Pourquoi 15.000 enfants palestiniens ont-ils été tués à Gaza? « Tout est délibéré, rien n’arrive par accident”

De nombreux enfants palestiniens ont de nouveau été tués depuis que les bombardements israéliens ont repris sur la bande de Gaza lundi soir. Cela porte le nombre total d’enfants palestiniens tués à au moins 15.000 depuis le début du conflit en octobre 2023. Pourquoi y en a-t-il autant? Et pourquoi Israël n’évite pas ce massacre? “Rien n’arrive par accident”, déclare une source de l’armée israélienne.
La guerre à Gaza a déjà tué entre 45.000 et 50.000 Palestiniens. Parmi eux figurent environ 15.000 enfants, selon les données de l’Unicef datant de fin janvier dernier. C’est plus que le nombre total d’enfants tués dans toutes les guerres à travers le monde en quatre ans. Brigitte Herremans, chercheuse sur le Moyen-Orient à l’UGent et chargée de cours à l’Université d’Anvers, craint toutefois que ces chiffres soient encore sous-estimés encore par rapport à la réalité. “Le même rapport indique également que 25.000 enfants ont été blessés et que Gaza compte le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde”, relève-t-elle. “17.000 enfants vivent séparés de leurs parents et un million d’enfants sont désormais réfugiés.”
Comment se fait-il qu’autant d’enfants soient victimes de cette guerre entre le Hamas et Israël? “Israël bombarde sans tenir compte de qui se trouve dans les bâtiments”, explique le professeur spécialisé dans le Moyen-Orient Koert Debeuf (VUB). Les hôpitaux et les écoles sont également visés. Israël peut bien affirmer que le Hamas est visé, mais s’il y a des enfants parmi les victimes, cela signifie qu’ils n’accordent tout simplement aucune attention aux personnes présentes sur les lieux bombardés.
“Si une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c’est parce qu’un membre de l’armée a décidé que cela ne représentait pas un problème si elle mourait”Source au sein de l’armée israélienne
Cela concorde avec ce qu’une source militaire israélienne a déclaré au site d’information israélien +972: “Rien n’arrive par hasard. Si une fillette de trois ans est tuée dans une maison à Gaza, c’est parce qu’un membre de l’armée a décidé que cela ne représentait pas un problème si elle mourait. Tout est délibéré. Nous connaissons précisément l’ampleur des dommages collatéraux dans chaque maison.”
Selon les enquêtes menées par des journalistes et des organisations de défense des droits de l’homme, l’armée israélienne dispose en effet d’une directive déterminant le nombre de morts civiles pouvant survenir lors d’une attaque, et ce nombre est extrêmement élevé. Pour un commandant du Hamas tué, la mort de plus d’une centaine de morts civiles serait considérée comme tout à fait acceptable.
Il est également vrai que dans la bande de Gaza, de nombreux jeunes vivent dans un espace restreint. Cela ne représente-il pas un risque expliquant le nombre important d’enfants parmi les victimes? “Il est vrai que la moitié de la population de Gaza a moins de dix-huit ans”, rappelle Brigitte Herremans. “Le principal problème est que l’armée israélienne ne fait pas la distinction entre les civils et les combattants. Au début du conflit, Israël a affirmé qu’il n’y avait pas de civils à Gaza. L’armée israélienne bombarde donc systématiquement les endroits où se trouvent de nombreux civils, comme les écoles et les hôpitaux. C’est précisément dans ces endroits que se trouvent de nombreux réfugiés, car ils s’y sentent en sécurité.”
“Le soutien au Hamas n’a pas diminué, bien au contraire”Koert Debeuf, expert du Moyen-Orient
Israël affirme que le Hamas se cache parmi la population civile et qu’il n’a donc d’autre choix que de bombarder cette population pour frapper le Hamas. Est-ce correct?
“Dans beaucoup de familles, il y a toujours une personne qui est membre du Hamas, c’est vrai”, explique Koert Debeuf, expert du Moyen-Orient. “Mais est-ce que cela a du sens de mener un bombardement entraînant la mort de vingt enfants afin de tuer un seul combattant du Hamas? Le droit de la guerre stipule qu’il doit y avoir proportionnalité: si l’on veut atteindre son objectif militaire, il faut le faire sans causer trop de pertes civiles.”
Cependant, selon certains observateurs, il s’agit d’une stratégie délibérée de l’armée israélienne visant à cibler la population civile palestinienne, qui comprend de nombreux enfants. Pourquoi faire cela?
“Il s’agit de la doctrine dite ‘Dahiya’, du nom d’un quartier de Beyrouth où se trouvait le siège du Hezbollah et qui a été rasé par l’armée israélienne. Selon cette doctrine, les infrastructures civiles de l’ennemi doivent être détruites afin que les combattants ennemis ne puissent plus les utiliser et que la population locale se retourne contre les combattants. Ou, en d’autres termes, en attaquant des civils et des enfants, Israël espère que les Palestiniens se retourneront contre le Hamas”, affirme Koert Debeuf.
La question est maintenant de savoir si cela aura l’effet escompté pour Israël. “Apparemment, c’est le contraire qui se produit. Des gens que je connais, qui avaient fui le Hamas, le soutiennent désormais. Ce soutien n’a donc pas diminué, bien au contraire. Les Palestiniens qui soutenaient auparavant les négociations avec Israël s’en détournent désormais, précisément à cause des dégâts considérables causés par Tsahal.”
“L’objectif principal de cette guerre semble être de chasser la population de Gaza. De ce point de vue, cibler les citoyens et les enfants serait logique”Koert Debeuf, expert du Moyen-Orient
Pourquoi Israël ne fait-il rien pour empêcher que davantage d’enfants palestiniens meurent?
“La question est de savoir quel est le but militaire”, pointe Koert Debeuf. “L’objectif de détruire le Hamas a lamentablement échoué, tout comme la libération des otages. Mais Gaza est complètement détruite. L’objectif principal de cette guerre semble donc être de chasser la population de Gaza. Dans cette perspective, cibler les civils et les enfants serait logique. Mais les Palestiniens ne veulent pas partir et les pays voisins refusent de coopérer. Où cela mènera-t-il? Seulement à davantage de victimes.”