🇷🇺 Lentement mais sûrement, les Russes atteignent leurs objectifs

🇷🇺 Lentement mais sûrement, les Russes atteignent leurs objectifs

La ville de Severodonetsk dans le Donbass (est), théâtre de combats féroces entre les armées ukrainienne et russe depuis plusieurs semaines, est désormais “entièrement occupée” par les Russes. La prise de cette ville représente une étape cruciale du plan de bataille russe visant à prendre le contrôle du bassin industriel du Donbas. Lentement mais sûrement, Poutine est en train d’obtenir ce qu’il veut dans cette guerre. 

“Les forces armées ukrainiennes doivent se retirer de Severodonetsk. Un ordre officiel a été donné », a déclaré ce matin sur Telegram le gouverneur de Luhansk, Serguy Galydaj. “Nous ne pouvons plus rester à des positions qui sont constamment bombardées depuis des mois. » Si les forces ukrainiennes ne quittaient pas le territoire au plus vite, elles risquaient fortement d’être encerclées par les troupes russes. Depuis cette annonce, on a appris que les forces russes avaient pris totalement le contrôle de la ville et de l’usine Azot. 

Les Russes s’approchent donc doucement de leur premier grand objectif dans cette guerre, à savoir la prise des deux oblasts du Donbas. Après l’échec de leur tentative de prendre Kiev, les Russes ont adopté une approche d’attaque “classique”: bombardement massif d’artillerie, puis de chars, puis d’infanterie. Comme le Kremlin n’a déployé qu’une force expéditionnaire limitée et non ses moyens les plus modernes, cela s’est fait étape par étape. Quatre mois de bataille, cela semble long. Mais dans une guerre comme celle-ci, où tous les aspects logistiques entrent en jeu, quatre mois, ce n’est presque rien. 

Pour les Ukrainiens, les progrès des Russes sont une très mauvaise nouvelle. Pour eux, battre en retraite signifie abandonner des positions stratégiques établies de longue date. Leur position défensive risque d’être encore plus affaiblie après leur départ de Severodonetsk. De plus, les soldats ukrainiens sont toujours menacés par l’artillerie russe. 

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Severodonetsk © ANP / EPA

Livraisons d’armes

Pendant que la Russie avance, l’Ukraine, elle, continue de demander des armes à l’Occident. Des armes toujours plus nombreuses, toujours plus rapides, toujours plus efficaces, comme les Himars et les lance-roquettes M270. Les États-Unis ont été les premiers à promettre la livraison de ces armes à l’Ukraine, suivis de près par le Royaume-Uni. Ces livraisons s’ajoutent à celles des armes antichars Javelin, des obusiers américains M777 et des canons Caesar français. 

C’est très simple: la résistance ukrainienne dépend de la capacité de l’Occident à livrer ces armes et à les faire parvenir au sol. Mais cela est moins évident qu’il n’y paraît. Par exemple, pour les canons Caesar livrés par la France, les délais sont très longs. Pour fabriquer un seul canon, 18 mois sont nécessaires. L’armée française en possédait 76, 12 ont déjà été livrés en Ukraine, et 6 sont encore en route. Mais cette dernière livraison pourrait être la dernière, car la France ne serait plus en mesure de puiser dans ses propres stocks pour aider l’Ukraine. 

“L’Occident est dans l’impossibilité de répondre à toutes les demandes de Kiev à court terme. Les armées occidentales ne sont pas prêtes à épuiser leurs propres réserves pour armer l’Ukraine”, explique le colonel Roger Housen. 

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Les canons français Caesar. © AFP

Les forces russes “affaiblies”

Il y a également un problème de formation. Travailler avec de nouveaux systèmes d’armes de haute technologie ne s’apprend pas en un jour. Les soldats ukrainiens auraient – selon plusieurs sources – maîtrisé les canons Caesar en “une semaine” ou “un mois”. Certains des obusiers américains M777 ont déjà été endommagés à cause de leur mauvaise utilisation. 

Mais les soldats ukrainiens pourraient désormais avoir un peu plus de temps pour apprendre à maîtriser ces armes. La prise de Severodonetsk a, selon le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War, “sérieusement affaibli” l’armée russe. Si c’est effectivement le cas, les opérations offensives russes ralentiront ou s’arrêteront dans les semaines à venir. Mais l’armée ukrainienne a, elle aussi, subi de lourds dommages. La bataille autour de Severodonetsk a coûté de nombreuses vies: près des 200 soldats ukrainiens sont morts chaque jour. L’Ukraine compte actuellement 140.000 soldats actifs, 250.000 réservistes et 300.000 autres hommes mobilisables.

Pour la Russie, l’argent n’est pas un problème. Au cours des 100 premiers jours de la guerre, 93 milliards de dollars sont entrés dans les caisses russes grâce aux exportations de combustibles fossiles. Cela représente environ deux fois le budget de l’ensemble de l’armée française.

Il semble donc évident qu’après la conquête du Donbas, les Russes lanceront une nouvelle offensive pour atteindre le deuxième grand objectif de Poutine: la prise de la zone s’étalant de Kherson à Odesa, mais aussi de la frontière avec la Transnistrie. Le but? Relier cette zone pro-russe, via les oblasts du sud, à la Russie et couper l’accès à la mer pour l’Ukraine. Mais la bataille s’annonce une fois de plus longue et épuisante pour les deux camps.

Le président russe Vladimir Poutine s’entretient avec le ministre russe de la Défense Sergei Shoigu. © AP

RFI