🇺🇦 Ukraine: la ville de Slavoutich se prépare face la crainte d’une invasion russe
La Russie mène des manœuvres militaires depuis le 10 février en Biélorussie. Elles doivent prendre fin ce dimanche. En attendant que les militaires russes quittent la zone, comme les autorités biélorusses l’ont promis, de l’autre côté de la frontière, les Ukrainiens sont inquiets. C’est le cas à Slavoutich, une ville située à 12 km de la Biélorussie.
Érigée au milieu d’une forêt, Slavoutich, la dernière ville construite du temps de l’Union soviétique, se retrouve aujourd’hui en première ligne.
Construite après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986 pour y reloger les habitants évacués de la zone d’exclusion contaminée, la cité continue de se préparer au pire, tout en gardant son sang-froid.
Timour Gismatoulin est le responsable du centre de la jeunesse de Slavoutich. « Le risque d’une agression, dit-il, il a toujours existé, on a toujours vécu avec ce danger tout proche. C’est juste qu’avant, on y faisait moins attention et que maintenant, tout le monde s’y intéresse. »
« L’an dernier, on s’est retrouvé dans une situation similaire, lorsqu’il y a eu des manœuvres entre les Russes et les Biélorusses, mais c’était beaucoup plus calme », raconte Timour, dans le local qui sert de salle de réunion pour la jeunesse locale, une pièce haute de plafond, avec des murs en pierre ocre et des vitraux futuristes soviétiques aux fenêtres.
Slavoutich en plein préparatif
« Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a une escalade et le renseignement nous dit qu’il y a des préparatifs pour une attaque. Mais il y a des différences entre ce que racontent nos services de renseignement et ce que disent les renseignements étrangers. Les médias occidentaux disent qu’ils vont attaquer tel jour, alors que nos services disent que non, il n’y aura pas d’attaque parce qu’ils ne sont pas assez nombreux pour pouvoir s’emparer du territoire », dit le jeune homme qui s’apprête à s’inscrire comme volontaire au sein de la force de défense territoriale de Tchernihiv, une réserve destinée à appuyer l’armée régulière en cas d’invasion russe.
Slavoutich se prépare à toute éventualité. L’urgence sera de fournir le strict nécessaire, de l’eau et de l’électricité à la population. La centrale de production de chaleur, qui fonctionne au gaz, a trois jours de réserves, affirme le maire de la ville. Construite après la catastrophe de Tchernobyl, elle dispose d’abris contre les attaques chimiques et les radiations, mais ceux-ci ne seraient pas d’un grand secours en cas de bombardements, reconnaît l’élu local, Iouri Fomitchev.
Les autorités locales élaborent aussi un plan alternatif pour continuer à acheminer les quelque 2 000 travailleurs de la centrale, si les relations avec le pays voisin venaient à se détériorer. Aujourd’hui, le train spécial qui emmène quotidiennement un millier d’employés de Slavoutich à Tchernobyl passe par le territoire biélorusse.
Crainte d’un nouveau déracinement
Mais pour Iouri Fomitchev, le plus délicat à gérer, ce ne sont pas les questions logistiques :
Le plus délicat, c’est d’éviter de tomber dans l’hystérie collective, comme le voudrait la partie adverse en massant des troupes le long de nos frontières. La plupart des habitants sont arrivés de Prypiat, près la centrale nucléaire : ils ont été évacués après l’accident. Et aujourd’hui, ils s’inquiètent à nouveau de savoir s’ils vont être évacués. D’un côté, nous devons nous préparer le mieux possible, mais nous ne devons pas faire en sorte que la militarisation devienne la norme dans nos vies
Tatiana Kuznetsova avait quatre ans lorsque le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé. Comme les quelque 20 000 habitants de Pripyat, la ville des employés de la centrale, elle a été évacuée avec sa famille. Direction Kiev, puis Poltava, chez la grand-mère et enfin la Moldavie, que Tatiana a ensuite été contrainte de quitter, à la chute de l’URSS.
Le spectre d’un nouveau conflit réveille en elle les mauvais souvenirs de ces déracinements : « Ces derniers jours, confie-t-elle, j’ai passé en revue dans ma tête divers scenarios. Mais que faire ? On ne peut pas fuir son destin. Advienne que pourra. En plus, j’ai enterré mes parents l’an dernier et je ne peux pas prendre leurs tombes avec moi. »
Alexandra Bondarenko a quitté Donetsk avec son bébé de deux mois, lorsque la guerre y a éclaté en 2014. Elle a refait sa vie à Slavoutich, mais n’hésitera pas à repartir et en reconstruire une nouvelle ailleurs, si nécessaire.
Je l’ai déjà vécu une fois, ça ne m’a pas tuée. Je pense que je suis prête, intérieurement, à prendre la décision de partir s’il le fallait. Mais mes amis ici rendent l’ambiance très lourde, ils sont très inquiets et ils m’appellent pour me demander de conseils parce que j’ai déjà vécu ça
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