🇶🇦 «On ne croit plus aux négociations»: le retrait du Qatar, symbole d’une médiation dans l’impasse entre Israël et le Hamas
Le Qatar a confirmé, ce samedi 9 novembre, qu’il suspendait ses efforts en vue d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza et que les négociations ne reprendront que lorsque les parties « feront preuve de volonté et de sérieux » pour mettre fin à la guerre. Avec les États-Unis et l’Égypte, Doha jouait un rôle clé dans les pourparlers entre Israël et le Hamas.
Israël et le Hamas ont été informés il y a dix jours de cette décision, assure Doha qui semble en avoir assez de ces cycles sans fin de négociations. Il faut dire que depuis le 7 octobre 2023, la médiation du Qatar n’a mené qu’à une seule trêve qui a duré une semaine et a permis la libération d’otages israéliens retenus à Gaza et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Depuis, de nombreux pourparlers ont eu lieu, sans résultat, car les deux parties s’accusent mutuellement de bloquer tout accord, chaque camp refusant les conditions de l’autre pour parvenir à un cessez-le-feu.
Cinq millions de dollars par otage
Au sein de la coalition gouvernementale israélienne et en particulier à son extrême droite, on se félicite de la décision du Qatar. Il s’agit d’un développement qui, estime-t-on, peut avoir un impact majeur sur le conflit à Gaza et dans la région tout entière, détaille notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul.
Mais ce dimanche matin, les commentateurs soulignent que la décision de Doha est toujours réversible. En d’autres termes, le Qatar n’a pas totalement retiré son épingle du jeu. Les Qatariens ont lâché du lest, à la demande de l’administration Biden, mais il reste à voir si les dirigeants du Hamas vont effectivement quitter l’émirat pour une nouvelle destination.
Pour Washington, pousser le Qatar à sortir du jeu diplomatique permettrait de réduire la capacité du Hamas à négocier, et ce faisant, contraindrait le mouvement islamiste à plus de concessions – sur la libération d’un certain nombre d’otages par exemple, notamment ceux qui détiennent également la nationalité américaine.
Plusieurs médias en Israël soulignent que les responsables israéliens, eux, ne fléchiront pas leurs positions avant l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump. Et en attendant, le Premier ministre Benyamin Netanyahu propose une nouvelle approche : offrir cinq millions de dollars pour chaque otage libéré et permettre aux ravisseurs de se réfugier dans un pays tiers.
Téhéran et Ankara aux avant-postes
Pour les Palestiniens, cela n’a rien d’une surprise ni d’un désaveu, rapporte notre correspondante à Jérusalem, Alice Froussard. « On ne croit plus aux négociations », précise un Palestinien de Gaza qui n’attend plus que des actes, un cessez-le-feu pour « que ces massacres se terminent », avant d’insister sur le fait qu’à Gaza la situation est de pire en pire qu’il y ait ou non des négociations.
« Il va être difficile de remplacer le Qatar, mais je pense que c’est plutôt la Turquie et l’Iran qui pourraient jouer un rôle important, explique Hasni Habidi, directeur du centre d’études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. Les Iraniens se réjouissent [de cette perspective]. L’ancien chef du Hamas, Yayah Sinwar, entretenait des bonnes relations avec [Téhéran], ce qui veut dire que c’est la ligne proche de l’Iran qui risque d’être renforcée ».
« Quelqu’un doit servir de médiateur »
Alors que la droite israélienne, elle, se réjouit de la décision du Qatar, les familles d’otages et ceux qui manifestent en faveur d’un accord qui permettrait leur retour n’ont pas le même avis. Rassemblés samedi non loin de la résidence du Premier ministre israélien pour réclamer la libération des otages, les manifestants étaient plutôt pessimistes.
« D’instinct, je dirai que c’est une bonne chose. Mais quelqu’un doit servir de médiateur. Je n’ai pas confiance dans la réaction du Hamas. Je crois malheureusement qu’ils sont plutôt contents de la situation telle qu’elle est », explique Israël Kemo. Pour Lorraine la médiation du Qatar était de toute façon vouée à l’échec. « À ce stade, j’ai perdu tout espoir qu’il y ait dans les deux camps quelqu’un qui veuille négocier pour la libération des otages. Alors, je crois que cela n’aura pas d’influence. »
Quant à Ofir, il pense que toutes les options sont maintenant ouvertes. « A priori, c’est triste et dommage. C’est peut-être un obstacle qui va torpiller le tout. Ou alors au contraire cela fera bouger les choses. Je ne sais pas. Mais il faut espérer ! », assure-t-il. Depuis maintenant plus de 400 jours, 101 otages sont toujours retenus à Gaza, et la guerre dans l’enclave palestinienne se poursuit.
RFI