🇺🇲 Donald Trump relance la thèse du “génocide blanc” en Afrique du Sud : des images et affirmations trompeuses

🇺🇲 Donald Trump relance la thèse du “génocide blanc” en Afrique du Sud : des images et affirmations trompeuses

Lors d’une rencontre à Washington avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa, Donald Trump a présenté des vidéos et articles affirmant qu’un “génocide” viserait les fermiers blancs en Afrique du Sud. Une démonstration reposant sur des éléments largement erronés ou détournés.

Un montage confus et des symboles mal interprétés

Coupant la séance de questions-réponses d’un brutal “éteignez les lumières”, Donald Trump a lancé devant son hôte sud-africain un montage vidéo censé illustrer un prétendu “génocide blanc”. Parmi les images, une séquence montrant une route bordée de croix blanches a été décrite comme un cimetière par l’ancien président américain. En réalité, ces croix n’étaient pas des tombes, mais des symboles installés lors d’une manifestation en 2020 près de Newcastle, après le meurtre d’un couple d’agriculteurs. Une action symbolique, non une preuve d’un massacre généralisé.

Julius Malema présenté à tort comme un dirigeant du pays

Autre extrait diffusé : Julius Malema, leader du parti radical EFF, apparaissait en train d’appeler à la reconquête des terres. Donald Trump l’a présenté comme un représentant du pouvoir sud-africain. C’est faux. L’EFF a obtenu 9,5 % des voix aux dernières élections et ne siège ni au gouvernement ni dans la coalition au pouvoir, désormais dominée par l’Alliance démocratique (DA) en partenariat avec l’ANC.

Le chant “Kill the Boer”, une pièce historique et controversée

Dans la vidéo, Malema entonne aussi le chant “Kill the Boer”, souvent dénoncé pour son caractère violent. Trump y a vu une incitation claire au meurtre de fermiers blancs. Toutefois, ce chant, hérité de la lutte anti-apartheid, fait l’objet de débats juridiques en Afrique du Sud. Saisi par le groupe AfriForum, la Cour suprême a jugé en 2024 qu’il ne s’agissait pas d’un appel à la haine, mais d’un élément du patrimoine de résistance historique contre l’apartheid.

Des images sorties de leur contexte… et même de leur pays

Parmi les preuves brandies ensuite par Donald Trump figurait une photo de la Croix-Rouge manipulant des sacs mortuaires. Selon lui, il s’agissait de “fermiers blancs en train d’être enterrés”. Or, l’image provenait en réalité de la République démocratique du Congo (RDC), dans le contexte des violences dans l’est du pays. La scène avait été diffusée par WION et filmée à Goma. Aucune corrélation donc avec l’Afrique du Sud.

Des chiffres exagérés et déconnectés du contexte national

Enfin, l’ancien président a affirmé que “des milliers de fermiers blancs” étaient tués, insistant sur un massacre de masse. Les chiffres officiels racontent une autre histoire. En 2023, 49 meurtres de fermiers blancs ont été recensés, selon AfriForum. À comparer aux 27.621 homicides commis dans le pays sur la période 2023-2024. L’Afrique du Sud souffre certes d’un taux d’homicide élevé, mais la théorie du génocide blanc ne repose sur aucune donnée solide.

Une instrumentalisation politique risquée

Cette séquence illustre une instrumentalisation politique de la question raciale et foncière en Afrique du Sud. Le thème du “génocide blanc” a déjà été utilisé dans les cercles d’extrême droite aux États-Unis et ailleurs, souvent pour nourrir des récits identitaires alarmistes. En Afrique du Sud, la question de la réforme agraire et de la violence rurale reste un sujet sensible, mais ne peut être assimilée à une campagne d’extermination ciblée.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa ne s’est pas exprimé publiquement sur la diffusion de cette vidéo, mais son entourage a qualifié l’épisode d’“inélégant” et “inapproprié”.