🇹🇳 Présidentielle en Tunisie : Kais Saied donné vainqueur à plus de 89%
Le taux de participation lors du scrutin s’est établi à 27,7%, contre 45% au premier tour de l’élection de 2019.
Le président sortant Kais Saied est donné vainqueur avec plus de 89% des voix lors de l’élection présidentielle qui s’est déroulée dimanche en Tunisie, selon un sondage de sortie des urnes diffusé par la télévision nationale Wataniya. Kais Saied, 66 ans, a largement battu, selon ce sondage réalisé par l’institut Sigma Conseil, l’industriel libéral Ayachi Zammel qui n’a obtenu que 6,9% des voix, et l’ancien député de la gauche panarabe, Zouhair Maghzaoui, dernier avec 3,9% des suffrages. Pour rappel, le chef d’État sortant Kais Saied, accusé de «dérive autoritaire», était considéré comme favori dans ce scrutin.
Le taux de participation lors du scrutin s’est établi à 27,7%, a annoncé l’autorité électorale Isie, contre 45% au premier tour de l’élection de 2019. Le président de l’Isie, Farouk Bouasker, a jugé ce «taux respectable» alors qu’il s’agit de la participation la plus faible pour un premier tour de scrutin présidentiel depuis l’avènement de la démocratie en 2011 dans le pays berceau des Printemps arabes.
Les 9,7 millions d’électeurs (sur 12 millions d’habitants) étaient attendus dans plus de 5000 bureaux ouverts de 8 heures à 18 heures, avec des résultats prévus «au plus tard mercredi», selon l’autorité électorale Isie. Le président de cette Instance supérieure indépendante pour les élections, Farouk Bouasker, avait annoncé à mi-journée un taux de participation de 14,2% à 14 heures.
Le «moins pire»
Dans le berceau des révoltes pro-démocratie du Printemps arabe en 2011, seuls deux candidats – considérés comme des seconds couteaux par les experts – avaient été autorisés à affronter Kais Saied, 66 ans, sur initialement 17 postulants, écartés pour des irrégularités présumées.
Le président sortant affrontait donc Zouhair Maghzaoui, 59 ans, un ex-député de la gauche panarabiste, et Ayachi Zammel, 47 ans, un industriel libéral inconnu du grand public, qui n’a pas pu faire campagne car il est emprisonné depuis début septembre et sous le coup de trois condamnations à plus de 14 ans de prison pour des soupçons de faux parrainages. En votant dans le centre-ville, Hosni Abidi, 40 ans, disait craindre une manipulation des urnes : «Je ne veux pas qu’on choisisse à ma place, je veux cocher moi-même la case de mon candidat».
Porteur d’un projet de gauche souverainiste similaire au président Saied et considéré comme «un faire-valoir», Zouhair Maghzaoui avait appelé les Tunisiens «à voter en masse» pour que «la Tunisie soit gagnante», en déposant son bulletin tout sourire sous les flashs des photographes.
Le président «a verrouillé le scrutin», affirmait l’expert de l’International Crisis Group, Michaël Ayari, avant le résultat du scrutin. La sélection même des candidats a été contestée pour le nombre élevé de parrainages exigé, l’emprisonnement de candidats potentiels connus, et l’éviction par l’Isie des rivaux les plus solides du président.
Kais Saied, élu en 2019 à près de 73% des voix (et 58% de participation), était encore populaire quand il s’est emparé des pleins pouvoirs à l’été 2021, promettant l’ordre face à l’instabilité politique. Trois ans plus tard, beaucoup de Tunisiens lui reprochent d’avoir consacré trop d’énergie à régler ses comptes avec ses opposants, en particulier le parti islamo-conservateur Ennahdha, dominant sur la décennie de démocratie ayant suivi le renversement du dictateur Ben Ali en 2011.
Depuis 2021, les ONG tunisiennes et étrangères et l’opposition dont les figures de proue ont été arrêtées, dénoncent une «dérive autoritaire» de Kais Saied, via un démantèlement des contrepouvoirs et un étouffement de la société civile avec des arrestations de syndicalistes, militants, avocats et chroniqueurs politiques. Selon Human Rights Watch, «plus de 170 personnes sont actuellement détenues pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits fondamentaux».
Le président Saied jouit encore «d’un soutien non négligeable dans les classes populaires», selon Michaël Ayari, mais il est «critiqué pour son incapacité à sortir le pays d’une profonde crise économique». Avant le vote, Saied a promis une «traversée… vers une nouvelle Tunisie» dans les cinq ans à venir, après un premier mandat consacré à lutter «contre les forces du complot sous influences étrangères» ayant «infiltré de nombreux services publics et perturbé des centaines de projets».
Le Figaro