🇷🇺 Moscou déploie le “Skyfall”: qu’est-ce qui rend ce nouveau missile nucléaire si terrifiant?
Un missile nucléaire ultramoderne qui, grâce à un miniréacteur nucléaire, peut atteindre n’importe quelle cible et contre lequel l’ennemi n’a aucune parade: selon deux experts américains, la Russie a commencé la construction de bases de lancement pour le Bourevestnik, ou “le pétrel” en français, du nom d’un oiseau de mer. Pour l’OTAN, c’est le SSC-X-9 Skyfall, et il représente une nouvelle étape dans la course aux armements, grâce à sa portée et à son mode de propulsion.
D’après l’agence de presse Reuters, des images satellites montrent que la Russie est en train de construire neuf plateformes de lancement à Vologda, à environ 475 km au nord de Moscou. Celles-ci seraient destinées à des missiles de croisière et potentiellement au tout nouveau Bourevestnik. “Cette nouvelle arme a été annoncée par Vladimir Poutine dès 2018 lors de son discours devant l’Assemblée fédérale de Russie”, rappelle Tom Sauer, professeur de politique internationale à l’Université d’Anvers.
“Il s’agit d’un missile de croisière dont la particularité est d’être propulsé par l’énergie nucléaire. Aucun autre pays ne possède cette technologie. L’avantage, c’est que la portée est beaucoup plus grande (jusqu’à 22.500 km, ndlr) que celle des missiles de croisière ordinaires. Il peut donc frapper n’importe où dans le monde. Il peut tant être équipé d’une charge conventionnelle que d’une charge nucléaire, bien que cela ne soit pas une vraie nouveauté.”
Contourner tous les systèmes antimissiles
Vladimir Poutine assure que le Bourevestnik peut contourner tout bouclier antimissile — le projectile volerait à cinq fois la vitesse du son, et pourrait esquiver des projectiles en plein vol — ce qui rendrait les ennemis de la Russie totalement impuissants face à cette nouvelle technologie. “Pour Poutine, c’est la réponse de la Russie au retrait des États-Unis en 2002 du traité ABM, qui a permis à Washington d’installer davantage de systèmes antimissiles que ce qui avait été initialement convenu”, contextualise Tom Sauer. “En réponse, la Russie a lancé de nouveaux programmes pour contourner ces systèmes américains. Une précision toutefois: même les missiles intercontinentaux nucléaires, qui existent depuis les années 1960, ne peuvent en réalité pas être arrêtés par les systèmes antimissiles actuels.”
Pour Poutine, c’est la réponse de la Russie au retrait des États-Unis en 2002 du traité ABM, qui a permis à Washington d’installer davantage de systèmes antimissilesTom Sauer, Université d’Anvers
11 tests, seulement 2 réussis
De quoi détruire New York à coup sûr? C’est loin d’être une certitude, nuance le “Nuclear Threat Initiative” – une organisation américaine qui œuvre pour prévenir l’usage des armes de destruction massive, mais aussi les accidents – la Russie aurait réalisé au moins treize tests du Skyfall entre 2017 et 2019. Seuls deux auraient partiellement réussi, tandis que tous autres se seraient soldés par des échecs.
Le 8 août 2019, cinq employés de l’agence nucléaire russe Rosatom ont perdu la vie lors d’une explosion en mer Blanche, près de la ville septentrionale de Severodvinsk. Un moteur de fusée a explosé et, bien que les autorités russes aient d’abord affirmé qu’aucune radiation n’avait été libérée, un niveau radioactif 16 fois supérieur à la normale a été détecté. Un village à proximité a même dû être évacué. “Pour la Russie, il ne s’agit pas seulement d’une question de sécurité, mais aussi de pouvoir et de prestige”, rappelle Tom Sauer.
“En Russie, il y a toujours une différence entre ce qu’ils nous disent et ce qu’ils font vraiment”, contextualise Joris Van Bladel, spécialiste de la Russie à l’Institut Egmont. “D’un côté, cette nouvelle arme nucléaire est d’une grande importance dans la rivalité mondiale entre les grandes puissances. C’est le seul domaine où la Russie peut jouer un rôle sur la scène internationale. Si elle veut se maintenir dans la course face à l’OTAN, c’est par le biais des armes nucléaires.”
Tout aussi important est l’aspect de la communication. En Russie, on est très conscient que la rhétorique nucléaire – la “peur de la bombe” – a un impact sur l’opinion publique des pays occidentaux. “À Moscou, ils savent que les analystes occidentaux observent cela de près ; dans ce sens, c’est une forme de propagande indirecte”, ajoute le chercheur. Je n’aime pas parler de Seconde Guerre froide, car dans l’esprit des dirigeants russes actuels, elle n’a en réalité jamais pris fin.”
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