🇮🇳 Inde: Nupur Sharma, une provocatrice au coeur d’une polémique après ses propos sur le Prophète Mouhamed (PSL)
Ses remarques incendiaires sur le Prophète Mouhamed (PSL) ont outragé le monde musulman et soulevé un tollé diplomatique, mais les provocations de Nupur Sharma, jusque-là porte-parole du parti nationaliste hindou au pouvoir en Inde, ne sont pas nouvelles.
Agée de 37 ans, elle participe régulièrement aux débats télévisés, se posant en défenseure zélée et combative du programme du Premier ministre Narendra Modi.
Son influence a pris de l’ampleur avec l’essor ces dix dernières années du Bharatiya Janata Party (BJP) qui s’est imposé comme force politique dominante de l’Inde en défendant l’identité hindoue.
Mais la semaine dernière, à l’occasion d’un débat télévisé, en critiquant la relation du prophète Mahomet avec sa plus jeune épouse Aïcha, Nupur Sharma a déclenché une réaction mondiale.
Plusieurs pays musulmans du Moyen-Orient ont rapidement convoqué leurs ambassadeurs indiens pour protester. Ses propos ont été à l’origine de violents affrontements en Inde.
Mme Sharma, que l’AFP n’a pas pu joindre dans l’immédiat, a dû présenter des excuses publiques, affirmant avoir reçu ensuite des menaces de mort.
Le BJP a géré cette crise en suspendant Mme Sharma pour avoir «exprimé des vues contraires à la position du parti».
«Le BJP dénonce fermement toute insulte à une personnalité religieuse ou une religion», a-t-il assuré dans un communiqué.
Jusque-là, Mme Sharma faisait figure d’étoile montante d’un parti qui, selon observateurs et critiques, stigmatise la population musulmane du pays, forte de 200 millions de personnes mais minoritaire.
«Lui cracher dessus»
En 2008, encore étudiante, elle s’était engagée dans les jeunesses du BJP avant d’être élue présidente du syndicat étudiant de la prestigieuse université de Delhi. Elle y avait emmené une foule d’étudiants à l’assaut d’un séminaire organisé par un universitaire musulman, inculpé à tort pour attaque terroriste contre le Parlement et acquitté en 2005.
Le même jour, dans une émission télévisée, elle avait défendu avec véhémence ses actions et celles d’un camarade qui avait craché sur cet enseignant.
«Je ne vais pas m’excuser», avait-elle déclaré, «je vais prendre position. Le pays tout entier devrait lui cracher dessus. Qui l’a invité à l’université pour parler de terrorisme? »
Elle a étudié à la London School of Economics pour devenir avocate, avant de se présenter pour le BJP, sans succès, à une élection nationale en 2015.
En la suspendant, le parti a sacrifié un bouc-émissaire sur fond d’une culture politique plus large utilisant de longue date une rhétorique anti-islamique, estiment des experts.
«Le parti utilise ces têtes brûlées pour faire avancer son programme, mais quand elles vont trop loin, elles sont obligées de se retirer», dit à l’AFP Parsa Venkateshwar Rao, analyste basé à Delhi.
«C’est un jeu du chat et de la souris auquel ils jouent», ajoute-t-il, «les hauts gradés du parti permettent aux porte-parole de faire monter la température et agissent lorsqu’ils sentent que cela devient incontrôlable».
«Gestion de crise»
Depuis leur arrivée au pouvoir en 2014, le gouvernement de M. Modi et le BJP ont été accusés de prôner une politique discriminatoire envers les musulmans.
Le Premier ministre a proposé une loi controversée accordant la citoyenneté indienne à des réfugiés, sauf aux musulmans tandis que les États indiens contrôlés par le BJP ont adopté des lois rendant par exemple plus difficile pour les musulmans d’épouser quelqu’un d’une autre religion.
Les dirigeants du parti ont également gardé le silence à propos d’attaques contre des musulmans accusés d’avoir abattu des vaches, animal sacré dans l’hindouisme.
L’Inde écarte les critiques venues de l’étranger l’accusant de discrimination religieuse. Son ministère des Affaires étrangères a publié la semaine dernière un communiqué réaffirmant l’attachement du pays «à la liberté religieuse et aux droits de l’homme».
La mise à l’écart de Mme Sharma n’illustre pas les convictions du parti, estime Hartosh Singh Bal, rédacteur politique du magazine Caravan, ses commentaires sur l’islam ont juste «dépassé son objectif».
«Ce n’est qu’un peu de gestion de crise. Le type d’islamophobie sur lequel ils fondent leur politique ne changera pas.»
AFP