🇷🇺 “Le plus grand belliciste”: comment la Russie pèse sur plus de la moitié des conflits les plus sanglants du monde

🇷🇺 “Le plus grand belliciste”: comment la Russie pèse sur plus de la moitié des conflits les plus sanglants du monde

La Russie se retire de Syrie, où elle s’est battue pour le dictateur déchu Bachar Al-Assad. Mais ce n’est pas le seul endroit où Moscou a été impliqué dans des guerres au cours de l’année écoulée. Aucun autre pays n’a pris une part aussi importante dans l’effusion de sang mondiale. Où Vladimir Poutine a-t-il stationné des troupes? Où a-t-il transporté des armes? Et quel impact cela a-t-il sur nous, en termes de missiles, mais aussi de réfugiés?

L’armée russe a entamé son intervention en Syrie en 2015. Elle aurait eu jusqu’à plus de 60.000 soldats sur le terrain. La guerre en Ukraine a bien fait diminuer ce nombre, et l’été dernier, ils auraient été 7.500 tout au plus. Maintenant que la dictature qu’ils ont soutenue est tombée, ils ont décidé de plier bagage. Selon l’Institute for the Study of War, ils ont déjà complètement quitté le pays. La Russie négocie toujours le maintien de sa base navale à Tartous. Reste à savoir si elle y parviendra. Des images montrent déjà à quel point les Russes sont détestés sur place.

Groupe Wagner

Tartous est la seule base russe en Méditerranée. Si elle venait à la perdre, elle pourrait se détourner vers la Libye, et plus précisément vers la ville portuaire de Tobrouk, à l’est du pays. Ce pays d’Afrique du Nord est divisé en deux depuis une décennie, le centre et l’est étant contrôlés par Khalifa Haftar. Il s’agit d’un chef d’armée qui a servi sous le dictateur Mouammar Kadhafi. En 2018, des combattants du célèbre groupe Wagner sont apparus à ses côtés et depuis, les Russes occupent désormais plusieurs bases le long de la ligne de front provisoirement gelée. La photo ci-dessous montre Khalifa Haftar avec le vice-ministre russe de la Défense, Yunus-Bek Yevkurov.

Le vice-ministre russe de la DĂ©fense, Iounous-bek Evkourov (Ă  gauche), offre un pistolet au chef de guerre libyen Khalifa Haftar (au centre) lors d’une visite Ă  Benghazi en aoĂ»t 2023. © AFP

La Libye n’est qu’un des autres champs de bataille dans lesquels les Russes sont impliquĂ©s. En Afrique, ils ont Ă©galement des troupes au Soudan, oĂą une nouvelle guerre a Ă©clatĂ© en avril de l’annĂ©e dernière. Deux chefs d’armĂ©e qui collaboraient auparavant s’y affrontent. La Russie a d’abord soutenu le rebelle Mohamed Hamdan Dogolo (surnommĂ© Hemedti), mais elle change lentement de camp au profit du dirigeant Abdel Fattah al-Burhan. En RĂ©publique centrafricaine, confrontĂ©e Ă  une dichotomie similaire, la Russie aide le rĂ©gime Ă  lutter contre les rebelles dirigĂ©s par un ancien prĂ©sident. LĂ  aussi, cette ingĂ©rence a commencĂ© avec les mercenaires de Wagner.

La Russie du président Vladimir Poutine a participé à 14 guerres différentes lors de l’année écoulée. © Montage HLN/7sur7

Perpétuer le terrorisme

Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, les Russes participent Ă  la lutte contre les terroristes d’Al-QaĂŻda et de l’État islamique. Officiellement, en tout cas. Car en rĂ©alitĂ©, Moscou veut surtout s’y dĂ©barrasser de l’influence occidentale. Elle a mĂŞme fomentĂ© des coups d’État pour renverser des rĂ©gimes qui se laissaient aider par la France et les États-Unis. Le fait que la lutte contre le terrorisme ait largement empirĂ© depuis montre que Moscou veut en rĂ©alitĂ© la maintenir cela pour continuer Ă  avoir une excuse pour ĂŞtre prĂ©sent dans ces pays.

La guerre au Myanmar, que la Russie soutient par des armes, a Ă©tĂ© la troisième plus sanglante au monde l’annĂ©e dernière après l’Ukraine et la bande de Gaza.

En Ă‰thiopie, les Russes n’ont pas de troupes, mais soutiennent le rĂ©gime en lui fournissant des armes contre plusieurs groupes rebelles. En Asie, ils le font avec le Myanmar (ex-Birmanie), oĂą le rĂ©gime militaire combat plus de 20 groupes armĂ©s. Avec près de 20.000 morts l’annĂ©e dernière, il s’agit de la troisième guerre la plus sanglante au monde après l’Ukraine et la bande Gaza. Dans le conflit israĂ©lo-palestinien, la Russie n’intervient pas – ou du moins pas directement. Elle entretient des relations diplomatiques avec le groupe terroriste Hamas, dont elle a mĂŞme reçu une dĂ©lĂ©gation Ă  Moscou trois semaines après l’attaque du 7 octobre 2023.

