🇷🇺 Guerre totale à n’importe quel prix ou diplomatie: les scénarios pour Poutine
Vladimir Poutine peut-il gagner la guerre en Ukraine? Un mois après le début de l’offensive russe, la situation est sans doute plus difficile qu’il ne l’imaginait mais il reste prêt à payer le prix pour parvenir à ses fins, estiment des experts. Il dispose aussi de portes de sortie diplomatiques si besoin mais peut s’attendre à de sérieux défis s’il opte pour une occupation de toute l’Ukraine.
Les objectifs du Kremlin sont clairs: obtenir la « neutralité » et la « démilitarisation » de l’Ukraine, autrement dit la non-intégration de cette ex-république soviétique dans l’Otan.
Le Kremlin ne mise en revanche plus forcément sur un renversement du président ukrainien Volodymyr Zelensky, devenu un symbole de résistance aux yeux du monde occidental.
Mais l’offensive russe bute sur une résistance ukrainienne inattendue qui complique la donne pour le maître du Kremlin, habitué à des succès militaires plus immédiats, de l’annexion de la Crimée en 2014 à l’intervention en Syrie au côté de Bachar al-Assad.
Face aux difficultés de l’armée russe sur le terrain et à la cascade de sanctions qui s’abattent sur la Russie, il « s’achemine toutefois de plus en plus vers une guerre de destruction et de punition », explique Frédéric Charillon, professeur de Relations internationales à l’université Clermont Auvergne et auteur de “Guerres d’influence”.
« Ça prendra du temps, causera plus de drames, mais il est convaincu qu’il n’a pas le choix et qu’il est investi d’une mission historique », celle du rétablissement de l’influence russe, renchérit Tatiana Stanovaya, chercheuse au Carnegie Moscow Center.
Gagner la guerre, à quel prix ?
Si l’armée ukrainienne, prise en tenailles dans l’est du pays, s’effondre, Moscou prendra potentiellement le contrôle d’un pays d’environ 40 millions d’habitants, plus grand que la France, qui lui servira de zone tampon face à l’Alliance atlantique.
Mais la Russie risque aussi alors de se retrouver face à une situation insurrectionnelle. « Il va falloir tenir le terrain. Rester maître d’un territoire sous le harcèlement d’une insurrection, c’est très difficile », pointe Frédéric Charillon en rappelant que les Américains ont été confrontés à la même gageure en Irak et en Afghanistan.
Certains redoutent aussi une escalade militaire de la Russie, du recours à l’arme chimique aux attaques de convois occidentaux acheminant aide militaire et humanitaire à l’Ukraine.
Le plus vraisemblable est que Poutine redouble d’efforts et qu’on passe à une stratégie de guerre sale pour augmenter le coût humain pour les Ukrainiens et les forcer à capitulerMarie Dumoulin
Quelles portes de sortie ?
Si la situation s’enlise ou reste incertaine, Vladimir Poutine peut aussi sauver les apparences en arrachant des concessions politiques à Kiev et en encaissant des gains territoriaux.
« La clé pour Poutine, c’est la force, la pression et la victoire. Il ne peut pas se retirer sans avoir obtenu quelques trophées », analyse Abbas Gallyamov, analyste politique russe indépendant et ancien rédacteur de discours au Kremlin.
« Il a besoin d’un accord sur la neutralité de l’Ukraine. Mais ce n’est de toute évidence pas suffisant. Il veut aussi la reconnaissance (de l’annexion) de la Crimée et (de l’indépendance) des républiques séparatistes prorusses de Lougansk et Donetsk », estime-t-il.
Et si l’Ukraine ne souscrit pas à de telles exigences, la Russie pourra toujours se prévaloir de gains territoriaux dans l’est du pays, avec un objectif clé, assurer la continuité entre le Donbass, le port de Marioupol sur la mer d’Azov et la Crimée au sud.
« Il n’est pas exclu que les Russes essaient ensuite de pousser l’offensive jusqu’à Odessa pour prendre le contrôle de l’ensemble du littoral ukrainien sur la mer Noire », considère Marie Dumoulin.
Poutine menacé ?
Plus la guerre durera, « sans perspective de résolution rapide », plus les tensions seront susceptibles de s’aggraver jusqu’à « la rupture du système de pouvoir au Kremlin », considère l’Institut français de relations internationales (Ifri) dans une note d’analyse.
Certains acteurs du système, oligarques, chefs des services de sécurité, pourraient être tentés de dire « stop » à Vladimir Poutine, voire de le renverser, veulent croire certains analystes.
« Pour l’instant, je ne vois aucun signe de la sorte dans l’élite russe », tempère toutefois Tatiana Stanovaya. « Même si une partie de cette élite est choquée par la guerre, elle n’est pas prête politiquement à se lever contre », dit-elle.
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