🇷🇺 Ils se rendent compte qu’ils sont de plus en plus seuls”: combien de temps l’Ukraine résistera-t-elle à la Russie?

🇷🇺 Ils se rendent compte qu’ils sont de plus en plus seuls”: combien de temps l’Ukraine résistera-t-elle à la Russie?

Face à la pénurie de systèmes de défense aérienne, l’Ukraine se trouve aujourd’hui dans une bien mauvaise posture. Le président Zelensky est confronté à de multiples questions et préoccupations. Quelle est la prochaine ville qui menace de tomber? Combien de temps l’armée ukrainienne va-t-elle résister à la Russie? Kiev est-elle en danger? Éléments de réponses avec le reporter de guerre Arnaud De Decker, tout juste rentré d’Ukraine, et l’ancien colonel Roger Housen.

“Les Ukrainiens se rendent compte qu’ils sont de plus en plus seuls. Leurs appels à l’Occident n’aboutissent à rien”, explique Arnaud De Decker. Le reporter de guerre vient de rentrer d’un mois de voyage à travers l’Ukraine. Il s’est notamment rendu à Kharkiv, la deuxième ville du pays, qui se trouve à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe et à un peu moins de 100 km du front. Des centaines de milliers de personnes y sont privées d’électricité. “Au cours de l’hiver 2022, la Russie a frappé massivement les infrastructures énergétiques. Aujourd’hui, personne dans notre pays n’est conscient de cela”.

Chassiv Yar

Le prochain domino ukrainien suceptible de tomber s’appelle Chassiv Yar, une ville qui comptait quelque 12.000 habitants avant la guerre. “La Russie la pilonne lourdement avec son infanterie, et le manque de munitions fait que l’Ukraine peut à peine résister. Elle se trouve à une dizaine de kilomètres de Bakhmout, qui est tombée il y a environ un an. La ville est plus haute que les zones environnantes”, explique M. De Decker. “Sa position surélevée en fait le point clé de la ligne de défense ukrainienne actuelle. Si la Russie s’en empare, la route est ouverte vers les villes voisines”, ajoute l’ancien colonel Roger Housen.

Chassiv Yar se trouve dans la province de Donetsk, qui, avec la province de Louhansk, fait partie de la région du Donbass. La Russie contrôle une très grande partie de celle-ci. Selon l’Ukraine, l’armée envisage de prendre cette ville d’ici le 9 mai, date à laquelle la Russie célèbre sa victoire sur l’Allemagne nazie. Juste après Chassiv Yar se trouve la ville beaucoup plus grande de Druzhkivka. “Il s’agit d’un important nœud routier et ferroviaire. C’est là que l’Ukraine approvisionne le front oriental. Ce serait une grande perte”, avance M. Housen. Depuis Chassiv Yar, on aperçoit Kramatorsk et Sloviansk. Kramatorsk et Sloviansk sont les “joyaux de la couronne” du Donbass. Si le président russe Vladimir Poutine met la main sur ces deux villes, il contrôlera de facto toute la région.

La Russie a une supério­rité aérienne. Cela permet à ses troupes au sol d’opérer très efficace­ment.Roger Housen, ancien colonel

Supériorité aérienne

Des images diffusées sur X montrent des avions de guerre russes volant au ras du sol près de Chassiv Yar. “Cela témoigne de l’absence totale de défenses antiaériennes”, commente M. De Decker. Le manque de systèmes de défense aérienne est tel que l’Ukraine doit faire des choix: protéger le front ou Kiev. “La Russie a une supériorité aérienne. Cela permet à ses troupes au sol d’opérer très efficacement. Cela n’est pas censé se produire”, reprend M. Housen. D’ailleurs, l’absence de défense antiaérienne ne se limite pas au front. Dans une interview accordée mercredi, le président ukrainien Zelensky a admis qu’il n’était pas en mesure de protéger la grande centrale électrique de Trypilska, près de Kiev, parce qu’il a une pénurie de missiles antiaériens. L’année dernière, l’Ukraine a éliminé la quasi-totalité des drones et des missiles russes.

L’Allemagne s’apprête à envoyer un système de défense antiaérienne Patriot “supplémentaire”. Une goutte d’eau dans l’océan? “Je crains que oui”, estime M. Housen. “Un missile de défense coûte plusieurs millions d’euros. On ne gaspille pas cet argent pour un drone russe bon marché sur le front, on l’utilise pour protéger les centrales électriques dans les grandes villes”. Les appels à l’aide de Zelensky à l’Occident deviennent de plus en plus désespérés. La semaine dernière encore, il déclarait avoir besoin de 25 systèmes Patriot pour protéger toute l’Ukraine. Il n’en possède actuellement que trois. “Et les bombardements russes sont de plus en plus massifs: avec des bombes de 500 kilos, ils détruisent d’un seul coup des blocs entiers d’habitations ou des positions défensives”, précise M. De Decker.

Dans le nord-est de la région de Sumy, j’ai vu un réseau impression­nant de kilomètres de bunkers, de tranchées, de dents de dragon et de tranchées antichars.Arnaud De Decker, reporter de guerre

M. Zelensky craint une nouvelle offensive russe de grande envergure à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin. Et l’armée ukrainienne s’y prépare. “Dans le nord-est de la région de Sumy, j’ai vu un réseau impressionnant de kilomètres de bunkers, de tranchées, de dents de dragon et de tranchées antichars”, rapporte M. De Decker. La question est de savoir si cela suffira à arrêter la force russe. “J’ai des doutes. D’une certaine manière, il s’agit d’un coup d’éclat pour maintenir le moral des troupes. Cela aurait dû être fait plus tôt”, ajoute-t-il. L’Ukraine se prépare à une longue guerre, mais le soutien de l’Occident se tarit considérablement. Aux États-Unis, les républicains bloquent toujours un programme d’aide à Kiev estimé à environ 60 milliards de dollars.

Kiev en danger?

Le général américain Christopher Cavoli, commandant suprême des forces alliées en Europe, a déclaré la semaine dernière au Congrès américain que la partie qui ne peut pas riposter perd la guerre. Combien de temps l’Ukraine va-t-elle donc continuer ainsi? La ligne de front est-elle en train d’imploser? La capitale est-elle en danger? “Je ne pense pas que les Russes avancent vers Kiev. À moyen terme, ils pourraient bien prendre le Donbass. Et ça aussi, c’est dramatique. N’oublions pas que des centaines de personnes meurent encore chaque jour”, déclare M. De Decker. “Pour écraser complètement l’Ukraine, la Russie a besoin d’une supériorité de trois contre un, ce qui n’est pas le cas. Même sans nouveau soutien, l’Ukraine tiendra jusqu’à l’été. La Russie n’est pas en mesure de couvrir rapidement de grandes distances”, prolonge M. Housen.

“Le principal objectif de Poutine pour 2024 reste le Donbass. Après, on verra. Il est possible qu’il en ait assez et qu’il veuille soudain s’asseoir à la table des négociations”, conclut l’ancien colonel.

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