🇺🇸 Le premier discours sur l’état de l’Union de Joe Biden sur fond de guerre en Ukraine
C’est un président impopulaire qui se livre ce mardi 1er mars à un rituel majeur de la vie politique américaine : le discours sur l’état de l’Union. Une allocution en prime time, devant les élus du Congrès au grand complet et avec une guerre en Europe comme invitée surprise
Il y a encore quelques jours, on attendait le premier discours sur l’état de l’Union du 46e président américain avant tout sur le front de la politique intérieure, « parce que Joe Biden vient de nommer une nouvelle juge à la Cour suprême qui est la première femme noire à ce poste, Ketanji Brown Jackson, et parce que les électeurs attendent surtout des actions par rapport à la hausse du coût de la vie, par rapport à l’inflation qui est vraiment la première préoccupation des Américains« , souligne l’historien Corentin Sellin.
La guerre en Ukraine oblige Biden à changer le cœur de son discours
Mais la guerre en Ukraine oblige le démocrate de 79 ans à changer le cœur même de son discours. « Certains pouvaient attendre des divisions au sein de l’OTAN, des divisions au sein de l’Union européenne sur les mesures à prendre pour contrer l’action de la Russie. C’était l’une des priorités de l’administration Biden que de prévenir ce type de divisions et au contraire de garder un front uni. Et en cela, c’est un succès absolu puisqu’aujourd’hui il n’y a pas eu de grand couac entre les alliés sur les actions à prendre vis-à-vis de la Russie. Et Joe Biden va pouvoir mettre ça à son crédit comme ayant été le chef d’orchestre d’une alliance qui finalement a tenu et qui en sort peut-être encore plus forte qu’avant la crise », analyse Martin Quencez. Le directeur adjoint du German Marshall Fund à Paris souligne qu’il s’agit là de l’une des promesses de campagne de Joe Biden et une manière pour le président de se distinguer de son prédécesseur Donald Trump. « Et le deuxième pilier que Joe Biden mettra en avant dans le cadre de cette crise, c’est la lutte contre les autocraties. Donc cette idée que le monde d’aujourd’hui se structure autour d’une opposition entre démocraties et autocraties et que l’agression russe en Ukraine en est l’illustration ».
Lutte contre les autocraties dans le monde et contre l’inflation aux États-Unis
Pour Joe Biden, il ne sera en tout cas pas facile d’inscrire la guerre en Europe dans son agenda de politique intérieure. Seul 37% des Américains lui font encore confiance. Le président a certes réussi à lancer un plan massif d’investissement dans les infrastructures, mais il a aussi essuyé plusieurs échecs législatifs cuisants au Congrès. Son grand plan de réforme « Build Back Better » est bloqué au Sénat, et ce, avant tout, à cause de divisions au sein de son propre camp.
Bon nombre d’Américains estiment aujourd’hui que Joe Biden n’a pas fait grand-chose pour améliorer leur quotidien. Pour Corentin Sellin, les conséquences de la crise internationale sur l’opinion publique aux États-Unis ne sont pas encore prévisibles : « Est-ce qu’il y aura cet effet de ralliement autour du drapeau, c’est à voir ». Alors que Martin Quencez estime qu’ « on n’est plus dans une guerre régionale. Et de cela, je pense que la population américaine en a bien conscience. C’est une guerre qui affecte aussi les Américains dans leur sécurité. Et c’est ce que Joe Biden va mettre en avant lorsqu’il va expliquer pourquoi la population doit assumer des coûts économiques importants« .
Préparer les Américains aux sacrifices à venir
Puisque le président va devoir préparer ce soir ces concitoyens aux sacrifices qui vont découler du train de sanctions contre la Russie. Et ce alors que le taux de l’inflation a atteint 7,5% en un an. La politique intérieure à proprement parler occupera donc également une large place dans le discours de Joe Biden ce soir. « Il va lui falloir parler aux Américains de leurs soucis quotidiens », soutient l’historien Corentin Sellin. « De la fin de la vague pandémique actuelle, de la hausse du coût de la vie – montrer par exemple qu’il a ouvert les réserves stratégiques de pétrole pour faire baisser le prix d’essence à la pompe – pour montrer qu’il est bien au contact des revendications quotidiennes des citoyens ».
Une chose est certaine : le président joue gros ce mardi soir. Les élections de mi-mandat approchent à grands pas. Et rien ne dit que Joe Biden va pouvoir préserver l’actuelle mince majorité des démocrates dans les deux chambres du Congrès.
RFI