🇹🇷 Négociations chaotiques à Istanbul : “Il n’y a pas de vainqueur, sauf peut-être Trump”

Les premières discussions entre représentants russes et ukrainiens ont débuté jeudi à Istanbul dans un climat tendu. Ni Vladimir Poutine ni Volodymyr Zelensky n’ont fait le déplacement, mais certains observateurs y voient tout de même une avancée majeure.
Un face-à-face par délégations interposées
Les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine ont timidement repris jeudi à Istanbul, sans la présence des présidents Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky. Tous deux ont préféré déléguer la tâche à des représentants de second rang : vice-ministres, conseillers et diplomates. Une configuration que certains jugent décevante, mais qui correspond en réalité aux usages diplomatiques classiques.
Pour Roger Housen, ancien colonel et expert militaire, l’absence des dirigeants n’est pas un signe d’échec. “Pour la première fois depuis mars 2022, les deux parties sont à nouveau prêtes à dialoguer. C’est loin d’être un fiasco, c’est même une véritable avancée”, estime-t-il. Il rappelle que les grandes négociations de paix commencent toujours ainsi, avec des éclaireurs chargés d’établir les bases et de sonder les possibilités d’accord.
Leçons tirées de l’ex-Yougoslavie
Fort de son expérience dans les Balkans dans les années 1990, Roger Housen rappelle que réunir les dirigeants serbe, croate et bosniaque avait nécessité des mois de travail. “Le terrain doit d’abord être préparé par des émissaires avant que les chefs d’État ne s’engagent personnellement.” Il juge donc irréaliste d’avoir attendu une rencontre directe entre Poutine et Zelensky dès ce premier rendez-vous.
La stratégie de Zelensky, qui avait publiquement défié son homologue russe de venir à Istanbul, est jugée maladroite. “Poutine ne se laissera jamais dicter son agenda par un dirigeant qu’il considère comme illégitime”, estime Housen.
L’ombre de Trump plane sur Istanbul
La reprise du dialogue est, selon plusieurs analystes, largement attribuée à la pression exercée par Donald Trump. L’ancien président américain a récemment renforcé son implication diplomatique dans le dossier ukrainien, au point de réussir là où l’Europe a échoué depuis trois ans : ramener Russes et Ukrainiens à la table des négociations.
“Trump peut s’en attribuer le mérite. Mais il y a un risque qu’il surestime son influence. Poutine poursuivra avant tout ses propres intérêts, sans jamais se plier à la volonté d’un dirigeant américain, même allié.”
Vers un cessez-le-feu sous conditions
Zelensky a donné un mandat de cessez-le-feu à sa délégation, un geste interprété comme une volonté de calmer le front et d’ouvrir la voie à une force d’interposition internationale. Ce type d’arrêt des hostilités, même temporaire, pourrait servir à sécuriser certaines zones et garantir un minimum de stabilité à l’Ukraine, tout en faisant bonne figure auprès de Washington.
Du côté russe, l’objectif est clair : obtenir par la diplomatie ce que l’armée n’a pas pu conquérir, notamment en sapant la cohésion occidentale. “Poutine fera juste assez pour empêcher Trump de se désengager ou les Européens de réagir plus fermement”, analyse Housen.
Avantage stratégique à Moscou
Malgré les difficultés économiques, la Russie conserve un net avantage militaire et géopolitique, selon Housen. “Elle dicte toujours le rythme sur le champ de bataille et bénéficie à nouveau d’un soutien international visible, notamment avec la visite du président chinois Xi Jinping et de 28 autres chefs d’État.”
En face, l’Ukraine reste dépendante de l’aide occidentale, tant sur le plan militaire qu’économique. “Le temps joue en faveur de la Russie, pas de l’Ukraine”, conclut Housen, estimant que le conflit pourrait encore se prolonger de nombreux mois, entre pourparlers avortés, nouvelles exigences et retours à la case départ.
Une chose est sûre : malgré le chaos apparent, un canal de dialogue vient d’être rouvert, et cela, en soi, est déjà un événement majeur.