🇺🇲 Mis à mal par Trump, qu’est-ce que le “soft power” américain ?

En remettant en cause l’accueil des étudiants étrangers à Harvard, Donald Trump fragilise un pilier essentiel de l’influence américaine dans le monde : le “soft power”. Cette stratégie d’attractivité, fondée sur la culture, l’éducation et la coopération internationale, est mise à rude épreuve sous son mandat.
Un concept stratégique remis en cause
Le “soft power”, théorisé dans les années 80 par le politologue Joseph Nye – récemment disparu –, désigne la capacité d’un pays à séduire et influencer sans contrainte, par l’éducation, la culture, la science ou les valeurs démocratiques. Pour Nye, ce pouvoir d’attraction a été un facteur clé du rayonnement américain au XXe siècle.
Or, Donald Trump a entrepris depuis son retour au pouvoir en janvier une remise en question profonde de ces leviers d’influence. Sa politique vise à recentrer les États-Unis sur eux-mêmes, quitte à sacrifier des instruments essentiels du “soft power” :
- Révocation de l’accueil des étudiants étrangers à Harvard, symbole de l’excellence académique américaine.
- Coupes drastiques dans l’aide étrangère.
- Attaques contre les institutions culturelles comme le Kennedy Center ou les musées Smithsonian, accusés d’“endoctrinement idéologique”.
- Menaces sur l’industrie du cinéma étranger, comme la taxe de 100% sur les films tournés hors des États-Unis, ce qui aurait pénalisé des blockbusters comme Mission: Impossible – The Final Reckoning.
- Mise sous tutelle de médias d’influence tels que la Voice of America.
Une vision contestée aux effets durables
Ces décisions suscitent l’inquiétude. Pour la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen, les étudiants étrangers sont un atout majeur : “Ils soutiennent l’économie américaine, créent des emplois et sont l’un de nos outils les plus puissants en matière de ‘soft power’”. Elle prévient : “Cette action irréfléchie nuit durablement à notre influence mondiale.”
La liste des personnalités formées aux États-Unis témoigne de ce rayonnement : Mark Carney, actuel Premier ministre canadien, ou encore Lai Ching-te, président de Taïwan, ont tous deux étudié à Harvard.
Si la décision concernant Harvard a été suspendue vendredi par un juge, l’administration Trump reste déterminée à poursuivre ses réformes, arguant que les universités américaines sont devenues des foyers d’idéologies de gauche et que les programmes de diversité constituent un “gaspillage”.
Une politique de coercition
Pour Joseph Nye, Trump incarne une vision du monde réductrice : “Trump ne pense qu’en termes de coercition et de paiement”, écrivait-il en février à l’AFP. Or, rappelait-il, le succès américain au XXe siècle reposait aussi sur l’attractivité, pas uniquement sur la force.
Dans une audition au Congrès, le secrétaire d’État Marco Rubio a rejeté l’idée d’un repli américain, affirmant vouloir “optimiser” l’aide sous la bannière de l’“Amérique d’abord”. Mais pour de nombreux observateurs, cette stratégie érode le capital de sympathie des États-Unis et leur capacité à influencer le monde sans user de contraintes.
Le débat est lancé, et l’avenir du “soft power” américain semble plus incertain que jamais.