🇷🇺 La mère du conflit russo-ukrainien: pourquoi la flotte russe en mer Noire est-elle si importante?

🇷🇺 La mère du conflit russo-ukrainien: pourquoi la flotte russe en mer Noire est-elle si importante?

Le commandant de la flotte russe en mer Noire, Viktor Sokolov, est soudainement réapparu dans une photo publiée par le ministère russe de la Défense, mardi. L’Ukraine avait pourtant affirmé l’avoir tué la veille lors d’une frappe en Crimée annexée. Mais pourquoi le militaire est-il une cible si prisée? Pourquoi la flotte russe en mer Noire revêt-elle une telle importance? Et pourquoi avait-elle jeté l’ancre en Crimée bien avant l’annexion de la péninsule par la Russie?

Connaissez-vous la célèbre blague russe qui raconte la mésaventure de trois leaders soviétiques lors d’une panne de train? Lénine, face à ce problème, s’en va consulter les cheminots: cela n’a néanmoins que peu d’impact sur la situation. Staline, quant à lui, abat les travailleurs: une stratégie qui ne fait pas avancer les choses. Brejnev finit par fermer les rideaux et assure que le train roule à vive allure. Le site web “Tchernomorski flot”, nom russe pour la flotte en mer Noire, utilise des procédés d’escamotage relativement similaires. Lorsque l’on tente de consulter les navires qui ont coulé ou ont été endommagés, la liste s’arrête mystérieusement en 1974. Alors que la dernière mise à jour du site date de 2023.

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Le ministère russe de la Défense a publié mardi une image montrant Viktor Sokolov, commandant de la flotte en mer Noire, en train de participer à une visioconférence. © RV

Il se pourrait bien que le commandant Sokolov n’ait toujours pas passé l’arme à gauche, mais la flotte en mer Noire a quant à elle d’ores et déjà subi de lourdes pertes. Deux missiles de croisière ukrainiens Neptune ont gravement endommagé le croiseur lance-missiles Mokva le 13 avril 2022. Deux semaines plus tôt, un sous-marin ainsi qu’un navire de débarquement russes ont sombré, probablement détruits par des missiles britanniques Storm Shadow.

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Pas de grande bataille navale

Il n’y a, à l’heure actuelle, aucune grande bataille navale en vue. Les navires de guerre et les sous-marins jouent pourtant un rôle majeur dans les attaques de missiles sur les terres ukrainiennes aujourd’hui meurtries par le conflit. Les navires de débarquement tels que le Minsk, détruit durant le mois de septembre, devraient voir leur importance s’accroître lorsque l’Ukraine parviendra à couper le pont terrestre reliant le nord et le sud. Il s’agit là d’un des objectifs de la contre-offensive actuellement en cours. Un tel dénouement obligerait les Russes à acheminer une grande partie de leurs chars et autres matériels lourds par la mer.

© RV

La flotte russe en mer Noire a été instituée en 1783 à Sébastopol, en Crimée, par le prince et maréchal Grigori Potemkine, également connu pour avoir conquis une partie de l’Ukraine pour l’Empire russe. Il a fondé plusieurs villes ukrainiennes, certaines rendues aujourd’hui célèbres par la guerre: Kherson, Nikolaïev, Sébastopol et Iekaterinoslav. Un navire portant le nom du prince reste quant à lui célèbre pour la mutinerie qui a eu lieu à son bord en 1905. Une révolte qui aurait posé les premiers jalons de la révolution qui a mené à la naissance de l’Union soviétique.

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Le port de Sébastopol en Crimée en 1905. © Library of Congress

Traîtres

Cette situation a cependant posé un important problème en 1991. Suite à la dislocation de l’URSS, la Russie et l’Ukraine, qui venait de proclamer son indépendance, ont tous deux réclamés leur souveraineté sur la flotte. Kiev a essayé de prendre le contrôle d’une partie de la flotte étant donné que l’essentiel des équipements et des hommes se trouvait sur son territoire. Une tentative qui n’a cependant pas été du goût des officiers restés fidèles à la Russie. Le conflit a engendré la naissance d’un mouvement séparatiste prorusse. Les marins se rangeant du côté ukrainien ont alors été perçus comme des traîtres. En 1995, l’Ukraine et la Russie ont finalement trouvé un accord pour cogérer la flotte: un arrangement qui n’a cependant pas apaisé les tensions.

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© Kremlin.ru

En 1996, le maire de Moscou a lancé une campagne pour annexer Sébastopol. La chambre haute de l’Assemblée fédérale russe a rapidement partagé le point de vue de l’homme d’État russe. L’Ukraine, alertée par les évènements, a alors lancé son premier appel à l’aide à l’Occident, insistant par la même occasion pour qu’une alliance soit faite avec l’Otan. La flotte est finalement divisée en deux: 81,7 % vont à la Russie tandis que l’Ukraine obtient 18,3% de la flotte. La Russie signe quant à elle un bail à long terme pour ses infrastructures en Crimée, payant chaque année un loyer de 97 millions de dollars à l’Ukraine.

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© via REUTERS

Accord

Cet accord a tenu jusqu’en 2017. En 2009, l’ancien président ukrainien Viktor Iouchtchenko avait d’ores et déjà déclaré qu’il ne comptait pas le prolonger, demandant par la même occasion le retrait des troupes russes présentes sur le territoire ukrainien. Une situation anticipée par les Russes, qui avaient déjà trouvé une alternative: le port de Novorossiisk. Moscou avait lancé la construction d’une base marine dès 1997. En 2010, l’Ukraine, contre toute attente, a finalement prolongé l’accord jusqu’en 2042. Une décision qui a suscité l’indignation au sein du pays, puisque la Constitution ukrainienne interdisait les bases militaires étrangères sur son territoire.

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Le navire russe “Minsk”. © via REUTERS

La flotte russe en mer Noire est ainsi perçue comme la mère du conflit russo-ukrainien. Un point litigieux qui semble encore plus difficile à résoudre que le destin d’une grande partie des armes nucléaires de l’URSS qui, après la chute de l’Union soviétique, est restée en Ukraine. Kiev a fini par abandonner son arsenal nucléaire, alors le troisième au monde, après avoir signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 1994.

La flotte a ainsi contribué au renforcement du sentiment anti-russe d’un côté et au renforcement de l’ambition des Russes qui voulaient au moins contrôler la Crimée d’un autre côté. Cela a fini par mener à la révolution de la Dignité en Ukraine en 2014, aboutissant à la destitution par le Parlement du président élu, et également à l’annexion de la Crimée. Et, en fin de compte, à la guerre qui fait aujourd’hui rage en Ukraine.

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