à pleine puissance [alors que l’eau côtière utilisée pour l’expérience était moins chargée en sel]“, rappellent les scientifiques. “De plus, les conditions ont été très sèches, en particulier par rapport à notre parcelle forestière de la côte est.”
Ils craignent donc qu’en tentant de maitriser les incendies, nous ne faisions que concocter un drame écologique à venir sur des forêts et des sols déjà très fragiles. Mais en Californie, les pompiers n’ont pas forcément le luxe de choisir leurs munitions.
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