Photo distribuĂ©e par le Hamas de ses reprĂ©sentants Basem Naim (Ă  gauche) et Moussa Abou Marzouk (Ă  droite) lorsqu’ils ont Ă©tĂ© reçus Ă  Moscou par le vice-ministre russe des Affaires Ă©trangères, MikhaĂŻl Bogdanov, le 26 octobre 2023. © Telegram

Attaques en mer Rouge

Pour autant que nous le sachions, la Russie n’apporte pas de soutien effectif au Hamas. Mais il pourrait en ĂŞtre autrement pour le Hezbollah. Moscou a coopĂ©rĂ© avec ce groupe terroriste chiite libanais en Syrie et les rumeurs selon lesquelles elle lui fournit Ă©galement des armes remontent Ă  2016. Les mĂ©dias amĂ©ricains ont fait Ă©tat de projets de fourniture de systèmes antiaĂ©riens Pantsir pas plus tard que l’annĂ©e dernière. Il n’est pas certain que cela se soit concrĂ©tisĂ©. Les rebelles syriens ont toutefois capturĂ© un de ces Pantsir au dĂ©but du mois de dĂ©cembre, alors qu’ils avançaient vers Alep.

Les rebelles syriens soutenus par la Turquie ont capturé un système de défense aérienne Pantsir de fabrication russe, qui appartenait peut-être au groupe terroriste chiite libanais Hezbollah, lors de leur avancée en décembre. © Telegram

Il est toutefois impossible de dire avec certitude Ă  qui appartenait ce système de dĂ©fense aĂ©rienne. Et mĂŞme si la Russie a armĂ© le Hezbollah en Syrie, cela ne suffit pas pour parler d’une implication dans la guerre entre le Hezbollah et IsraĂ«l au Liban. La Russie aurait Ă©galement nĂ©gociĂ© des livraisons d’armes avec les rebelles houthis au YĂ©men. LĂ  encore, il n’est pas certain que ces armes aient Ă©tĂ© livrĂ©es. Mais il est certain que Moscou a aidĂ© les Houthis en leur fournissant les coordonnĂ©es de cibles pour leurs attaques contre les navires dans la mer Rouge.

Peinture murale à Sanaa, la capitale du Yémen, saluant les attaques des Houthis contre les navires. © ANP / EPA

“Force neutre de maintien de la paix”

C’est un secret de Polichinelle que la Russie apporte son soutien Ă  la CorĂ©e du Nord en Ă©change des munitions qu’elle reçoit de ce pays – alors que la guerre avec la CorĂ©e du Sud fait officiellement toujours rage et que les escarmouches Ă  la frontière font encore rĂ©gulièrement des morts. Plus près de nous, la Russie avait jusqu’en juin dernier des soldats dans le Haut-Karabakh, une rĂ©gion disputĂ©e entre l’ArmĂ©nie et l’AzerbaĂŻdjan. Moscou s’est longtemps rangĂ©e du cĂ´tĂ© armĂ©nien, bien que les troupes aient officiellement servi de force neutre de maintien de la paix et n’aient finalement pas empĂŞchĂ© l’AzerbaĂŻdjan de s’emparer de la rĂ©gion.

En comptant les guerres en Ukraine et en Syrie, la Russie a été impliquée dans la mort de 139.575 personnes l’année dernière.

Enfin, une force d’occupation russe souvent oubliĂ©e est celle de la GĂ©orgie. Moscou y a menĂ© une guerre de courte durĂ©e en 2008 et contrĂ´le encore aujourd’hui deux rĂ©gions oĂą les GĂ©orgiens sont minoritaires: l’Abkhazie et l’OssĂ©tie du Sud. Il n’y a pas eu de combats ces dernières annĂ©es, mais avec les troubles qui durent depuis des mois en raison de l’orientation anti-occidentale du gouvernement gĂ©orgien, un nouveau conflit armĂ© avec une ingĂ©rence russe n’est pas Ă  exclure.

© Montage HLN/7sur7

Des matières premières cruciales

En comptant les guerres en Ukraine et en Syrie, la Russie a été impliquée l’année dernière dans 14 des 20 conflits les plus graves avec ingérence étrangère. Elle est ainsi devenue le plus grand belliciste du monde, devant l’Iran et les États-Unis (9 chacun), la Turquie (7) et la Chine (5), et a causé la mort de 139.575 personnes. Si ces guerres se déroulent souvent loin de nous, elles représentent également un danger pour l’Occident. Par exemple, la carte ci-dessous montre la portée des missiles de croisière russes s’ils sont tirés depuis un nouveau bastion situé dans la ville côtière libyenne de Tobrouk.

© Montage HLN/7sur7

Les spécialistes craignent également que la Russie ne profite de sa position en Afrique pour déstabiliser l’Europe avec un nouveau flot de réfugiés, maintenant qu’elle dispose de têtes de pont depuis le sud du Sahara jusqu’à la Méditerranée. Mais la plus grande menace réside peut-être dans l’empressement avec lequel Moscou recourt à la violence pour prendre le contrôle de sites stratégiques, de matières premières cruciales (l’UE a importé 15 % de son uranium du Niger l’année dernière, par exemple) ou de tenter de couper l’herbe sous le pied de l’Occident par d’autres moyens.

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