🇺🇦🇷🇺 Le début de la fin pour l’invasion russe? “La Russie cherche une porte de sortie”

🇺🇦🇷🇺 Le début de la fin pour l’invasion russe? “La Russie cherche une porte de sortie”

La fin de la guerre en Ukraine est-elle en vue? Les demandes que le président russe Vladimir Poutine a mises sur la table pour mettre fin au conflit semblent finalement limitées. En outre, pour la première fois, des négociations ont lieu à un niveau diplomatique élevé aujourd’hui. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères rencontrera son homologue russe en Turquie. Cela ne signifie pas que les combats s’arrêteront demain, “mais, il se pourrait que la fin du jeu soit programmée”, déclare l’expert en défense Sven Biscop dans une interview accordée à nos confrères d’Het Laatste Nieuws.

Nous ne pouvons évidemment pas pénétrer dans l’esprit de Vladimir Poutine, mais il semble qu’il ne veuille plus s’emparer de toute l’Ukraine. Ses exigences ont été réduites. Où veut-il en venir?

Le professeur de politique internationale Sven Biscop (Université de Gand & Institut Egmont): “Le Kremlin exige que la Crimée soit reconnue comme territoire russe et que l’Ukraine accepte l’indépendance des républiques populaires de Donetsk et de Luhansk. Mais ce n’est rien de plus que le ciment juridique d’une situation de fait. Si ce sont les exigences de la Russie, elles ne sont pas si importantes. La Russie a déjà annexé la Crimée en 2014. Et l’indépendance de Luhansk et Donetsk, deux morceaux de la région de Donbas, a été déclarée la même année. Les rebelles, soutenus par Moscou, y sont depuis lors au pouvoir. En bref, si ces demandes sont satisfaites, Poutine n’obtiendra pas beaucoup plus que ce qu’il avait déjà.”

“En outre, Poutine demande à l’Ukraine de renoncer à son désir de rejoindre l’OTAN. Mais elle ne pourrait pas devenir membre de toute façon, précisément parce que la Russie contrôle une partie du territoire. C’était joué depuis le début, le président russe le savait très bien.”

Il semblerait que la Russie cherche une porte de sortie. Le pays est frustré que l’avancée de son armée ne se déroule pas aussi bien que prévu. Les Russes ont également mal géré les gigan­tesques sanctions économi­ques.Professeur Sven Biscop

Le paquet d’exigences des Russes stipule également que l’Ukraine doit se démilitariser complètement. N’est-ce pas un peu trop demander?

“Cela signifierait que l’Ukraine ne devrait plus avoir d’armée. Mais en réalité, il se pourrait que la Russie ait ajouté cette exigence afin de pouvoir la laisser tomber ensuite au cours des négociations.”

D’abord, Poutine envahit l’Ukraine de toutes ses forces, puis il ne met sur la table que quelques demandes minimales. Pourquoi?

“Il semble que la Russie cherche une porte de sortie. Elle est frustrée parce que l’avancée de son armée ne se déroule pas aussi bien que prévu. Les Russes ont également mal géré les gigantesques sanctions économiques. En outre, ils avaient espéré recevoir un soutien plus important de la Chine et ce n’est pas le cas actuellement. Le Kremlin se rend progressivement compte que cette guerre ne peut pas durer trop longtemps, certainement pas pour l’économie russe.

Aujourd’hui jeudi, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, entamera des pourparlers avec son homologue russe, Sergei Lavrov, à Antalya, en Turquie. Peut-on attendre quelque chose de ces discussions?

“Pour que les négociations aboutissent, il fallait qu’elles soient portées à un niveau plus élevé que ce qui a été le cas jusqu’à présent. Les Russes et les Ukrainiens ont déjà eu des pourparlers, mais cette fois, les discussions se déroulent au niveau des ministres des Affaires étrangères. C’est quelque chose de complètement différent.”

“Il y a une chance que les Ukrainiens se plient aux souhaits de la Russie pour éviter le pire. Ils savent qu’ils peuvent maintenir leur résistance pendant un certain temps, mais pas éternellement. Ils se rendent également compte qu’ils devront en payer le prix. Il se pourrait que la fin du jeu soit programmée”

Sven Biscop. © Aurélie Geurts

Devons-nous considérer le ministre russe des Affaires étrangères comme un négociateur sérieux?

“Il est vrai que Lavrov est plutôt un exécutant et non quelqu’un qui aide à déterminer la politique. Mais le fait qu’il parte négocier pour la Russie en Turquie signifie qu’il a un mandat de Poutine pour le faire. Il est le ministre des Affaires étrangères. C’est ce niveau que nous devons avoir pour rendre possible une solution diplomatique. Il est difficile de prévoir si cela fonctionnera. Mais il y a une réelle chance que cela réussise. Cela ne se fera pas après la première réunion de jeudi. Cela nécessitera plusieurs rounds de négociations. Il se peut aussi que les discussions s’interrompent à un moment donné, qu’elles restent en veille pendant un certain temps, puis qu’elles reprennent.” 

À moyen et long terme, l’Europe fera tout ce qui est en son pouvoir pour attirer l’Ukraine sur le plan économique et politique. Cela ne doit pas nécessaire­ment être direct, mais peut aussi se faire par des détours, comme l’aide à la reconstruc­ti­on du pays.Sven Biscop

Si les Ukrainiens répondent à la plupart des demandes de Poutine au cours des négociations et que celui-ci s’en satisfait, cela ne signifiera-t-il pas une énorme défaite pour le président russe?

“Supposons que l’Ukraine renonce formellement à la Crimée et à une partie de la région de Donbas, si cela s’arrête là, alors Poutine a objectivement échoué dans son objectif. Le fait qu’il ait déclenché une guerre aussi importante indique qu’il avait des ambitions bien plus grandes que celles qu’il a pu réaliser. Mais chez lui, il pourra vendre ses réalisations à l’opinion publique. Il n’aura aucun mal à présenter ce qu’il a réalisé en Crimée et dans les deux républiques populaires de Donetsk et de Louhansk – trois régions où vivent principalement des Russes et des russophones – comme une belle victoire.”

Si la Crimée et les deux républiques populaires cessent aussi officiellement de faire partie de l’Ukraine, le reste du pays se rapprochera-t-il de l’Union européenne ?

“Le reste de l’Ukraine sera encore plus orienté vers l’ouest qu’il ne l’est aujourd’hui. Il existe déjà un accord commercial de grande envergure entre l’Union européenne et l’Ukraine, mais les liens avec l’UE seront plus étroits. À moyen et long terme, l’Europe fera tout son possible pour attirer l’Ukraine sur le plan économique et politique. Cela ne doit pas forcément être direct, mais peut aussi passer par des détours, comme l’aide à la reconstruction du pays.”

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