🇲🇦 Pourquoi le Maroc refuse-t-il l’aide humanitaire de nombreux pays, dont la France et la Belgique?
Meurtri par un tremblement de terre d’une puissance inédite, dans la nuit de vendredi à samedi, le Maroc a déjà comptabilisé plus de 2.100 morts et des milliers de blessés. Mais alors que les secours sont sur le pied de guerre pour porter assistance à la population, une polémique inattendue émerge: pourquoi le pays a-t-il refusé l’aide humanitaire de la plupart des Occidentaux, dont la France, les États-Unis et la Belgique?
Ce dimanche, le Maroc a finalement accepté l’offre d’aide de quatre pays: l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et l’Arabie saoudite. Riyad a d’ailleurs annoncé mettre en place un “pont aérien” avec le Maroc. La Belgique, l’Algérie et les États-Unis ne figurent pas sur la liste et, plus étonnant encore, la France non plus. Si sa ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a néanmoins débloqué une aide financière de 5 millions d’euros et tenté d’éteindre une “fausse polémique”, la crise semble réelle entre Paris et Rabat. Les équipes françaises, expérimentées en la matière, se tiennent prêtes, les autorités l’ont d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises, mais le Maroc ne semble manifestement pas intéressé. Le président de l’ONG française Secouristes sans frontières, a d’ailleurs affirmé dimanche matin qu’il n’avait toujours pas reçu le feu vert. Un silence qui n’est pas anodin, trois jours après le séisme dévastateur (suite ci-dessous).
Tensions diplomatiques
L’explication “officielle” évoque une volonté, de la part des autorités marocaines, d’éviter un “engorgement” de l’aide internationale, commente Pierre Haski sur France inter. Or, de réelles tensions diplomatiques perdurent entre la France et le Maroc. En mars dernier, quand Emmanuel Macron avait décrit ses “relations amicales » avec le roi Mohamed VI, le gouvernement s’était empressé de démentir et qu’elles n’étaient, au contraire, “ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais Royal et l’Élysée”, rappelle-t-il. Le Maroc reproche notamment la position française sur le statut du Sahara-Occidental, territoire désertique du sud du pays qui revendique son indépendance depuis des décennies. Le roi du Maroc était en outre à Paris au moment de la catastrophe mais l’entretien privé avec Emmanuel Macron n’aurait pas permis d’apaiser la situation. Une présence que le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’a étrangement pas souhaité confirmer sur le plateau de Telematin, ce lundi (suite ci-dessous).
“Garder la main sur son pays”
Selon la géographe Sylvie Brunel, professeure à la Sorbonne et spécialiste de l’Afrique, interrogée par Le Figaro, le roi Mohamed VI veut tout simplement “garder la main sur son pays”: “C’est aussi une forme de fierté nationale. Mettez-vous à la place du Maroc. En cas de catastrophe naturelle en France, imaginez-vous des ONG marocaines ou américaines débouler? L’aide humanitaire internationale va toujours des pays développés aux pays non développés. En tant que pays émergent, Rabat veut montrer qu’il est souverain, capable de piloter les secours, et ne pas se comporter comme un pauvre pays meurtri que tout le monde vient charitablement secourir”, analyse-t-elle. Elle évoque également les ambitions géopolitiques des pays disponibles, comme ce fut le cas lors des interventions américaines en Haïti ou en Indonésie: “Les structures humanitaires sont un cheval de Troie pour s’installer, prendre des contacts, montrer qui sont les bienfaiteurs. Rabat refuse d’être un vaste champ d’opérations humanitaires dont il n’aura plus la maîtrise”, conclut-elle.
Plus d’ambassadeur marocain en France
Alors que la diaspora marocaine est l’une des plus nombreuses en France, avec environ 1,5 million de résidents permanents et le deuxième pays de naissance, derrière l’Algérie, des immigrés présents sur le territoire, le Maroc n’y dispose plus d’ambassadeur depuis janvier dernier, soulignent Les Échos. La France a également réduit considérablement les visas accordés aux Marocains. Rabat continue de revendiquer sa “souveraineté pleine et entière » sur le Sahara-Occidental, une “priorité absolue » à laquelle même les États-Unis ont accordé leur reconnaissance “en échange d’une normalisation des relations du Maroc avec Israël”. Principal obstacle de Paris dans cette problématique nord-africaine? La position de l’Algérie qui soutient activement les indépendantistes du Sahara et qui s’oppose fermement aux ambitions marocaines. Or, la réconciliation avec l’Algérie est “fondamentale” pour Emmanuel Macron, qui souhaite refermer les blessures de la guerre, rappelle RMC…
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