🇺🇦🇷🇺 Bientôt la fin de la guerre en Ukraine? Voici à quoi pourrait ressembler l’accord de paix
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Trois ans presque jour pour jour après le début de la guerre en Ukraine, à quel point est-on proche d’un accord de paix? Donald Trump a enfilé, comme prévu, le costume de médiateur et s’attend à une fumée blanche sous peu. À raison? Comment parvenir à un accord durable? On fait le point avec l’experte de la Russie Ria Laenen (KU Leuven) et l’ancien colonel Roger Housen.
“Pour un accord de paix, il faut que les deux parties soient prêtes à accepter un cessez-le-feu. Une question s’impose: existe-t-il une volonté du côté russe d’arrêter les combats? Au vu de la situation actuelle sur le champ de bataille, on peut dire que cela marche toujours pour Poutine”, explique l’ancien colonel Roger Housen. “Même si elle subit de très lourdes pertes, l’armée russe gagne chaque jour quelques kilomètres carrés. Je doute que Poutine veuille vraiment arrêter les combats.”
“Ce n’est pas parce que les armes se taisent que la paix est effective. La grande crainte est que la Russie utilise le cessez-le-feu comme un répit et qu’elle revienne à la charge”, corrobore Ria Laenen, experte régionale sur la Russie et l’Eurasie.
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L’Ukraine perdra des territoires au profit de la Russie
Dans un accord de paix, l’Ukraine perdra des territoires au profit de la Russie. “Je pense que le front tel qu’il se présente actuellement sera gelé et que l’Ukraine perdra ces territoires. La superficie totale concernée est de 106. 000 kilomètres carrés (3,5 fois la superficie de la Belgique, ndlr), soit environ 19,5 % du territoire total de l’Ukraine”, explique Roger Housen. “Il ne fait aucun doute que l’Ukraine perdra la Crimée et peut-être aussi le Donbas. La Crimée était déjà historiquement russe et dans le Donbas, le russe est la langue principale et de nombreuses familles russes y vivent.”
L’ancien colonel a une idée de ce à quoi pourrait ressembler un accord de paix. “Les Américains veulent non seulement que la guerre cesse, mais aussi que l’expansion russe s’arrête. Je pense que ce seront les deux éléments centraux de l’accord entre Moscou et Washington”, commente-t-il. “Il y aura des garanties de sécurité qui obligeront Poutine à mettre un terme à ses ambitions dans d’autres régions. Une autre partie de l’accord portera sur le contrôle des armements, étant donné que le traité START II (NDLR: un accord de 1993 entre les États-Unis et la Russie sur la réduction des armes stratégiques) expire en février de l’année prochaine.”
Quels sont les avantages d’un accord pour l’Ukraine? En octobre dernier, M. Zelensky a présenté ce qu’il a appelé son “plan de victoire”, rappelle Ria Laenen. “Pour lui, l’adhésion à l’OTAN était une condition essentielle, mais le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, qui s’est rendu à Bruxelles mercredi, n’a pas accordé beaucoup d’importance à cette question. De plus, il n’y a pas de consensus parmi les États membres de l’OTAN pour permettre à l’Ukraine d’adhérer à l’organisation.”
“L’Ukraine considère l’adhésion comme l’ultime garantie de sécurité, en raison de l’article 5 (NDLR: qui stipule qu’une attaque contre l’un des pays est considérée comme une attaque contre tous). Si un accord est conclu et que l’Ukraine n’est pas autorisée à adhérer à l’OTAN, des troupes terrestres seront envoyées pour garantir la mise en œuvre de cet accord. Mais qui va envoyer ces troupes et quels sont les risques si elles sont ensuite attaquées?”
Des garanties de sécurité solides
“Je ne vois pas les choses de manière aussi pessimiste”, reprend Roger Housen. “M. Hegseth a également déclaré que l’Ukraine avait besoin de solides garanties de sécurité. Cela signifie essentiellement que Washington estime que l’Ukraine doit rester un pays libre, souverain et indépendant et qu’il doit y avoir des garanties que la Russie ne recourra plus jamais au même type d’agression.”
“Ce qu’il n’a pas dit est tout aussi important. Il n’a pas dit que les Américains allaient cesser de fournir un soutien logistique, ni que la collecte et l’échange de renseignements allaient cesser, etc. Les Américains veilleront à ce que la force de maintien de la paix – dans laquelle les Français, les Britanniques, les Finlandais, les Danois et les États baltes veulent s’engager – puisse compter sur un soutien.”
“Un tel cessez-le-feu ne garantit rien du tout”, souligne M. Laenen. “Il y a exactement trois ans, la Russie niait catégoriquement avoir l’intention d’envahir l’Ukraine, alors que le reste du monde pouvait voir sur des images satellites comment Moscou renforçait ses troupes à la frontière. C’est dire si l’on est coincé avec un partenaire de négociation dont on ne connaît pas les prochaines actions. Cela inquiète l’Ukraine, mais aussi d’autres pays qui ne sont pas membres de l’OTAN, comme la Moldavie. (…) La guerre dite hybride menée par la Russie implique d’autres menaces (cyber-attaques, propagande, pressions économiques, etc.) qui ne prendront certainement pas fin avec un cessez-le-feu en Ukraine.”
Pourtant, Ria Laenen pense qu’un accord sera trouvé assez rapidement. “Il semble que Trump veuille aller très loin dans cette affaire et laisser ensuite l’Europe se débrouiller toute seule”, assure-t-elle. “Trump dira alors qu’il a apporté la paix et rempli sa promesse électorale, et soulignera que moins de ressources doivent aller à l’Europe. C’est ainsi qu’il vendra cet accord au niveau national.”
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