🇷🇺 “Les Russes n’ont rien vu venir”: l’armée ukrainienne traverse la frontière dans une opération d’ampleur inédite, quel impact sur le conflit?

🇷🇺 “Les Russes n’ont rien vu venir”: l’armée ukrainienne traverse la frontière dans une opération d’ampleur inédite, quel impact sur le conflit?

Mauvaise surprise pour les Russes, cette semaine: l’armée ukrainienne a traversé la frontière et a pénétré profondément dans la région de Koursk. Une attaque que le Kremlin estime à un millier de soldats, et qui a pris Poutine de court. De même que l’ancien commandant néerlandais Mart De Kruif, qui a qualifié cette attaque de “sensationnelle ; on peut comparer cette contre-attaque à celle d’un match de football.”

Le président russe Vladimir Poutine a sans doute explosé de colère en apprenant que l’armée ukrainienne était passée à l’attaque, et qu’elle avait pénétré profondément dans son pays. Il s’agit d’une opération relativement petite, de type “hit and run”, mais tout de même. Depuis les forces de Napoléon et d’Hitler, aucun autre armée régulière n’avait franchi les frontières de la Russie. Et en plus cela s’est produit dans la région de Koursk, autour de la ville de Soudja, ce qui n’est pas dénué de valeur symbolique. Car c’est là qu’à l’été 1943 s’est déroulée la plus grande bataille de chars de l’histoire. Une grande victoire de l’Union soviétique sur les armées de l’Allemagne nazie, qui marquait le premier pas vers une offensive générale sur le front de l’Est qui a mené les Russes jusqu’à Berlin.

“Une terre sacrée, donc, pour les Russes. En ce sens, l’action des Ukrainiens est assez sensationnelle”, résume Mart De Kruif, ancien commandant des forces terrestres néerlandaises. Selon le think tank américain Institute for the Study of War (ISW), les Ukrainiens ont avancé d’au moins 10 km depuis ce mardi.

Le ministère russe de la Défense a publié cette image d’une attaque de drone russe contre des chars ukrainiens entrés dans la région de Koursk. © AFP

Il est très probable qu’ils aient franchi deux lignes de défense consécutives. Près de trois mille habitants ont dû être évacués en urgence, et des images nous parviennent qui montrent des soldats russes qui se rendent.

Des renforts russes pris en embuscade

Ce millier d’Ukrainiens est accompagné de chars, de véhicules blindés, de drones et d’artillerie. La Russie prend cette incursion au sérieux: des renforts semblent en route vers Koursk, où l’état d’urgence a été proclamé. Mais ce vendredi matin, des images sont apparues, vraisemblablement filmées par des civils russes, montrant des colonnes de camions détruits. Ils ont apparemment été pris en embuscade par des avant-gardes ukrainiennes. De nombreux cadavres de soldats, dispersés le long des routes, étaient évacués par des troupes russes arrivées par après.

Poutine a convoqué une réunion d’urgence avec son conseil de sécurité et a qualifié l’opération de “grande provocation”. Selon les Russes, il y aurait eu au moins cinq victimes civiles dans des frappes, mais c’est invérifiable. Les analystes militaires estiment que l’objectif principal de cette opération serait de perturber les flux logistiques des troupes russes qui combattent plus au sud, dans le Donbass.

Une armée capable de surprendre

L’Ukraine, de son côté, ne commente pas l’opération. Ce n’est que ce jeudi que le président Volodymyr Zelensky a paru y faire allusion dans un discours. “Tout le monde peut voir que l’armée ukrainienne est capable de surprendre et d’obtenir des résultats”, a-t-il lâché, lors de la présentation d’une nouvelle application destinée à alléger les formalités administratives de l’armée.

Ce n’est pas la première fois que ses soldats franchissent la frontière russe, mais lors des attaques précédentes, il s’agissait de milices russes combattant du côté ukrainien. Elles s’étaient en outre contentées de raids sans lendemain. Cette fois, ce sont des unités régulières de l’armée ukrainienne qui sont impliquées, dans une opération bien plus ambitieuse.

Des soldats russes attaquent des chars ukrainiens dans la région de Koursk. © Anadolu via Getty Images

Pour De Kruif, cette opération semble très bien préparée. “Les Russes ne s’y attendaient pas. La région de Koursk est utilisée pour approvisionner le front nord-est. L’armée russe a lancé une nouvelle offensive dans cette zone frontalière au printemps dernier. Au départ, cela s’est très bien déroulé, mais après quelques semaines, l’offensive a été stoppée, et l’Ukraine a même réussi à repousser légèrement les Russes. Ce qui, d’un point de vue stratégique, avait peu d’utilité ; les Russes attaquaient principalement pour détourner l’attention de l’armée ukrainienne du principal champ de bataille pour les Russes : le Donbass.”

Alors qu’elles perdent du terrain dans le Donbass, une opération aussi médiatisée à Koursk remonte­rait le moral des troupes ukrainien­nes. Cela démontre qu’ils peuvent surprendre les Russes

Mart de Kruif

Les Ukrainiens utilisent maintenant plus ou moins la même tactique, avance De Kruif: “Les Russes mettent la pression sur la ligne de front dans le Donbass (les provinces orientales de Donetsk et Louhansk, NDLR), et l’armée ukrainienne y souffre. Or les ressources sont limitées, et les Ukrainiens doivent réfléchir soigneusement à ce à quoi ils vont les consacrer. L’attaque à Koursk montre que les Russes n’étaient pas militairement forts là-bas, et les voilà obligés de déplacer des troupes qu’ils préfèreraient employer dans le Donbass.”

Un coup de pouce au moral des troupes

Mais à long terme, selon l’ancien commandant, les Ukrainiens tireront peu de bénéfices de cette opération, aussi spectaculaire soit-elle. “Sur le plan mental, c’est une autre histoire. Si vous perdez du terrain dans le Donbass, une opération aussi marquante à Koursk est un coup de pouce moral pour les troupes. Les Ukrainiens démontrent qu’ils peuvent surprendre les Russes. De plus, ils ont sans aucun doute beaucoup appris de cette attaque et pourront utiliser cette expérience. Comparez cela au football: les Ukrainiens sont actuellement principalement contraints à la défense, mais il leur reste des options pour contrer.”

Des soldats ukrainiens blessés sont soignés près de la ville de Pokrovsk, dans le Donbass menacé par les Russes. © Anadolu via Getty Images

Toute cette opération s’attire aussi son lot de critiques. Cet effort rend la tâche encore plus difficile ailleurs, pour une armée ukrainienne en sous-effectif. Surtout dans le Donbass, où la bataille pour la ville de Pokrovsk leur coût cher. Selon des analystes militaires, le millier de soldats envoyés de l’autre côté de la frontière aurait pu être mieux utilisé pour défendre cette ville.

Les autorités locales russes affirment que la situation est désormais stable et sous contrôle. Un sous-gouverneur a prétendu, selon les médias russes, que les Ukrainiens avaient été repoussés dans et autour de Soudja, où se trouve également un point de transit pour le gaz.

Le prix du gaz en Europe a considérablement augmenté depuis cette attaque, mais selon la société russe Gazprom, il n’y a pas de problème de livraison. “C’était une opération de type ‘Hit and Run’, je suppose que la plupart des militaires sont déjà rentrés en Ukraine, ou alors, ils seront très vulnérables aux frappes de la force aérienne russe.”

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